Compte-Rendu : Annecy 2012

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Prêt-à-porter, soins du visage et des cheveux

Sous ce titre volontairement intrigant se cachaient trois sociétés innovantes : Syflex (simulation de vêtements), ADN (Agence de doublures numériques, que nous avons déjà évoqué en détail lors compte-rendu de Dimension 3 2011) et Néomis Animation, qui se spécialise depuis quelque temps dans la simulation de cheveux.

Gérard Banel, fondateur de Syflex LLC, a entamé la conférence avec un historique de la simulation de vêtements, et en particulier les projets sur lesquels il a pu travailler au cours de sa carrière. à la fin des années 90, il faisait ainsi partie de l’équipe de production du film Final Fantasy en tant que senior programmer.

 

 

 

Echec commercial, le film fut cependant une prouesse technique. Pas moins de 1500 scènes impliquaient la simulation de vêtements de différents types, avec un réalisme saisissant pour l’époque. Lors de la sortie, cet aspect fut pourtant très peu évoqué par la critique… Peut-être parce que, justement, la simulation était suffisamment bonne pour ne pas sauter aux yeux.

 

Quelques années plus tard, il fonde Syflex, avec le succès que l’on connaît. Le logiciel de la société a par exemple servi sur les cinématiques créées par Digic Pictures pour Assassin’s Creed: Brotherhood, pour les vêtements évidemment, mais aussi pour les cheveux et la peau (avec une double couche). Notez au passage que le site de la société propose une interview de Digic Pictures sur le sujet.

Final Fantasy
Final Fantasy : The Spirits Within (2001)

 

 

 

Après avoir présenté Syflex, Gérard Banel est revenu sur Embodee, société qui propose aux marques de vêtements de créer des simulations de leurs vêtements, mais à destination du grand public, dans les boutiques en ligne.


L’enjeu est double :
– permettre aux revendeurs de proposer des simulations customisées de vêtements, un véritable défi, particulièrement aux USA. Les universités ayant chacune leurs couleurs et équipes de sport, il s’agit là d’un marché énorme. Pouvoir apposer logos, couleurs ou textes sur des vêtements de base prédéfinis, avec un rendu réaliste est un gain énorme pour cette industrie.



– Le try-on est un autre secteur porteur : le commerce de vêtements en ligne souffre d’un problème majeur, le taux de retours élevé. L’apport d’Embodee, avec l’appui des technologies Syflex, est de pouvoir proposer aux clients une visualisation réaliste du rendu du vêtement sur son corps. Il suffit d’entrer son poids et sa taille, et une illustration adaptée (précalculée) s’affiche, avec les plis et le tombé final. Mieux encore, une carte de confort est aussi proposée : elle affiche sous forme d’un dégradé de couleurs les zones plus ou moins serrées dans le vêtement. Parfait pour éviter d’acheter un jean trop serré au niveau des cuisses…

 

Cette approche a été mise en application pour la marque Hurley sur des jeans, un projet issu d’une collaboration entre Gérard Banel et Isabelle Haulin, directrice R&D et cofondatrice d’Embodee. Issue de chez Buf (lead engineer dans l’équipe R&D), elle a d’ailleurs été au coeur de l’outil d’animation interne du studio, avec des contributions sur la cinématique inverse, le skinning , la simulation de vêtements… Des apports mis à contribution dans Matrix 2 et 3.

Pour finir, Gérard Banel a évoqué le futur du vêtement 3D, et en particulier sur la modélisation, phase encore périlleuse pour les artistes. Pour lui, trois approches sont possibles : la création de patrons (comme le permet Marvelous Designer par exemple), la modélisation 3D ou la création directement sur un mannequin virtuel, avec coupes et pinces en 3D. Si cette dernière voie est selon lui la plus pratique pour les artistes, il nous a bien précisé que Syflex resterait sur son coeur de métier : l’animation et la simulation.

 

 

Neomis Animation nous a été présentée par son président, Bruno Gaumétou. Il a lancé la société en 2004 avec Etienne Longa. Outre des projets pour le cinéma, la télévision ou le secteur de la publicité, Néomis Animation sort clairement du lot via sa branche R&D. En effet, l’équipe planche depuis 2008 sur un projet de simulation de cheveux, réalisé avec le support de L’Agence Nationale de la Recherche (ANR), en partenariat avec Cnrs-IJLRA, Inria-Grenoble et Bee-Light.


Evidemment, les solutions actuelles pour la simulation de hair sont légion : Shave and a Haircut, Maya Hair, outils de Disney et Weta Digital… On peut donc se demander comment le studio peut imaginer se démarquer sur un secteur déjà très rempli.

Leur secret : avoir tout misé sur les super-hélices, un algorithme pour la simulation physique  de cheveux développé par une équipe de chercheurs français (Florence Bertails-Descourbes, Marie-Paule Cani, Basile Audoly… On trouvera une partie des publications liées en ligne).

Sans entrer dans les détails techniques, le principal avantage de cette approche est de pouvoir caractériser les cheveux par un nombre relativement restreint de paramètres (20) qui permettent un contrôle précis et simple de leur comportement. Les différents types de cheveux (type asiatique, africain, caucasien) sont gérés.

