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Ubisoft : après les révélations, les têtes tombent

La semaine passée, nous vous avions proposé un résumé des évènements récents autour d’Ubisoft. Le grand studio de jeux vidéo est en effet au centre de témoignages et enquêtes depuis la fin du mois de juin, des personnes faisant partie ou ayant fait partie du studio ayant entre autres dénoncé harcèlement psychologique et sexuel, agressions ou tentatives d’agressions. Mais aussi et surtout une hiérarchie qui aurait, bien souvent, enterré les plaintes et remontées faites aux ressources humaines, d’où le fait que les témoignages aient finalement trouvé un autre chemin, via les réseaux sociaux.
Plusieurs médias, français mais aussi américains et canadiens, ont par la suite enquêté sur les allégations, et recoupé les éléments apportés par plusieurs dizaines de personnes. Le studio avait dans la foulée fini par annoncer diverses mesures, comme nous l’expliquions là encore dans notre résumé.

Nouveaux développements

La bonne volonté affichée par le studio a fait l’objet d’un nouvel article de Libération (sur abonnement). Selon ce dernier, le système d’alertes anonymes mis en place par le studio la semaine passée aurait fait remonter une centaines de cas (dont une bonne part déjà connus des RH), allant du harcèlement moral à des faits de type agressions sexuelles ou viol.

Une part non négligeable de ces plaintes cibleraient par ailleurs le service Edito du groupe, ainsi que Serge Hascoët (désormais ex numéro 2 d’Ubisoft). Ce dernier se serait illustré par un management mêlant « écrasement des autres », un « comportement libidineux permanent », ou encore « sa toxicité, sa misogynie, son homophobie ». Il aurait par ailleurs couvert des cas de harcèlement et agressions ou tentatives d’agressions. Il est également accusé d’avoir consommé de la drogue ; des employés auraient même été drogués à leur insu.
En clair, explique une des sources RH de Libération, il aurait « rendu possible » la « culture toxique » en place dans le studio.

Ces éléments, combinés aux précédents articles de presse, ont renforcé les demandes d’une démission. Le syndicat Solidaires Informatiques, qui dispose d’une section chez Ubisoft Paris, l’a ouvertement réclamé.

L’article de Libération explicitait par ailleurs la stratégie du studio : selon des sources internes, la direction voudrait que « l’on ne parle plus du scandale Ubisoft à l’extérieur d’ici une semaine ».

Numerama, qui avait déjà enquêté en profondeur sur les dysfonctionnements du studio, a également publié un nouvel article. Le média indique notamment, comme Libération, qu’il y a eu un nombre massif de remontées en interne depuis les premiers articles, avec dénonciation du « mur de RH » qui a plusieurs fois préféré « préféré fermer les yeux sur des témoignages de femmes plutôt que de mener des enquêtes et d’agir pour les protéger. Et a, de facto, contribué à protéger des hommes, même lorsqu’ils étaient accusés par plusieurs témoins ou victimes présumées ». Le média continue par ailleurs de recevoir des témoignages directs de faits s’étalant sur les 10 dernières années.

Les têtes tombent

Face à la poursuite des révélations, Ubisoft a publié un communiqué dans la soirée de samedi à dimanche. Le groupe y annonce trois départs :

  • Serge Hascoët, qui quitte totalement le groupe. Une nouvelle majeure, puisqu’il était jusqu’ici considéré comme indéboulonnable malgré les nombreux éléments le concernant ;
  • Yannis Mallat, ex dirigeant des studios canadiens et sujet de nombreuses allégations lui aussi. Là encore, il quitte totalement le groupe ;
  • Cécile Cornet, enfin, responsable monde des ressources humaines, démissionne. Elle ne quitte par contre a priori pas Ubisoft.

Ubisoft a annoncé aujourd’hui des changements importants au niveau de sa direction. Ces changements font partie intégrante du travail global mené par la Société pour améliorer et renforcer sa culture d’entreprise. Les départs annoncés aujourd’hui font suite à un examen rigoureux que la Société a mené en réponse aux récentes allégations et accusations de mauvaise conduite et de comportements inappropriés.

Serge Hascoët a choisi de démissionner de son poste de Chief Creative Officer, avec effet immédiat. Ce rôle sera assumé dans l’intérim par Yves Guillemot, PDG d’Ubisoft. Au cours de cette période, il supervisera personnellement une refonte complète du mode de collaboration des équipes créatives.

Yannis Mallat, dirigeant des studios canadiens d’Ubisoft, quitte ses fonctions et la Société avec effet immédiat. Les récentes allégations apparues au Canada à l’encontre de nombreux salariés ne lui permettent pas de continuer à assurer ses responsabilités.

