Sushi Bushi
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Sushi Bushi : les coulisses du court épique de Hugo Cierzniak, Wizz et NoOne !

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Il y a 10 ans déjà, nous vous proposions une interview de Hugo Cierzniak autour de son court-métrage Dip N’Dance. Il est de retour dans nos colonnes pour évoquer son nouveau court : Sushi Bushi, réalisé en collaboration avec les studios Wizz et NoOne !

Voici le film, suivi de l’interview.

3DVF : Peux-tu nous en dire plus sur le concept de Sushi Bushi et la naissance du court ?

Hugo Cierzniak : Tu sais quand tu es soudain inspiré et que tu te retrouves dans cette situation où tu te dis “ah tiens, ça pourrait être marrant de faire ça”, ben s’il y a un conseil que je peux donner à ceux qui nous lisent, c’est : NOTEZ LE !

Ne laissez pas passer ce moment en se disant “je le noterai plus tard” (spoiler alert : vous allez l’oublier).

Bref, cette idée fait partie d’une banque que j’alimente depuis des années et dans laquelle se trouvent vraiment beaucoup de choses (des choses bien et aussi des beaucoup moins bien mais j’assume ^^). C’est John Cleese qui dit : « La créativité ce n’est pas un talent, c’est une façon d’aborder les choses”. J‘abonde en son sens et ma façon d’aborder les choses c’est d’être attentif et de noter TOUT ce qui m’inspire.

Et c’est donc un soir devant un plateau de sushis que je me suis dit “ Haha ce serait marrant de se dire que le saumon qu’on a dans notre assiette en fait c’est un maître samouraï qui est allé le chasser l’a découpé pour tout le restaurant et que c’est de ça qu’il vit”. Oui c’est vrai, c’est marrant… et on pourrait vite passer à autre chose. Mais moi je note ce genre d’idées avant de passer à autre chose. Et coup de bol, cette idée à pris vie des années plus tard et je suis ravi que Sushi Bushi existe aujourd’hui !

Mood Board

3DVF : L’implication de Wizz est logique étant donné que tu travailles chez eux depuis quelques années, mais comment NoOne s’est retrouvé impliqué ?

Hugo Cierzniak : Cela fait quelques années maintenant que je travaille comme storyboarder avec des réalisateurs de chez Wizz (essentiellement Patagraph et Illogic) et je leur ai proposé mes services en tant que réalisateur. Vu qu’on s’entend bien, ils ont accueilli chaleureusement la proposition. Et ils m’ont fait savoir que si j’avais une idée de très court-métrage qui permettrait de mettre “mes talents” en avant, on pourrait en discuter.

Après, je savais qu’il faudrait fabriquer ce film en 3D et j’avais déjà une envie d’un design cartoon avec un rendu plus réaliste donc il me faudrait trouver un studio. Il se trouve que sur ces dernières années, j’avais pas mal collaboré avec NoOne aussi en tant que directeur d’animation sur leurs projets keyframe (Gates of eternity, Puzzle Royal, Aether) et que ça s’était super bien passé, notamment avec Xavier Bernardelli qui est un animateur 3D de talent !

Ci-dessus et ci-dessous : les sushis
Sushi Bushi

J’ai donc plongé dans ma banque d’idées et j’en ai sélectionné 3 qui me semblaient faisables. J’en ai parlé à Clément Martin, un des cofondateurs de NoOne avec qui j’avais eu l’occasion aussi de travailler chez Unit Image des années auparavant et avec qui on partage l’amour des projets courts. C’est clairement Sushi Bushi qui est sorti du lot. Il se résumait à un combat épique entre un samouraï et un saumon géant (j’avais clairement Capitaine Achab VS Moby Dick en tête) et le contre-pied qui révélait être une pub pour un restaurant de Sushis (c’est finalement Wizz qui a suggéré de ne pas en faire une fausse pub mais plutôt un court-métrage à part entière). 2 persos, peu de props, un décor, une idée simple : le cocktail semblait parfait pour se lancer sur ce projet.

