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Des Trois Mousquetaires à B.R.I. : rencontre avec IIW Studio & LUX

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Il y a une dizaine d’années, nous avions interviewé un jeune studio : Image In Work. L’entité a depuis connu des évolutions majeures, avec un changement de direction, positionnement et même de nom.

Nous profitons donc de ce début 2024 pour vous faire découvrir IIW et LUX ainsi que leurs derniers projets, de la série B.R.I. aux Trois Mousquetaires en passant par du clip ! L’occasion d’évoquer stratégie, collaboration entre studios, outils, transition écologique ou encore alternance.
Le dirigeant du studio Laurent Fumeron et son équipe nous ont ouvert leurs portes. Voici donc la bande démo d’IIW, suivie de l’interview.

IIW Studio – Showreel

3DVF : Bonjour IIW Studio/ LUX ! Le studio a beaucoup changé ces dernières années : changement de nom, nouveau labo image, évolution de l’équipe… Comment s’est passée cette évolution ?

Laurent Fumeron : La société avait été créée en 2012 sous le nom Image In Work par Philippe Gonzalez et Romain Bourzeix, deux graphistes qui s’étaient rencontrés chez BUF. Le studio était notamment tourné vers la pub, le court-métrage.

De mon côté, je les avais croisés en 2014 alors que je produisais Entity, un court-métrage avec beaucoup d’éléments CG. J’avais donc besoin d’un studio VFX pour nous accompagner sur le projet. On s’était très bien entendus, et comme j’avais ma boîte de production de cinéma, j’ai pris des parts dans le studio, dans l’optique de participer à son développement.

Romain a fini par partir pour monter The Seed et Spline (qui proposent divers services : motion control, studios, vfx on set..).
Puis en 2019, Philippe a de son côté voulu se reconsacrer pleinement au travail de graphiste, et est depuis parti au Canada : j’ai donc repris la direction du studio.

3DVF : Avec, donc, un changement de positionnement.

IIW : Oui, l’idée était de donner une nouvelle dynamique : enrichir l’offre de postproduction en intégrant au Studio VFX un laboratoire image : LUX. S’orienter plus vers la fiction.

Nous avons profité de l’étrange pause liée à la pandémie pour se restructurer, lever des fonds, récupérer des talents et en 2021 nous avons déménagé dans nos nouveaux locaux (situé au centre de Paris, Etienne Marcel), repris notre activité VFX et lancé notre pôle laboratoire.

Nous avons désormais deux labels :

  • IIW STUDIO, pour la partie VFX gérée par Paul Gaulier. Pour la petite histoire il a commencé chez nous, via un stage dans le cadre de ses études à ISART et a évolué dans l’entité. C’est toujours agréable de voir des profils se développer au fil des ans et grandir avec eux.
  • Et LUX, le laboratoire image, montée autour de Fabien Pascal notre étalonneur et directeur artistique et de Nicolas Chalons, notre directeur technique.

Concrètement, les clients peuvent faire appel à IIW STUDIO ou LUX, ou les deux. L’avantage pour les projets qui s’appuient sur les deux labels étant la proximité physique (Les deux entités partagent les mêmes locaux) : le réalisateur peut facilement échanger avec les équipes, la communication et les retours sont fluides, repasser la main à l’étalonneur si ce qui est demandé aux artistes VFX se rapproche trop d’un travail d’étalonnage, et réciproquement, échanger régulièrement pour enrichir l’offre que nous offrons aux créateurs.

Les locaux d'IIW Studio/LUX
LUX – salle détalonnage
LUX - salle d'étalonnage

3DVF : Quels sont vos marchés ?

Historiquement, Image In Work était donc centré sur la publicité, un peu de fiction. Désormais notre positionnement nous permet de travailler sur beaucoup plus de fiction, c’est environ 75% de l’activité. Alliant cinéma, séries, téléfilms.
On garde à côté de la publicité, notamment des clients de longue date comme Mutt Agency avec qui nous travaillons depuis très longtemps.

En plus de notre présence sur des projets français nous orientons aussi nos échanges sur de plus en plus des projets internationaux. Les talents français, le savoir-faire et la hausse des crédits d’impôt du CNC sont des atouts indéniables pour accueillir ces projets.

L’international est doublement intéressant : c’est dans notre ADN, et cela nous permet de nous confronter à de nouvelles personnes, d’autres façons de travailler. C’est aussi l’occasion de travailler avec d’autres studios pour la post-production, en Europe et ailleurs.

3DVF : Quels sont vos autres projets récents ou en cours ?

