Dying Light 2 Stay Human - Gut Feeling
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Dying Light 2 Stay Human : combats, démembrements et gore, les coulisses d’une mise à jour en interview

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Nous avions déjà interviewé le studio de jeu vidéo Techland sur les coulisses artistiques du jeu Dying Light 2 Stay Human. Le titre mêle survie, horreur et action-RPG dans un monde rempli d’infectés.
Depuis notre article, la mise à jour « Gut Feeling » a amélioré le système de combat, les animations associées et les effets gores. L’occasion pour nous de revenir avec l’équipe Techland sur leur pipeline d’animation, l’usage de la motion capture mais aussi… Les coulisses techniques d’un démembrement !

Pour nous répondre : Dawid Lubryka, Animation Director, et Adam Michałowski – Senior Game Programmer.

3DVF : Le jeu Dying Light 2 Stay Human continue de recevoir des mises à jour. La plus récente, surnommée Gut Feeling, met à jour le système d’animations de combat et la physique, entre autres choses. Pourquoi avoir choisi de refondre cette partie du jeu ?

Dawid Lubryka : La qualité et l’ajout de détails dans les animations de combat et la physique ont toujours été des points cruciaux pour nous. De ce point de vue, le patch « Gut Feeling » est une grosse étape. Mais même avant, nous ajoutions déjà de nouvelles animations et peaufinions celles déjà existantes lors des combats.
Nous avons cependant décidé ici de nous concentrer davantage sur les mécanismes de combat et la physique, car nous avions vu que ces points avaient besoin d’améliorations. D’autant plus que notre communauté en discutait activement et nous faisait des retours sur ce point.

3DVF : Pouvez-vous nous parler de votre pipeline d’animation ?

Dawid Lubryka : Notre pipeline a évolué depuis le lancement. Nous avons maintenant une équipe dédiée à l’identification et à l’amélioration des problèmes de gameplay et d’animation, en nous basant à la fois sur nos plans de mise à jour pour le jeu et sur les attentes de la communauté. Selon qu’il s’agisse d’animations à la première personne (animations de l’avatar) ou à la troisième personne (ennemis), notre approche varie légèrement. Nous utilisons généralement des animations keyframe, faites à la main, pour les animations à la première personne. Pour les animations des ennemis, nous nous appuyons fortement sur de la motion capture, en travaillant en collaboration avec des acteurs et des cascadeurs. Dans les deux cas, nous avons plusieurs étapes pour créer une animation :

  1. Etape de prototypage – les animations sont prototypées et mises en œuvre de la manière la plus basique possible pour tester si les idées fonctionnent. Cela est fait très rapidement, donc soit nous utilisons un blocking très grossier pour les animations, soit nous modifions les animations existantes pour les adapter à nos besoins.
  2. Etape alpha – après avoir vérifié que l’idée fonctionne, nous recueillons le feedback et améliorons la qualité et le détail des mouvements. Pour les ennemis, à cette étape, nous organisons généralement des séances de motion capture suivie d’un nettoyage et d’une édition des mouvements captés.
  3. Etape de peaufinage – la dernière étape consiste à affiner les animations. Cela implique de corriger les poses pour les faire correspondre à l’ensemble du jeu, de peaufiner les arcs d’animation et d’ajouter du « mordant » aux animations.

Les animateurs de l’équipe dédiée travaillent en étroite collaboration avec les gameplay programmers et l’équipe QA (Quality Assurance, les équipes de test) pour implémenter de nouvelles animations lorsque cela est nécessaire. Ensuite, nous passons du temps à tester le jeu avec l’ensemble de l’équipe dédiée pour nous assurer que nous sommes sur la bonne voie. En général, obtenir les meilleurs résultats nécessite plusieurs itérations. Créer des animations simples pour pour une fonction spécifique peut prendre quelques heures pour obtenir de bons résultats, mais les perfectionner nécessite de répéter cette étape plusieurs fois et de prendre en compte les commentaires de toutes les parties impliquées.

Dying Light 2 Stay Human - Techland

3DVF : Vous avez rajouté dans la mise à jour de nouvelles manières de trancher, couper, démembrer. Comment avez-vous géré ces animations, au stade du concept puis de l’animation proprement dit ? Et comment choisissiez-vous quoi conserver, ajouter, modifier ?

