Article coécrit par l’Ecole des Nouvelles Images et 3DVF.
Vendredi 10 juin, juste avant le Festival d’Annecy, l’École des Nouvelles Images projetait les films de ses futurs diplômés devant un jury de choix.
L’école et 3DVF s’étaient associées pour vous proposer une retransmission en direct du jury sur Facebook : les films repartent désormais en festival et nous ne pouvons donc les dévoiler ici en intégralité, mais voici un article qui vous permettra de vous faire revivre cette journée venant couronner pour les élèves 5 années d’efforts.
Le Jour J
Le jour se lève sur Avignon et en particulier sur le cinéma « Capitole studio », qui s’apprête à accueillir les films de fin d’études des étudiants en 5ème année de L’École des Nouvelles Images. La nuit a été courte pour son directeur Julien Deparis et l’ingénieur du son Pierre-François Renouf, qui ont accompagné les étudiants dans la finalisation des films jusque tard dans la nuit. Ici les lunettes de soleil, à l’instar de celles de Tom Cruise sur l’affiche de « Top Gun : Maverick » prônant dans le hall du cinéma, sont de rigueur mais pour cacher les cernes des étudiants qui s’apprêtent à montrer leur travail à un parterre de professionnels de la profession venu décerner son coup de cœur. Parmi eux, Corinne Destombes directrice du Développement de Folimage, René Brocca fondateur de RECA, Benjamin Le Ster CG Supervisor & Short Director chez Illumination Mc Guff, ou Kristof Serrand responsable de l’animation chez Netflix. Le tout sous l’œil expert de Jérôme Combe, co-fondateur du studio Fortiche (à qui l’on doit la série Arcane) qui préside le jury de cette 5ème édition. Tous vont devoir juger ces courts métrages de 5 à 6 minutes, réalisés en 10 mois par des groupes de 5 ou 6 étudiants, entièrement réalisés et sonorisés par eux et accompagnés de la musique des étudiants du MAAAV à Lyon.
Thao (Alizée Blüm, Élisabeth Garreau, Sandra Gire, Baptiste Maury, Jenna Mekidiche et Saphir Robelin)
Malgré une panne de voiture, comme de celles qui n’en arrivent que dans les films, la première équipe, celle du film Thao, arrive in extremis pour présenter son œuvre. D’emblée, avec l’histoire de cet enfant observant sa grand-mère cuisiner des crabes peu ragoûtants, l’émotion est palpable. «On est dans l’angoisse du petit garçon», comme le souligne Lionel Fages, co-fondateur de Cube Productions, alors qu’Ali Hamdan, CG Character & Pipeline consultant chez Karlab trouve ce film dans la veine esthétique de L’odeur de la papaye verte de Trần Anh Hùng «cinématographiquement parlant, réussi !».
On pourra saluer ici le travail fait sur l’ambiance qui bascule du quotidien vers l’horrifique, ou encore le soin tout particulier apporté aux crabes et aux aliments.
Sauvage (Alma Henry, Andrea Lebon, Shiuan-An Lin, Elina Nicolle et Pauline Orsini)
Vient ensuite le tour de l’équipe de Sauvage et son touchant duo père/fils de chimpanzés. Et si la co-réalisatrice Elina Nicolle s’excuse de garder ses lunettes de soleil, parce que comme elle le dit «ma tête, ce n’est pas possible !», elle témoigne surtout de la masse de travail à laquelle sont confrontés les élèves pour livrer un film abouti. Le film ambitieux n’est pas aussi finalisé que l’équipe l’aurait souhaité, mais Julien Villanueva, Président et co-fondateur de Circus, les encourage à le finir : «On a tous vécu des galères sur les projets. Merci de nous livrer le vôtre, il y a beaucoup de bonnes choses, la réalisation est prometteuse».
Visuellement, Sauvage nous propose un rendu stylisé mis au service d’une histoire sombre qui oppose les deux animaux à des drones inquiétants.
Code rose (Taye Cimon, Pierre Coëz, Julie Groux, Manuarii Morel, Sandra Leydier et Romain Seisson)
De son côté Code rose, ou l’arrivée incongrue de flamants roses sur un porte-avion, sur le thème de faites l’humour pas la guerre, décroche les premiers rires du jury. Au point que Florian Cabane, chargé de Mission Animation à la Région Sud les remercie «pour ce petit moment de poésie». Il faut dire que le feu d’artifice de couleurs apportées par la multitude de flamants,a fait voir la vie en rose au jury. Le logiciel de simulation de foule Golaem, utilisé dans trois films cette année, a même été modifié sur mesure pour les échassiers de Code rose, pour répondre aux enjeux techniques complexes du film.
Hope (Lucie Jean, Oualid Laouer, Henry Mbouem Mbeck, Maxime Pitrou et Kanto Randresy)
Et comme dans la vie, ou dans les grands films de cinéma, le drame succède ici à la comédie avec Hope, le voyage initiatique d’un petit garçon confronté à la guerre qui ravage son pays. Une magnifique histoire traitée de manière poétique, inspirée du vécu du réalisateur Henry Mbouem Mbeck dont l’enfance a été marquée par la guerre en Centrafrique qu’il a fui en 2003 avec ses parents. Et si Corinne Destombes adore la direction artistique, la lumière, le compositing et la maîtrise technique, Ali Hamdan, lui, se réjouit que Hope soit allé au-delà de tous espoir ».