Côté VFX, nous finissons actuellement plusieurs long métrages, téléfilms français et séries. 2023 a d’ailleurs été une très belle année de projets ambitieux: on a été nommés aux César techniques pour notre travail en VFX et laboratoire.

Côté projets, on peut citer Les Trois MousquetairesBUF était en charge de la supervision globale, et où nous avons géré plus d’une centaine de plans par film : notamment un gros travail de restore des anachronismes sur un des décors central du film pour le 1er volet, et sur le second volet, beaucoup d’effets invisibles, qui peuvent sembler anodins quand on voit la séquence finale mais demandent souvent beaucoup d’efforts et de finesse.

Breakdown Les trois Mousquetaires – D’Artagnan

La série B.R.I. pour Canal+ était également un des beaux projet 2023. Nous avons eu la chance de travailler avec le réalisateur Jérémie Guez à la fois du côté labo et VFX. Il pouvait passer d’une salle à l’autre, tout était très fluide : rajouter une tache de sang, un détail, se fait simplement en allant voir directement les superviseurs le temps d’une pause au milieu de l’étalonnage, plutôt qu’en passant par une interminable chaîne de mails.

Breakdown B.R.I.

Tout comme la série Jusqu’ici tout va bien de Nawell Madani pour Netflix où nous avons géré tous les VFX (près de 400 plans). Des vfx assez variés : de la simulation, beaucoup de feu, du fond vert pour des plans en voiture, etc.

Breakdown – Jusqu’ici tout va bien

Ou encore le très beau long métrage Quitter la nuit de Delphine Girard, film belge coproduit entre le Canada, la France, la Belgique.

Quitter la nuit – Delphine Girard

Notre travail en télévision est également enrichissant à travers des effets de plus en plus ambitieux où les timings sont néanmoins plus serrés que sur un long métrage classique.

Ces échanges nous poussent à trouver des solutions alternatives, développer des outils internes, être force de proposition pour faire avancer, ensemble, la qualité des programmes TV en France!

Dernièrement on a beaucoup travaillé sur des effets beauté avec des approches type IA, CopyCat, smart vector, un petit pipeline que l’on a mis en place. C’est moins énergivore qu’en 3D classique, et en entraînant une IA par séquence, on a pu traiter un bon lot de plans, se concentrant plus sur le travail artistique lié à ce type d’effet.

Que cela soit en amont avec les différents chefs de postes, en supervision sur le plateau et dans notre travail quotidien, le but est d’être source de solutions, d’aider, parfois dès l’écriture, à arriver au meilleur résultat possible tout en restant dans les contraintes budgétaires.

Les locaux d'IIW Studio/LUX
Les locaux d’IIW/LUX

3DVF : Vous évoquiez plus haut la collaboration entre studios, or elles n’ont pas toujours été la tendance en France…

Oui, historiquement c’était difficile, il y avait ce sentiment qu’un studio allait « voler » le travail de l’autre, mais désormais ça se fait de plus en plus, et on en discute beaucoup. On se rencontre entre studios, on crée des passerelles et on respecte les qualités de chacun qui nous permettent d’enrichir les projets !

Nous sommes ravis d’être d’ailleurs membre de France VFX [NDLR : association regroupant plusieurs studios d’effets visuels français] afin de pousser encore plus largement ces collaborations et d’échanger entre studios à travers nos métiers et leurs contraintes, et de travailler ensemble sur des projets.

3DVF : Et c’est d’ailleurs peut-être plus « sain », si l’on peut dire, que la pratique consistant à sous-traiter en aval une partie du travail à un studio tiers, parfois en évitant justement de mentionner qu’ils ont participé…

Il est important de ramener une certaine éthique, des échanges plus sains, tout à fait. Nous faisons tous le même métier et c’est par ses collaborations que nous pouvons accueillir des projets d’envergure internationale en France. Sur ce genre de projets d’autant plus, faire une offre en solo n’aurait aucun sens. Sans compter que certains studios vont être très bons sur des typologies d’effets spécifiques, ne pas allier les compétences serait absurde.

L’intérêt est double et enrichissant autant pour les studios que pour les projets, de notre côté on pousse cette collaboration à l’international en travaillant avec des entités françaises mais également européennes.

Les locaux d'IIW/LUX
Les locaux d’IIW/LUX

3DVF : Evidemment, les outils modernes facilitent les échanges d’assets, et donc ce type de coopération. Utilisez-vous USD, d’ailleurs ?

On transitionne, on apprend ! Pour des projets d’échelle réduite ça peut sembler être une usine à gaz, mais on sait que le système, la logique seront utiles pour tous types de projets par la suite. Donc nous travaillons dessus effectivement.