Dawid Lubryka : Nos systèmes d’animation et gameplay sont très robustes, ce qui nous permet de séparer la majorité des artworks sur les modèles de destruction de corps et les animations. Les bases des systèmes étaient déjà en place en 2022 lors de la sortie, mais nous savions que beaucoup de simplifications avaient été faites, et que des raccourcis avaient été pris. Notre objectif principal était de rendre Dying Light 2 Stay Human plus brutal et réaliste en liant mieux les actions des joueurs aux réactions des ennemis.
Le système d’animations de réactions est très approfondi et détaillé. Dans de nombreux cas, le moteur physique – la mécanique des ragdolls – donne de bons résultats et améliore le gameplay émergent. Il combine la physique des ennemis avec les mécanismes du monde, ce qui donne une excellente expérience de type bac à sable. Cependant, toutes les réactions aux coups ne se traduisent pas par un effet de ragdoll. Dans de tels cas, nous devons nous appuyer sur des animations… Et pour les réactions aux coups, cela signifie beaucoup d’animations. Pour vous donner une idée, prenons l’exemple d’un des ennemis les plus courants du jeu, le Biter.

type de réaction * type d’arme * direction de l’arme * partie du corps * phase du coup (endurance de l’ennemi) * direction du joueur par rapport à l’ennemi

Ce calcul génère facilement environ 1000 animations, sans compter les variations pour les cas les plus courants. Pour que ce soir gérable, nous avons dû faire quelques compromis. Par exemple, la plupart des démembrements peuvent se produire lors de n’importe quelle réaction aux coups, pendant un ragdoll, ou peuvent déclencher leur propre animation de désarticulation spécifique (par exemple, la tête va se couper en réaction) – cela nous a permis d’économiser beaucoup d’animations tout en améliorant le gameplay émergent.

3DVF : D’un point de vue technique, comment est géré le démembrement d’un adversaire ?

Adam Michałowski : Pour gérer le démembrement de beaucoup d’ennemis différents, nous avons des zones de découpe hiérarchiques définies pour chaque archétype d’adversaire. D’un point de vue technique, quand on coupe un membre, la partie du corps qui est coupée est masquée à l’aide de shaders, et la surface de la coupe est couverte avec un mesh ayant la bonne forme. Par ailleurs, le mesh de la partie coupée est créée, de même que les effets visuels et sons associés. Une approche similaire est utilisée pour les trous dans le corps, ou pour la destruction d’une tête.

Démembrement - Techland

3DVF : Comment avez-vous su jusqu’où pousser le gore de ces animations ? A-t-il parfois fallu calmer les choses visuellement, quand une animation était trop sanglante et gore ?

Dawid Lubryka : A vrai dire, il y a effectivement eu quelques moments où on pensait être allés trop loin, et il a fallu baisser un peu le ton. Au final pas forcément car c’était trop gore, mais car ce n’était plus cohérent avec le monde que nous représentions. Un exemple concret : nous avons fait plusieurs itérations sur la force des réactions liées à un coup et les ragdolls. On voulait faire en sorte que ces actions aient un vrai impact, avec un côté satisfaisant pour les joueurs et joueuses. Mais on a atteint un stade où chaque attaque semblait excessivement puissante, ce qui ne collait plus avec la variété de contexte à couvrir dans le jeu. Avec une vaste gamme d’armes, les attaques normales, les attaques puissantes, les compétences comme le dropkick, et dans le but de laisser de la place pour de futurs évènements, nous avons réalisé l’importance de trouver le bon équilibre, plutôt que d’aller vers les extrêmes.

Dying Light 2 Stay Human - Techland

3DVF : Quels ont été les animations ou éléments qui ont posé le plus de défis dans cette mise à jour, d’un point de vue technique et artistique ? Et comment avez-vous surmonté ces obstacles ?

Dawid Lubryka : Dying Light 2 Stay Human est un monde ouvert exubérant dans lequel des mécaniques de jeu, systèmes d’IA, et le monde ouvert lui-même s’entrelacent et se superposent. Le résultat est que changer un élément va souvent entraîner une cascade de changements dans une lignée de composants interconnectés et de dépendances. Changer un unique point peut déclencher une cascade d’effets et nécessite donc un soin particulier, des ajustements pour que l’expérience reste cohérente. Travailler sur des changements tels que ceux de la mise à jour est un vrai sac de noeuds, car le jeu et sorti et on doit faire attention à améliorer l’expérience, pas la briser.

Dying Light 2 Stay Human - Techland

3DVF : L’IA fait énormément parler d’elle, y compris en animation 3D temps réel. Par exemple, Unity avait présenté l’an passé (notamment au SIGGRAPH 2022) des outils de création de poses de personnages assistés par IA, et certains outils d’animation comme Cascadeur ont commencé à utiliser de l’IA. Est-ce que Techland suit aussi cette voie ?

Dawid Lubryka : On suit de près l’état de l’art dans l’industrie et les nouvelles technologies qui sortent. A titre personnel, je pense que l’IA va révolutionner notre façon de travailler à l’avenir, mais pour le moment, dans le secteur de l’animation, je parlerais plutôt d’évolution que de révolution. Au fond, c’est un peu comme quand la motion capture a changé en profondeur notre manière de travailler, mais je pense que c’est juste un outil en plus entre les mains des animateurs et développeurs de jeu. Et on est clairement constamment en recherche de nouvelles manières d’améliorer l’ensemble d’outils que l’on utilise, d’accélérer notre workflow, et surtout, la qualité de nos jeux.

Ci-dessous : démos de Cascadeur et du système développé par Unity.

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