Une belle nuit d’été (Yannis Brun, Sam Castelli, Barbara Derail, Arthur Dupuy, Enzo Leboucher et Aleksandar Savic)
De l’espoir, en revanche, il y en a moins pour ce cerf, personnage central du film Une belle nuit d’été qui va voir sa compagne tomber sous les tirs d’un chasseur. Heureusement, il fomente une fantastique et croustillante vengeance collective dans ce film hilarant et au rendu stylisé, qui fait dire à l’unanimité au jury que le conte est bon… très bon, même !
Boom (Gabriel Augerai, Romain Augier, Charles Di Cicco, Yannick Jacquin et Laurie Pereira de Figueiredo)
L’explosion finale sera pour Boom, les péripéties d’un couple de dodos peu futés fuyant l’explosion volcanique de leur île, le tout en tentant de sauver maladroitement leurs œufs. Un travail alliant le spectaculaire à l’humour, dont la qualité professionnelle a été saluée par tous. Un bijou d’humour qui fait dire à Marie-Laurence Turpin, la directrice des développements de Xilam : «Vous avez la bêtise !», expression consacrée en interne pour qualifier ceux qui ont l’art de s’amuser d’un rien pour nous faire rire de tout.
Délicates délibérations
Une fois les projections passées, mais aussi la présentation des nombreux postes (animation, rig, compo, layout, sclupt et autre lighting) que chaque élève a dû piloter pour rendre un travail aussi riche en un minimum de temps, vient l’heure des délibérations du jury. Une tâche délicate qui donne à Julien Deparis, le directeur de l’école, l’occasion d’éclairer le jury sur les secrets de fabrication de ces projets:
La conception est au cœur de l’école. Au départ, les étudiants doivent produire beaucoup de dessins, il faut laisser s’exprimer la part inconsciente des auteurs. On appelle ça «Des envies et des images». Et ça nous arrive de dire sur un dessin : «la vérité est là-dedans, creusons l’idée qu’il y a derrière !», mais il faut savoir prendre le temps. Les porteurs de projet ont besoin de mûrir et se faire confiance. Par exemple, Romain Augier, le co-réalisateur de Boom, est arrivé en réunion de conception en disant : «Moi, j’aimerai bien tout faire péter avec un volcan !». Si vous présentez ça lors d’une session de pitch professionnelle, le projet a de grande chance de n’intéresser personne, mais l’idée de l’école c’est de laisser aux étudiants le temps d’avoir les yeux qui pétillent. On en a eu plein comme ça, des jeunes auteurs qui se sont révélés par des envies très simples au départ. Ensuite, ils murissent les thématiques, enrichissent les idées, et nous sommes là pour les aider à ne pas perdre en cours de route les premières étincelles qui ont permis au film d’exister.
Une simplicité apparente sur le papier et pourtant très complexe pour porter ces projets à l’écran, qui pousse une nouvelle fois cette année les membres du jury à faire un choix cornélien. Après de nombreux votes à mains-levées mettant dos à dos les dodos de Boom et les flamants de Code rose, le président du jury a dû trancher les volatiles gagnants, à savoir ceux de Boom.
Une salle comble face à Combe
Le prix du jury a donc été décerné par Jérôme Combe pendant la projection des films devant une salle pleine à craquer, qui pour la première fois, donnait la possibilité au public et aux internautes regardant la soirée retransmise sur Facebook par 3DVF, de voter pour leur coup de cœur. Résultat : une explosion de rose et de joie lorsque Code rose décroche le prix du public.
La nouvelle promotion peut alors monter sur scène et savourer le couronnement de 5 années de travail : on notera d’ailleurs que comme l’école fête ses 5 ans, il s’agit donc de la première promotion dont le cursus s’est fait intégralement au sein de l’Ecole des Nouvelles Images.
L’occasion pour Jacques Bled, président d’Illumination Mac Guff, premier président du jury de l’école, invité pour l’anniversaire, de revenir sur la création de l’école : «Il y avait déjà au rendez-vous tous ce qui fait l’ADN de cette école formidable : la qualité et l’exigence des films qui sont produits. Ce n’est pas toujours le cas, et là on s’aperçoit que les étudiants sont accompagnés, qu’il y a un projet qui est développé et qui s’adresse à un public. Ce n’est pas toujours le cas non plus. Et il y a au-delà de ça une exigence de qualité qui fait que chaque année on s’émerveille sur des pépites. Pour nous studios, qui recherchons sans cesse les grands talents, à chaque fois on a des surprises, en découvrant des gens qu’on aimerait voir partie de notre aventure».
Jusqu’au bout de la nuit
La soirée s’est poursuivie dans une guinguette des bords du Rhône, autour du gâteau d’anniversaire de l’école.
Les ex-élèves sont désormais sur le marché de l’emploi, mais nous ne nous faisons évidemment pas trop de soucis à ce niveau, au vu du travail accompli sur les films.
En attendant, n’hésitez pas à surveiller les sélections des prochains festivals d’animation : il y a fort à parier que vous y retrouviez les films évoqués ici !