3DVF : Nous avons noté que vous faites également un peu de clip, notamment Vitaa, Julien Clerc. Quelques mots à ce sujet ?

Cela reste des projets à la marge, on en faisant beaucoup avant, désormais moins. On travaille avec certains réalisateurs depuis longtemps et naturellement nous sommes ravis de les retrouver aussi sur leurs projets de clip.
Il s’agit d’un très bon laboratoire pour expérimenter, après c’est vrai que les budgets, les délais sont très serrés. C’est assez difficile à faire fonctionner avec notre planning de fictions, qui n’ont pas les mêmes contraintes, donc on le fait vraiment pour des réalisateurs spécifiques, ou si le projet nous parle artistiquement. Julien Clerc par exemple, le clip Mon Refuge avait un budget serré mais un concept vraiment intéressant, avec une promenade à travers le monde.

Mon Refuge – Julien Clerc

Nous avions aussi travaillé sur Evident, un clip de Tessae avec un gros challenge : 7 ou 8 jours pour tout faire, du Unreal, de la mocap avec peu de moyens, très intéressant en termes de R&D.

Evident – Tessae

3DVF : Quelques mots sur vos autres outils logiciels ?

Principalement Nuke, Houdini assez intensément par période, nous avons toujours un peu de Maya, pour rester compatibles avec les studios qui s’en servent, mais nous utilisons essentiellement Blender. Il correspond à nos besoins et est rapide, avec une forte communauté qui facilite beaucoup le travail. Quelque part, c’est un peu comme NUKE, avec sa riche communauté.

Nous utilisons également la plateforme Kitsu de CGWire, là encore l’open source correspond à nos valeurs et besoins. Et sinon, pipeline PRISM. Pour le rendu, Cycles, ou Redshift pour les projets ayant des besoins plus poussés. Voire du Arnold, sur des besoins spécifiques.

On a également récemment adopté Projectal, qui s’intègre à Kitsu et permet de bien gérer nos projets.

3DVF : Un enjeu majeur pour les studios actuellement est celui de la transition écologique. Comment l’équipe IIW Studio/LUX avance-t-elle sur ce sujet ?

Tout à fait, nous avons d’ailleurs rejoint l’association Ecoprod dans le but de nous pousser à réfléchir à notre impact sur l’environnement et le travail constant qui nous incombe afin de baisser notre consommation énergétique. Concrètement, nous utilisons essentiellement un système de machines virtuelles, avec des serveurs situés dans une unique salle serveur climatisée. Nous avons basculé la dernière poignée de postes physiques classiques sur des machines virtuelles début 2024.

Nous ne sommes clairement pas une industrie vertueuse par essence, on fait tous des rendus, qui sont très énergivores. Mais il est important d’améliorer notre efficacité, sans compter que cela a aussi un fort impact financier, avec la hausse du coût de l’énergie. On travaille dans ce sens un peu plus chaque jour, la démarche vertueuse du côté de l’énergie reste indispensable, et cela permet peu à peu, pas à pas, de changer les choses.

Un exemple, les formats de fichiers. Nous travaillons beaucoup avec Dolby sur la partie Dolby Vision. L’idée étant de tendre vers un master unique au lieu de 6 ou 7 en fin de projet, et ce master unique pourra s’auto décliner à l’aide de métadonnées.
Le même master sera par exemple utilisable pour de l’affichage HDR et SDR.
C’est un peu comme Atmos côté son : on mixe en Atmos et il est possible de faire du downmix directement, en 7.1, 5.1, stéréo.

Nous avons aussi réfléchi au stockage, à utiliser de l’IMF pour le master des séries, qui a l’avantage d’être bien plus compact qu’un export DPX ou TIFF. Concrètement, l’idée sera tout de même de livrer dans les formats demandés, comme le DPX, mais derrière on ne stockera chez nous que de l’IMF, pour ne pas gaspiller du stockage inutilement, limiter le volume sur disque dur ou LTO [NDLR : stockage sur bande magnétique, utilisé pour l’archivage longue durée car fiable et durable].

Breakdown – Les Choses qu’on fait – Vitaa

3DVF : Certains studios expérimentent avec le télétravail, comme Supamonks qui a d’ailleurs fait des études sur l’aspect écologique de la pratique. Est-ce que vous travaillez sur ces sujets du côté IIW Studio/LUX ?

Tout à fait, on expérimente sur ce sujet également, et nous opté pour la solution française Reemo pour le télétravail.
Techniquement ça permet aussi de contrôler l’extinction des machines, donc de diminuer la consommation. Nous travaillons régulièrement avec des graphistes qui ne sont pas sur Paris : le télétravail a clairement du sens pour ces situations. Il demande une organisation mais n’est clairement pas rédhibitoire dans notre industrie, que cela soit sur l’aspect écologique mais aussi sur la question du bien-être des artistes qui est aussi un vrai sujet de cercle vertueux à travailler, développer.

