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nWave Studios nous dévoile ses coulisses : Les Inséparables, stratégie, USD, recrutements, Annecy !

Cet article est également disponible en: Anglais

Bigfoot Family, Royal Corgi, Robinson Crusoé : depuis une quinzaine d’années déjà, les films des studios nWave séduisent un large public familial. L’équipe ne compte pas en rester là dévoilera au Festival d’Annecy son nouveau projet, le film d’animation Les Inséparables.

Mieux encore, nWave compte grandir et augmenter son rythme de production. Nous avons donc profité d’une rencontre organisée par la Haute École Louvain en Hainaut pour interviewer Vincent « Kmeron » Philbert, Head of Production.
Nouveau film, stratégie, budgets, recrutement, stages, position sur l’IA, le temps réel, USD : un tour d’horizon complet pour mieux comprendre ce studio belge indépendant et sa vision !

Les longs-métrages animés des studios nWave
Les longs-métrages animés des studios nWave

3DVF : Bonjour Vincent, et merci pour cette interview ! Pour commencer, parlons de votre prochain film, Les Inséparables. Nous l’avons déjà évoqué sur 3DVF, mais peux-tu nous le présenter ?

Vincent « Kmeron » Philbert » : C’est notre 10ème film !

Il s’agit d’un concept original, écrit au départ par Joel Cohen et Alec Sokolow, deux des auteurs de Toy Story. C’est un buddy movie avec deux personnages qui vont progresser au fil de l’aventure.

Les Inséparables | Teaser VOSTFR

Synopsis du film :

Un buddy movie comique sur les mésaventures d’une marionnette fugueuse à l’imagination débordante (Don) et d’un animal en peluche abandonné qui a besoin d’un ami (DJ Doggy Dog). Ils se croisent à Central Park et s’associent contre toute attente pour une aventure d’amitié épique à New York.

3DVF : Cette idée de personnages que tout oppose se retrouve visuellement, avec des physiques très différents pour les deux héros : un nounours rappeur, un personnage qui évoque Don Quichotte… Cela entraîne sans doute une certaine prise de risque ?

Il y a une prise de risque effectivement, d’une part entre ce contraste entre les deux personnages, mais aussi dans les ruptures visuelles. Quand on est dans les phases d’imagination du héros, le traitement graphique est différent, plus stylisé. Cela reste de la 3D mais avec des aplats.

Nous nous intéressons au stylisé, qui est une tendance de fond de l’industrie comme on le voit avec Spider-Verse, TMNT par exemple, mais on l’utilise quand c’est pertinent, qu’il y a une plus value.

Les Inséparables
Ci-dessus : Les Inséparables – séquence en rendu classique. Ci-dessous, rendu stylisé.
Les Inséparables

3DVF : En termes de budget, comment se situe Les Inséparables ?

On est à 25 millions d’euros, le budget moyen de nos films.

3DVF : Vous avez donc à la fois des moyens permettant de faire de belles images, tout en ayant un budget à tenir : un défi que nous avions évoqué avec le studio TAT pour leur film Pattie et la colère de Poséidon. Comment abordez-vous cet enjeu chez nWave Studios ?

Très tôt, avec le scénario, on fait une déconstruction pour savoir où on met le temps. Au bout du compte, le temps c’est de l’argent, mais ce qui m’intéresse c’est vraiment le temps alloué, combien de temps on a, on donne pour faire les choses. Au fur et à mesure des films, le but du jeu de mon côté est que les équipes me fassent remonter combien de temps a été passé sur tel personnage, tel décor, telle séquence. Cela me permet d’avoir une bonne idée du temps pris pour des éléments précis.

Par exemple je sais qu’un héros chez nous, que ce soit Adam dans Bigfoot ou Rex dans Royal Corgi, du premier dessin à la dernière version modélisée riggée shadée, c’est 60 semaines de travail cumulé. Je peux donc anticiper sur un nouveau film qu’un de nos héros aura besoin de 50 à 70 semaines de travail.

Ensuite, on avise selon les besoins narratifs. Est-ce qu’il faut plus de temps en animation pour renforcer l’empathie envers le héros, est-ce qu’il y a des défis techniques qui vont nécessiter plus de temps, etc. Je vais donc allouer plus ou moins de temps, de ressources.
Tout est divisé par département au départ, puis selon les points techniques, narratifs. Par exemple, on va me dire qu’il faut encore 5 jours d’animation sur le héros pour mieux faire passer les émotions d’une séquence, et en tant que head of production je vais répondre « pas de souci, mais il faut prendre 5 jours ailleurs ! » afin que le budget de base soit respecté.