Par ailleurs, Ubisoft va nommer un nouveau responsable monde des ressources humaines, en remplacement de Cécile Cornet, qui a décidé de démissionner de ce poste et ce dans l’intérêt de l’unité du Groupe. Un processus de recrutement est lancé et sera mené par un cabinet de premier plan. Ubisoft a également décidé de restructurer et renforcer la fonction RH afin de l’adapter aux nouveaux défis qui se posent à l’industrie des jeux vidéo. La Société est en train de finaliser la sélection d’une société de conseil leader pour auditer et améliorer ses procédures et politiques en matière de ressources humaines, conformément à ce qui avait été annoncé précédemment.

Notons par ailleurs qu’une vingtaine de personnes seraient encore sous le coup d’une enquête. Comme le précise le Figaro, Ubisoft a fait appel à un cabinet d’avocats externe pour les diriger : on peut supposer que le but est d’avoir un avis légal précis sur les allégations et faits liés à ces différentes personnes.
D’autres départs pourraient donc avoir lieu prochainement.

Ubisoft Forward : silence radio

L’empressement d’Ubisoft à publier un communiqué durant le week-end s’explique sans doute en partie par la tenue hier soir d’Ubisoft Forward, conférence retransmise en ligne et visant autant les joueurs que les actionnaires. Le groupe y a mis en avant ses futurs jeux tels que Far Cry 6, Watch Dogs Legion.

Peu avant le début de la conférence, Ubisoft a publié un message laconique sur les réseaux sociaux, précisant que la crise interne ne serait pas évoquée. Un choix que le studio justifie par le caractère pré-enregistré de la soirée. Les faits de harcèlement moral et sexuel, agressions sexuelles, drogues et autres sont pudiquement désignés par le mot « problèmes » dans le communiqué.
Le studio promet néanmoins de continuer à évoquer son processus de réforme : reste à savoir si ce sera également fait lors d’un évènement Ubisoft Forward ou via des communiqués plus discrets, qui seront moins visibles des clients.

Face à ce choix de passer l’affaire en cours sous silence, le média spécialisé Gamekult a choisi de ne pas couvrir la soirée en direct. Le site a préféré se contenter d’une couverture plus classique, avec relais des annonces majeures dès aujourd’hui.
Du côté des influenceurs, nous avons noté dans certains cas l’absence d’un commentaire du direct, ou un rappel des révélations de ces dernières semaines.

La réaction des actionnaires

Evoquons enfin les conséquences de ces troubles graves sur le marché financier. L’action Ubisoft a perdu environ 8% ce matin, mais cette chute intervient après un mois de hausse (10% environ), et la baisse est sans doute au moins en partie liée à une conférence Ubisoft Forward qui a pu décevoir les investisseurs.

Globalement, donc, les répercussions financières de l’affaire sont limitées.

Et ensuite ?

A ce stade, comme nous l’indiquions plus haut, on peut encore s’attendre à certains départs ou des réorganisations internes.
Restera également à éclaircir dans quelle mesure le PDG Yves Guillemot savait ou non ce qui se tramait dans son entreprise, étant donné sa proximité avec, entre autres, Serge Hascoët.

Nous vous tiendrons évidemment informés des développements futurs.

4 commentaires

Shadows 13 juillet 2020 at 14 h 37 min

Micro-mise à jour, concernant Gamekult : la phrase sur la couverture du direct n’était peut-être pas très claire, j’ai donc rajouté une précision, les annonces ont évidemment tout de même été relayées, mais de façon plus classique (articles dès le lendemain).

kin4n 13 juillet 2020 at 16 h 01 min

Cécile Cornet, enfin, responsable monde des ressources humaines, démissionne. Elle ne quitte par contre a priori pas Ubisoft – WTF, elle devrait sauter au moins tout autant. Couvrir DES DIZAINES DE CAS, c est inconcevable, intolerrable – Pour le reste, tres bonne reaction des dirigeants, et bonne communication. Reste a esperer qu il y aura des sanctions penales si les temoignages venaient a etre circonstancies.

ricky66 13 juillet 2020 at 22 h 53 min

Une bonne chose pour rendre cette société saine.

Shadows 14 juillet 2020 at 14 h 02 min

Nouveaux témoignages, cette fois faits à l’AFP et venant d’Ubisoft Montréal. Les témoignages font état de harcèlement (psychologique, sexuel), de chantages à la promotion, d’humiliations, de burn-outs, d’une mailing-list qui détaillait les tenues des salariées. Et là encore de RH ne faisant rien.
https://www.journaldemontreal.com/2020/07/14/climat-de-terreur-chez-ubisoft-montreal-1

Et nomination, à la place de Yannis Mallat, d’un nouveau dirigeant pour Ubisoft Montréal : Christophe Derennes, qui était déjà vice-président exécutif à la production et accessoirement cousin d’Yves Guillemot.
https://www.lapresse.ca/affaires/entreprises/2020-07-14/nouveau-patron-chez-ubisoft-nomination-rapide-d-un-employe-de-la-premiere-heure.php

L’article cite quelques réactions d’employés, dubitatifs ou attentistes.

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