NoOne est un studio mais il sont aussi représentés comme réalisateurs chez Passion Pictures et ils sont plus connus pour faire des projets hyper réalistes (souvent en mocap). On avait donc un bon deal win-win – comme on dit dans les agences de pub ^^ – Ce film me servirait de carte de visite pour pouvoir être représenté comme réalisateur et eux pourraient avoir un film plus cartoon dans leur bande démo pour pouvoir essayer de viser un éventail plus large sur les appels d’offre avec Passion Pictures.

J’apporte le projet, le ton, le rythme, l’animation keyframe et ils apportent la fabrication du film avec les rendus hyperréalistes qui les caractérisent.

Le premier storyboard

3DVF : Comment ont été répartis les rôles entre Wizz et NoOne ?

Hugo Cierzniak : NoOne est co-producteur dans le sens où ils ont fait un apport en industrie en fabriquant la totalité du court-métrage en 3D. Ils ont pris en charge leur propre salaire, les machines, les locaux, les licences, le salaire de l’animateur 3D (Xavier Bernardelli) et les alternants qui travaillaient pour eux (Alex Mazire et Mathis Boumedjmadjen).

Wizz a participé financièrement de manière symbolique à cet effort et a pris en charge tout ce qui n’était pas de la 3D. A savoir la rémunération du character & props designer (Adrien Gault) le color script (Simon Dumonceau) les FX 2D (Thomas Ramon), les concepts du générique ainsi que son compositing (Marvin Chen) et tout ce qui est musique, voix et mix (Kilian Arzel avec son studio Wheel Creation).

J’en profite une fois de plus pour remercier tout ce beau monde pour leur excellent travail et l’effort qu’ils ont fait au niveau de la rémunération car je rappelle que malgré leur expérience, ils ont tous fait un effort pour rendre ce film possible dans une économie de court-métrage.

3DVF : Quels ont été les plus gros enjeux techniques/artistiques du court-métrage Sushi Bushi ?

Hugo Cierzniak : Le plus GROS enjeu technique a de très loin très loin été la gestion de l’eau. On ne la voit pas tant que ça et elle n’est jamais VRAIMENT mise en avant mais c’est clairement les simulations (et crashs à répétition) de vagues et de mer qui ont été le plus gros challenge technique. Je pense qu’il nous manquait un 3D FX artist mais on n’avait pas le budget pour donc c’est Clément Martin qui a pris le sujet à bras le corps et a brillamment relevé le défi.

3DVF : Quelques mots sur le personnage principal, son chara design et son animation ?

Hugo Cierzniak : Je trouve que la création de ce personnage est la chose la plus réussie dans ce film. Tellement réussie que j’adorerai voir la suite de ses aventures et que je suis frustré de ne pas le voir prendre vie plus longtemps. J’avais une idée assez claire d’un genre de ronin super badass dans un style cartoon. Je voulais qu’il ait pour mission d’aller tuer cette créature mythique comme le capitaine Achab qui chasse Moby Dick mais version samouraï. J’ai hésité pendant un moment pour lui mettre une jambe de bois. J’aimais bien l’idée d’un catogan avec une grosse barbe hirsute, le chapeau pour le côté mystérieux, les getas (chaussures traditionnelles en bois) et le katana bien sûr. Je visualisais le personnage et je suis venu avec une proposition vers Wizz.

Sushi Bushi

Ils ont validé la vibe du personnage et l’intention globale mais pour ce qui est du design, ils m’ont invité à revoir ma fiche en trouvant quelqu’un dont c’était vraiment le métier. Ravi de leur proposition (vu que je n’osais pas trop demander de prestations extérieures sachant que ça impliquerait un budget), je me suis dirigé vers Adrien Gault avec qui j’avais eu la chance de travailler juste avant sur le projet de série Alex Player. Le courant passait bien et j’adorais son style de design. Ce que je ne savais pas en lui faisant cette proposition – et ça fait du bien d’avoir un peu de chance parfois – c’est qu’Adrien est un fan ultime du Japon et toute sa culture !!!