3DVF : Parlons du studio lui-même. En 2018, le groupe MZM de Matthieu Zeller a racheté la majorité des parts de nWave. Quelles ont été les conséquences de cette acquisition pour nWave ?

Le rachat par le consortium de nouveaux actionnaires a permis une nouvelle dynamique de volonté de montée en capacité, de travailler les scenarios plus tôt et plus longtemps, de continuer la stratégie de studio entièrement intégré en allant désormais jusqu’à la vente de nos films aux distributeurs, de sourcer aussi les projets pour faire progresser encore notre studio.

3DVF : Et dans le cadre de cette montée en puissance, il y a un changement notable qui va se mettre en place sous peu, avec un calendrier de production plus dense !

Oui ! Pour prendre un peu de recul, le studio a 30 ans, avec 15 premières années consacrés aux « rides » de parcs d’attractions, les prémices de la 4Dx, et des projets Imax institutionnels, sur la faune, la flore.

nWave - rides
Quelques rides de nWave
Quelques projets nWave axés sur la nature

Il y a une quinzaine d’années, depuis Fly Me To The Moon, on se focalise exclusivement sur le long-métrage d’animation 3D. Au départ, nous faisons un film après l’autre. Depuis 5 ou 6 productions, nous avons densifié les choses avec une continuité de travail : par exemple, alors que nous finissions Les Inséparables, le film d’après avait déjà commencé depuis une dizaine de mois.

Fly Me To The Moon (2008)

L’intérêt est d’avoir du travail en continu pour les équipes, et donc de les fidéliser. En moyenne, les gens restent 4 ans chez nous, ce qui n’est pas vraiment la norme dans l’industrie.

Il faut rappeler aussi que nous sommes un studio indépendant et intégré : nous avons la liberté de choisir les scénarios, des faire progresser, etc. Et en tant que Head of Productions, je gère justement la bascule d’un film à l’autre, et je travaille à ce que l’on tienne la qualité narrative, visuelle.

Avec deux films en parallèle, on livre un long-métrage tous les 16 mois. Notre but est de passer à un film tous les 12 mois, ce qui nécessite de travailler sur trois films en même temps. A différents stades d’avancée, évidemment. Avec par exemple un film en préproduction, deux en fabrication.

Les locaux nWave Studios
Les locaux nWave Studios

3DVF : On imagine donc que l’équipe va grossir ?

Oui ! Le studio compte actuellement environ 150 personnes de 12 ou 13 nationalités différentes, on cherche vraiment les talents d’où qu’ils viennent, quelle que soit l’école. La croissance va nécessiter d’étoffer l’équipe, et de faire en sorte que ces nouvelles recrues s’intègrent bien, qu’elles puissent découvrir la culture du studio.
Je n’ai pas encore de chiffre précis en tête, nous en saurons plus très rapidement : le film qui suit Les Inséparables sera complété d’ici fin 2024, le suivant sortira en 2025 (il faudra donc le commencer d’ici quelques mois).
Il faudra aussi faire en sorte de gérer cette croissance de façon raisonnée, pour garder un studio humain.

3DVF : Côté français, les studios ont du mal à recruter à certains postes : où en est la situation en Belgique ?

Jusqu’ici nous n’avons jamais vraiment eu de difficultés pour recruter, mais cela fait partie de notre travail en cours : continuer à nous faire connaître pour attirer les talents.
En fait, beaucoup de gens connaissent nos films, comme Bigfoot Family, mais sans faire le lien avec nWave en tant que studio indépendant, intégré et situé à Bruxelles.

Et comme évoqué plus haut, on est un studio très international donc on n’hésite pas à piocher les gens d’où qu’ils viennent. J’étais par exemple récemment en Allemagne, à Cologne chez PIXL VISN pour présenter le studio, mais aussi chez Rubika… Le but étant vraiment de faire connaître le studio en tant que tel, pour que l’idée d’une carrière chez nous fasse sens pour les junior, mais pas seulement. Nous sommes actuellement essentiellement un studio composé de mid/senior, du fait que les gens restent longtemps avec nous, que cela permet à tout le studio de progresser.
On promeut également beaucoup en interne, la plupart des superviseurs de nWave ont été promis à ce poste en interne.

