3DVF : Comment avez-vous travaillé l’éclairage et le rendu ?
Chris Delaporte : La lumière est un élément primordiale dans la dramaturgie d’un film. Jusqu’ici les références utilisées dans les films full CG ont toujours été très » Disney » ; aucune zone d’ombre n’est laissée à l’image, tout doit être visible et les couleurs sont souvent dans des gammes pastel. Il est évident que l’univers et le propos de » Kaena » ne se prêtent pas à ces codes graphiques.
Nous avons donc cherché des références plutôt dans le cinéma traditionnel que dans l’animation. Une grande place a été laissée au clair-obscur et les tons ocres teintent chaleureusement l’ensemble du film.
Nous avions donc comme sur un tournage live un chef opérateur 3D, en la personne de Nicolas Belin.
Nous avons commencé par travailler ensemble sur des recherches 2D pour déterminer les grandes directions. (L’un des avantages du monde de l’infographie c’est qu’en plus d’être doués sur des machines la plupart de ces artistes du numérique savent aussi dessiner, peindre ou sculpter).
Très vite nous avons travaillé précisément les ambiances des lieus-clés du film en 3d. Puis avant d’impliquer toute l’équipe lumière sur la fabrication des plans, il a fallu trouver une méthode fonctionnelle pour garder une unité graphique sur l’ensemble du film.
Pour la plupart des séquences du film Nicolas a créé un kit d’éclairage servant de base de travail aux infographistes. Après des mois de collaboration certains infographistes étaient capables de travailler sans ce kit et livraient des plans complètement raccord avec le style du film.
3DVF : De combien de plans et de lieux différents se compose le film ?
Chris Delaporte : Je crois qu’il y a quelque chose comme 1300 plans. Je ne sais plus combien de lieux, et je ne veux plus me souvenir. Pour ce qui est des scènes les plus compliquées techniquement, je pense que l’antre des Selenites remporte la palme. De la sève partout donc du real flow avec des meshes de plusieurs millions de faces, du ray trace pour les reflets et une structure de carcasse de vaisseau plutôt complexe. Un enfer au début et puis comme à chaque fois le talent et l’expérience des gens ont fait la différence. En fin de production un graphiste arrivait à éclairer et calculer en 2K des plans aussi complexes en deux jours.
3DVF : Quelle a été la scène la plus délicate à réaliser ?
Chris Delaporte : Mais le plan le plus compliqué a été réalisé quasiment intégralement par une personne seule. Thomas Marqué, directeur des effets spéciaux, est l’un des mutants de cette équipe. Non content d’avoir mis au point la majorité des effets spéciaux du film, il a en plus entièrement réalisé la scène d’intro du film où l’on traverse de part en part un vaisseau spatial en dérive. Il aura quand même passé 3 ans pour achever ce plan séquence de 3 minutes.
3DVF : Peux-tu nous parler du jeu vidéo ? Le scénario est-il complémentaire ou parallèle au film ?
Chris Delaporte : J’ai écrit le synopsis du jeu qui est une extension de celui du film. La trame du film est conservée mais enrichie de certains événements et beaucoup de nouvelles créatures. J’ai réintroduit dans le synopsis du jeu pas mal de concepts que nous avions conçus avec Patrick Daher pour le tout premier jeu Gaïna. Le jeu est assez proche d’Onimusha donc plutôt orienté action qu’aventure.
3DVF : Comment vois-tu évoluer le marché de l’animation en images de synthèse ?
Chris Delaporte : J’espère que Kaena va ouvrir une brèche et permettre à des films d’animation 3D autres que des comédies disneyiennes d’exister.
C’est très bien que les films de Pixar, PDI et Blue sky aient du succès. Ce serait dommage qu’un outil aussi magique que la 3D ne serve qu’ à donner vie à un seul type de film. La 3D peut permettre d’imaginer les univers les plus fous et peut se nourrir aussi bien de la comédie que du drame. La 3D est encore jeune, elle évoluera forcément vers des films plus adultes parce que la demande existe. Mais le succès de Kaena risque d’être déterminant sur le temps qu’il faudra avant de voir débarquer sur nos écrans d’autres films d’auteurs en 3D.
3DVF : En tant que réalisateur, qu’attends-tu des logiciels de création numérique ?
Chris Delaporte : Je n’attends plus grand chose des logiciels qui sont aujourd’hui surpuissants. Il faut maintenant se consacrer à l’écriture d’histoires et à la création d’univers. La souplesse des outils 3D permettent d’accéder à un champ de création infini. La 3D peut enfin être considérée comme un outil de création à part entière. Les outils sont assez évolués pour dire que la seule limite est l’imagination des artistes.
3DVF : Et si tu devais recommencer cette aventure maintenant, que ferais-tu ou ne ferais-tu pas ?
Chris Delaporte : Je reprendrais les mêmes personnes, le même logiciel, un peu plus de budget et en 3 ans on sortirait un film qui ferait de Kaena une belle pièce d’antiquité.
3DVF : Peut-on espérer te retrouver dans une suite de Kaena ou un autre projet de ce genre ?
Chris Delaporte : Je travaille en ce moment même sur le scénario de Kaena II pour Xilam et je réfléchis à un autre projet 3D qui n’est encore qu’à l’état de concept.
3DVF : Merci Chris pour ce très agréable moment passé en ta compagnie. En te souhaitant à toi et toute ton équipe une excellente continuation pour la suite des aventures de Kaena.
Fiche technique
|
|
Modelling/Animation character studio, 3ds max (ww.discreet.com) Texturing Lip synchronization compositing hair fluids rendering data management |
Une réalisation de Xilam Films D’après une idée originale de Patrick Daher et Chris Delaporte |