Après lui avoir pitché le projet et les intentions, il m’a dit : Cherche pas plus loin mec, je suis ton homme !

Il a tout de suite compris l’intention et a sorti des planches incroyables qui ont non seulement sublimé l’idée de base mais ont apporté de nouvelles idées ! Le fait que ce soit son propre chapeau le plateau sushi, qu’il y ait des vestiges d’armes d’anciens chasseurs plantées sur le saumon et le bonsaï géant à l’arrière du bateau, c’est de lui.

Ensuite on a un peu tâtonné en 3D pour le mettre en volume mais j’avais déjà en tête un système “simple” pour permettre un maximum de liberté à l’animation. Donc Alex Mazire s’en est occupé et le look dev qui a été fait derrière a mis tout le monde d’accord très vite.

Sushi Bushi
Ci-dessus et ci-dessous : modeling du personnage principal, avec notes de travail.

Et pour l’animation, j’ai bien évidemment fait appel à Xavier Bernardelli car ça faisait déjà plusieurs projets qu’on faisait ensemble avec NoOne donc on n’allait pas changer une équipe qui gagne. Il a été au rendez-vous et s’est surpassé en faisant une animation vraiment mortelle ! J’espère qu’on aura d’autres occasions de redonner vie à ce samouraï.

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3DVF : On note la présence de la 2D pour certains FX de Sushi Bushi. Pourquoi ce choix plutôt que la 3D ?

Hugo Cierzniak : C’est là où on met le doigt sur les “solutions originales”. Comme je le disais plus haut, on n’avait pas le budget pour embaucher un artist FX 3D. On savait qu’on ne pourrait pas contourner les vagues en 3D à moins de mettre un autre système en place. Ce qui aurait pu être une option mais ça voulait dire partir sur un développement d’une technique “originale” et personne ne se sentait trop de partir la dedans. Beaucoup de temps et d’énergie pour un résultat trop incertain.

Ensuite, l’avantage des FX 2D, c’est que je trouve qu’artistiquement, on a beaucoup plus de contrôle dessus. Notamment au niveau du design. J’avoue que j’avais un peu peur de l’intégration car c’est une évidence que ça se passera bien quand les rendus sont stylisés en 2D (je pense à Arcane par exemple) mais sur un rendu aussi réaliste, c’était beaucoup plus hasardeux. Mais bon, le challenge de ce film c’était aussi d’essayer des choses et d’apporter quelque chose d’un peu nouveau alors on l’a tenté et pour moi c’est un pari réussi. Je suis par exemple très content de la cohabitation du FX d’eau en 2D qui coule sur le poisson quand il sort de l’eau avec la “vraie” eau en 3D à côté alors que sur le papier ce n’était pas gagné du tout. Idem pour le glint qui parcourt le plateau de sushis ou les éclairs dans le ciel. Quand on a pas d’argent c’est bien d’avoir des idées !

J’en profite au passage pour remercier Thomas Ramon qui a fait du super boulot ! Et je suis aussi content de ce choix de FX 2D car comme on n’avait pas le budget pour que Thomas fasse tous les FX, ça m’a permis de mettre la main à la pâte et d’en faire quelques uns moi aussi en renouant un peu avec l’animation, mon premier amour.

Ci-dessous : animatiques


3DVF : Entre le personnage principal, le navire, le poisson, on se retrouve avec des éléments de tailles très différentes. Comment as-tu abordé ce point du côté de la réalisation ?

Hugo Cierzniak : Je pense que c’est ce rapport d’échelle qui a posé de gros problèmes au niveau de la simulation de l’eau. Et notamment du premier plan où on voit le petit bateau sur les grosses vagues. L’idée générale de la direction artistique c’était de s’approcher d’un rendu un peu macro /  stop motion. Je crois qu’au final on s’en est sorti en changeant le rapport d’échelle pour avoir des vagues beaucoup moins grosses (et du coup une eau moins fine) ce qui pouvait aller dans la direction d’avoir un bateau miniature plutôt qu’un vrai bateau de 20m de long.