Il faut bien voir également que du fait de nos équipes plus réduites que certains gros studios français, mathématiquement, on a moins de gens à trouver aussi : on cherchera 15 animateurs et animatrices là où ces studios en chercheront 60.

Royal Corgi
Royal Corgi

3DVF : Tu évoques cette volonté de se faire connaître auprès des artistes en tant que studio : quid du grand public ? Y a-t-il une volonté de créer une image de marque ?

Oui, c’est le but.
On assume faire des films mainstream, internationaux, et on souhaite que les gens se disent « J’avais apprécié Bigfoot, ce prochain film du même studio devrait être bon ».
Exemple concret, sur les affiches des Inséparables le nom du studio est juste au-dessus du titre.

Mais c’est loin d’être facile, quelle que soit la taille : quand je dis à certains de mes proches que tel film est un Pixar, ils me répondent « ben non, c’est Disney ». Ce n’est pas faux mais en même temps ce n’est pas tout à fait ça.
Donc si les plus grands noms ont du mal à faire passer cette image auprès du grand public, on a évidemment un chemin encore plus grand à parcourir. D’où aussi l’intérêt d’être présents aux évènements, de se montrer. On essaie par exemple désormais de placer nos films dans tous les festivals d’animation.

Il n’y a pas de formule magique, et c’est loin d’être facile, mais on espère que l’on y parviendra.

3DVF : Nous parlions plus haut du coût de vos films. A moyen, long terme, le studio envisage-t-il d’augmenter les budgets, peut-être en suivant l’exemple d’un Illumination par exemple ?

Pour le moment ce n’est pas notre volonté. On aime le formuler ainsi : on préfère être le champion du monde de notre catégorie plutôt que d’aller dans un bain de requins dans lequel le studio ne serait pas pérenne.
Nos budgets nous permettent d’être dans un créneau qui répond à une demande de films familiaux, de conserver notre indépendance (là où Illumination dépend d’Universal) et donc de plaire aux distributeurs des différents pays qui ont des besoins de contenus.

On veut donc rester dans cette catégorie, et faire les meilleurs films possibles dans ces conditions.

Royal Corgi
Line-up de personnages – Royal Corgi

3DVF : Un chantier en cours chez nWave est le passage en USD : vous allez adopter le fameux Universal Scene Description, initialement développé par Pixar et qui s’impose de plus en plus comme le format de données standard de l’industrie. A votre niveau, qu’en attendez-vous ?

En fait cela s’inscrit dans le cadre de la remise à zéro de notre pipeline, son refactoring. Nous avons deux thématiques :

  • Tout ce qui est tracking/suivi des échanges d’informations. Nous avions une solution in-house, une sorte de Shotgrid faite maison, et nous passons sur la solution de review, suivi de production et pipeline ftrack.
    Notre besoin ici étant double. Tout d’abord, le tracking. Pour Hopper et le Hamster des ténèbres nous avions par exemple 40 000 éléments à tracker et valider sur le film, la nécessité de pouvoir réagir sur les images avec des annotations, que les équipes soient au courant de ce qui a été dit.
    L’autre besoin étant la partie pipeline, le getter/committer : on envoie des données dans le pipeline, on les récupère ailleurs. Dans ce cadre, l’USD va nous permettre d’éviter les passerelles entre outils, par exemple entre Houdini et Maya (actuellement nous utilisons Maya/Houdini/Arnold, plus des outils classiques comme ZBrush, SpeedTree, Substance). Ne pas avoir de multiples outils internes permet d’avoir des artistes directement productifs lors de leur arrivée.
  • Autre grande thématique, avoir un pipeline articulé sur USD nous permettra de faciliter les recrutement côté pipeline, avec des personnes qui maîtriseront déjà la technologie sans avoir à découvrir une architecture interne totalement inconnue. Avec de grandes tâches à venir sur la transmission des données entre départements par exemple.

Mais il s’agit de moyen terme, nous travaillons à cette adoption depuis un an, nous avançons par à pas.

Les locaux nWave Studios
Les locaux nWave Studios

3DVF : Les retours que nous avons eu des studios sont ceux d’une technologie encore en cours de maturation…

Oui, on a le même sentiment. A chaque nouvelle version d’USD on réalise que tel élément fonctionne désormais, que tel chose avance.