3DVF : Avec notamment la question des délais, des plannings bien souvent trop serrés…

La course au temps est toujours l’une de nos contraintes. La pression qu’elle peut engendrer ne doit pas être la norme. A nous, comme pour la question écologique, de travailler nos plannings, nos solutions pour amoindrir cette contrainte, ne pas la laisser submerger nos artistes.

3DVF : Quid de la production virtuelle, des écrans LED ?

C’est une belle technologie, qui peut avoir une vraie plus-value. Mais tout dépend du projet, de l’expérience : récemment, on a fait des tests avec écrans LED sur un projet, au final ce sont des méthodes plus classiques qui ont été adoptées, car cela collait mieux aux contraintes.

Chaque projet a besoin d’une solution adaptée : parfois le mur LED, parfois des solutions plus anciennes.

Toujours dans les techniques assez récentes, on utilise de la prévisualisation, de la VR pour visualiser des décors capturés en photogrammétrie : cela permet au réalisateur de tester son découpage sur des séquences complexes (notamment pour des films d’action, où le découpage crée tout) et surtout de gagner un temps énorme.
Autant pour le réalisateur que pour le studio VFX qui a une idée très claire d’où intervenir et comment guider.

Idéalement on aime prendre les projets très en amont, cela permet d’éviter aux équipes de gaspiller de l’argent, de garder le budget là où cela comptera, de les accompagner pour trouver des solutions, aider dès la rédaction à éclaircir des questions !
Un exemple concret, sur un long métrage que nous accompagnons, le réalisateur se posait beaucoup de questions, hésitait à écrire certaines séquences qu’il ne voyait pas comment faire dans son économie et au final 5 minutes et un café ont suffi pour le rassurer sur la faisabilité d’éléments VFX et le laisser repartir serein dans son histoire.
Nous sommes avant tout là pour servir la vision d’un créatif, l’aider à la concrétiser.

IIW Studio - Les Trois Mousquetaires : Milady - Martin Bourboulon
Les Trois Mousquetaires : Milady – Martin Bourboulon

3DVF : Ce qui confirme au passage que vous travaillez vraiment sur des projets très divers en termes de budget.

Oui, entre Les trois mousquetaires et un film indépendant, on aura à la fois du gros budget et une économie plus fragile, mais encore une fois on apprécie de pouvoir travailler sur des projets variés. On aime cet équilibre, on souhaite pouvoir jongler avec des projets financièrement forts ou fragiles, mais en fournissant la même qualité de travail. Et c’est aussi bon pour les équipes, cela donne plus de variété, des effets différents, cela évite la routine.
Et cela colle à notre volonté de rester généralistes.

3DVF : Vous avez dans votre équipe de jeunes talents en alternance : quelques mots à ce sujet ?

Oui, on travaille avec ISART là-dessus. Et on fait confiance à ces jeunes talents, qui font à la fois de la 3D, du compo, parfois du rig… Ils s’enrichissent de la structure, sont en contact avec des gens qui ont 20 ans de métier et peuvent les aider.

Ils restent 2 ans, cela laisse bien le temps d’approfondir, de leur enseigner le pipe, c’est plus pratique qu’un stage. En sortie, ils ont pu toucher à beaucoup de spécialités, définir en pleine connaissance de cause ce qu’ils souhaitent faire ou non.

Au passage, ISART a beaucoup progressé dans ses formations, les profils qui arrivent chez nous ont déjà touché aux outils qui nous intéressent, on peut les intégrer facilement aux équipes, l’école écoute nos retours. On a d’ailleurs beaucoup d’ex stagiaires et alternants de l’école qui sont restés dans l’équipe.

3DVF : Une dernière question : les grèves aux USA l’an passé (actrices et acteurs, scénaristes) ont-elles eu un impact sur IIW/Lux ?

Oui comme pour tous, Bien souvent les projets américains font appel à la France quand le film a un rapport, par exemple pour John Wick et ses tournages dans Paris. Avec les grèves, ça a changé, on a eu des studios intéressés car ils ont sourcé des talents en dehors de leur territoire. Et la France en regorge, cela va au-delà de la grève, il y a vraiment l’idée dans l’industrie d’aller voir les compétences où qu’elles soient.

3DVF : Merci à toute l’équipe pour ce point sur vos projets et votre philosophie ! Nous aurons évidemment l’occasion de suivre IIW/LUX à l’avenir.

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