Ci-dessus et ci-dessous : étapes de création du navire de Sushi Bushi.
Sushi Bushi
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Après, je suis ravi du plan en slow mo dans lequel le samouraï se jette dans la gueule du saumon. C’est typiquement le genre de plan épique que j’avais en tête dès le début du projet et le fait de les avoir l’un en face de l’autre, avec le bateau derrière, on ressent bien le rapport d’échelle.

Color Script du duel avec le poisson.
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3DVF : Quel bilan tires-tu de la réalisation de Sushi Bushi et de la collaboration Wizz/NoOne ?

Hugo Cierzniak : Pari gagné et bilan positif de mon côté ! Je pense que c’est justement en travaillant avec des personnes venant d’horizons différents qu’on arrive à proposer des choses nouvelles. NoOne a su s’adapter à ma vision et Wizz, de par son expérience, a été de très bon conseil sur certaines directions à prendre plutôt que d’autres.

Maintenant j’espère que le film tournera assez et convaincra les bonnes personnes pour que j’aie l’occasion de remporter des projets en tant que réalisateur sur des appels d’offres et pourquoi pas remettre le couvert avec NoOne et Wizz ?

3DVF : Il y a une dizaine d’années, nous t’avions interviewé autour de ton court-métrage Dip N’ Dance (voir notre article) : comment as-tu évolué depuis ? 

Hugo Cierzniak : J’espérais secrètement que Dip N’Dance soit assez convaincant pour pouvoir pousser les portes de la réalisation sur d’autres projets. Rétrospectivement, je pense avoir été trop passif en attendant qu’on vienne me chercher alors que j’aurais peut-être dû batailler beaucoup plus en allant taper à la porte des studios et des sociétés de production en présentant ce film. Est-ce que ça aurait changé grand chose ? Je ne sais pas mais au moins j’aurais su que j’aurais essayé. Je vais tâcher de tirer les leçons de cette expérience et de ne pas faire la même erreur avec Sushi Bushi.

Dip N’Dance – Hugo Cierzniak
Fabriqué chez Delapost Paris

Néanmoins, Dip N’ Dance m’a permis à l’époque – en tant qu’animateur – de passer sur du long-métrage. D’abord à Mikros sur Astérix et le domaine des Dieux, puis chez Illumination sur Minions, Comme des bêtes, puis Sing. Je suis repassé chez Unit Image comme directeur d’animation mais après toutes ces années, j’ai fait le constat que l’animation n’était pas le chemin le plus court vers la réalisation malgré mes principaux modèles qui sont Louis Clichy et Benjamin Renner, que j’avais identifié comme deux animateurs. C’est plus tard que j’ai réalisé qu’ils n’étaient pas “juste” animateurs mais qu’ils avaient l’un comme l’autre un vrai statut d’auteur avec un propos et une identité claire.

C’est donc en 2018 que j’ai fait ma reconversion comme storyboarder – plus proche des réalisateurs et de la mise en scène que l’animation – et que depuis, j’enchaine les productions et je réalise des trailers de séries pour pour me positionner comme réalisateur. Je multiplie les possibilités en faisant aujourd’hui Sushi Bushi pour tenter ma chance sur le circuit de la pub et des clips musicaux. Mais j’ai aussi dans mes cartons d’autres projets, qui je l’espère, verront le jour eux aussi dans moins de 10 ans cette fois !

J’en profite avant de vous quitter pour inviter nos lecteurs à suivre les posts que j’ai fait (sur Instagram et/ou LinkedIn) au sujet des coulisses de la fabrication du film.

3DVF : Merci Hugo pour ces réponses ! Nous aurons l’occasion de suivre tes prochains projets.

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