Il faut aussi que les outils du marché supportent USD : Maya était en retard sur Houdini, par exemple. Maya 2024 fait un vrai bon en avant en termes de support USD.

3DVF : Autre enjeu, la transition écologique, et les coûts de l’énergie.

Exactement, on a les mêmes problématiques que les studios français à ce niveau. Avec la crise énergétique, on s’aperçoit qu’on ne consomme pas moins (même si on essaie). Pour nous aider, on vient de rajouter des panneaux solaires partout où on le pouvait (nous avons 3000m² de bâtiment), mais un studio d’animation reste très énergivore, donc ça ne résout donc pas le problème.

Dans ce cadre là, on réfléchit à des solutions comme le cloud computing, ce qui permettrait potentiellement de s’appuyer sur des acteurs qui sont impliqué dans ces démarches, mais aussi de ne pas avoir la problématique d’avoir 150, 200 machines qui calculent, ont besoin d’être refroidies.

En clair, la transition écologique et la gestion de l’énergie sont une démarche logique et normale de nos jours, et on avance sur ces sujets.

Et pour le bilan carbone : du côté belge, il ne me semble pas que nous ayons déjà les contraintes de bilan carbone qui arrivent côté français (bilan carbone à faire pour bénéficier des aides), mais ce n’est pas parce que ce n’est pas obligatoire qu’il ne faut pas y réfléchir ! D’ailleurs, le fait que le studio se soit installé à l’époque à Bruxelles, à proximité de la gare, n’est pas un hasard non plus, cela aide évidemment aux déplacements sans forcément recourir à la voiture.

Les locaux nWave Studios
Les locaux nWave Studios

3DVF : Quid du temps réel ? L’envisagez-vous ?

Absolument pas actuellement, car il faut choisir ses combats ! Entre finir les films, monter en capacité, repenser le pipeline, on a déjà fort à faire.
On garde cependant ça à l’oeil. Je pense en particulier que ça peut nous être utile pour avoir plus rapidement un début de cinématographie poussée, dès le layout/la préviz. Après, le problème est que les shaders ne sont pas ceux employés pour le rendu final, il faudrait donc faire deux fois le même travail.
En revanche on n’envisage pas du tout de passer à un moteur temps réel pour produire les images finales de nos films.

3DVF : L’IA fait beaucoup parler d’elle, y compris en animation. Entre rejet, adoption, prudence, enthousiasme, où vous situez-vous ?

On regarde le sujet de loin, mais on n’utilise pas les IA/le machine learning. On suit pour voir comment ça pourrait nous aider, mais cela nécessite des compétences spécifiques, des profils techniques pour bien définir les champs d’actions, les possibilités.
A ce stade il n’y a pas d’équipe formalisée dédiée.

Les locaux nWave Studios
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3DVF : Nous réalisons cette interview à Mons, à l’occasion d’un évènement organisé par la Haute École Louvain en Hainaut Mons (HELHa). Que penses-tu de l’école ?

Nous n’avons pas encore d’élèves de l’école. L’équipe pédagogique est venue chez nous il y a quelques semaines pour renouer le contact, et notamment que l’on puisse accueillir les élèves en stage. Et à l’occasion de cet évènement, la venue de Jim Morris de Pixar, nous en profitons pour nous présenter aux élèves, leur signaler que l’on peut les accueillir !
Tout le monde peut y trouver son compte, cela nous permettra de recruter de jeunes talents issus de cette école belge.

Pour revenir à la question, je suis épaté du niveau de l’enseignement, l’école est agréée Houdini/Unreal ce qui n’est pas rien, il y a une bonne capacité de la part de l’école à faire progresser les élèves, à apprendre, à vérifier qu’ils souhaitent vraiment faire ce métier.

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Les Inséparables

3DVF : Annecy approche, et nWave présentera son film Les Inséparables. Serez-vous présents au MIFA, du côté pro ?

Nous aurons une présence, mais pas de stand dédié au MIFA. En revanche nous sommes représentés par le stand Pictanovo du MIFA. Et si vous souhaitez nous rencontrer, n’hésitez pas à nous écrire sur annecy2023@nwavedigital.com !

3DVF : Merci Vincent / nWave, et pour les personnes qui nous lisent, n’hésitez donc pas à découvrir Les Inséparables à Annecy, à contacter le studio pour les rencontrer !

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