 


Sur cette base, une solution destinée aux productions a été mise en place, compatible avec les pipelines existants (export en primitives hair sous Maya). Néomis Animation et Bee Light ont en effet développé un système sous licence exclusive aux deux entités qui permet de créer de véritables perruques virtuelles coiffée et directement paramétrées.

 

Ces perruques peuvent être revendues telles quelles aux studios clients ; s’ils le désirent, ils peuvent aussi obtenir en livrables un fichier BMR (simulation du mouvement des cheveux) ou encore le rendu finalisé sous Mental Ray, qu’ils n’auront plus qu’à intégrer à leurs images.

Nous vous laisserons juger par vous-mêmes des résultats obtenus, avec une vidéo disponible sur le site de Neomis.


L’équipe ne compte cependant pas se reposer là-dessus: des outils plus évolués visant à créer les coupes seront implémentés, avec à terme des équivalents aux accessoires réels de coiffure : de quoi permettre à des spécialistes du cheveu, et non plus seulement des infographistes, de créer leur propres perruques.

 

En ce qui concerne la simulation, la friction sèche sera intégrée : à l’heure actuelle, les cheveux glissent sur les surfaces (épaules, vêtements) comme s’il s’agissait de revêtement huileux. Là encore, la technique est issue d’un travail de recherche français : une publication de Gilles Daviet, Florence Bertails-Descoubes et Laurence Boissieux présentée au SIGGRAPH Asia 2011. Enfin, la compatibilité Renderman est un axe majeur du développement.

Si l’outil de création de perruques est jalousement conservé en interne, ce n’est pas le cas de la simulation : Bruno Gaumétou nous a annoncé le lancement imminent d’un plugin de dynamique.
En clair, une perruque sera fournie au client, qui utilisera le plugin de dynamique pour la suite du processus. Nous devrions pouvoir vous en reparler très vite dans les colonnes de 3DVF !

 

 

Ci-dessous : les trois intervenants, et un slide de la présentation de Néomis Animation.

Conférence tissu cheveux

Ci-dessus et ci-dessous : petites séquences animées réalisées par les Gobelins
et diffusées avant les différentes projections. L’Irlande était le thème d’inspiration.

 

 

Houdini


Finissons cette évocation des conférences avec la présence de l’éditeur du surprenant Houdini ; Side Effects était en effet présent sur le salon et a proposé une conférence dédiée à son logiciel, qui était en fait une présentation générale. Détail intéressant, l’affluence : 50 à 60 personnes étaient venues, contre moins de 20 l’an dernier. Signe que la nouvelle version 12 a fait mouche !

Là encore, nous aurons l’occasion de revenir sur ce logiciel qui prend une place de plus en plus importante dans les studios.

 

Le programme des conférences était clairement d’un haut niveau pour cette édition 2012. Si l’on regrette l’absence de la traditionnelle conférence Pixar, plébiscitée par les étudiants, il n’en reste pas moins que les amateurs de making-of, start-up ou chercheurs avaient de quoi être comblés cette année.


 

Nous en profiterons pour souligner, une fois de plus, que les conférences de la Chambre des métiers valent le détour : n’hésitez donc pas, lors des prochaines éditions, à y faire un tour à pied ou via les navettes gratuites !

 

 

 

Conclusion

Voilà pour ce retour sur  cette édition 2012 du Festival d’Annecy. Après une édition 2011 pour le moins triste, cette 52e édition relève le niveau avec un contenu toujours au fait des enjeux actuels de l’industrie. Le secteur de l’animation à l’échelle mondiale se porte bien, voire très bien, et même si de nouveaux pays font leur apparition dans le paysage international, le marché européen continue de se développer. On soulignera tout particulièrement l’arrivé en France de nouveaux acteurs importants avec qui il va falloir compter : Illumination MacGuff et Mikros, qui se lancent chacun dans une dynamique de fabrication continue de long-métrage.

Au niveau de la fréquentation, les chiffres sont comme chaque année à la hausse. Le Mifa comptait cette année plus de 2500 accrédités, dont près de 500 exposants, tous pays confondus qui s’étaient donné rendez-vous. Un signe de vitalité du marché, qui ne cesse d’attirer de nouveaux acteurs.


Le niveau des conférences et des nombreuses rencontres organisées pendant toute la semaine du festival était pour le moins enthousiasmant. Comme souvent durant le festival, il faut faire des sacrifices entre deux présentations simultanées…

 

 

Là encore, il reste préférable de venir en équipe pour se partager la tâche, pour ensuite se les raconter en face d’un verre ou d’un bon plat dans le vieil Annecy en soirée. Le mauvais temps de cette année aura sans doute contrarié le grand public à cause des projections en plein air sous la pluie. Mais quoi qu’on en dise, le Festival d’Annecy préserve son aura et reste un évènement incontournable pour les passionnés et les professionnels de l’animation. Rendez-vous pour l’édition 2013, du 10 au 15 juin prochain et qui est d’ores et déjà en cours de préparation !

 

 

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