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Rencontre avec Menhir Fx : un studio aux racines bretonnes à Montpellier

Jeune studio indépendant basé à Montpellier, Menhir Fx est une entité à taille humaine qui cible des marchés allant de la publicité au clip en passant par le court-métrage. L’équipe gère des techniques variées, qu’il s’agisse d’animation 2D cartoon, de motion design ou encore d’animation 3D et d’effets visuels.

Nous vous invitons aujourd’hui à découvrir ce studio en compagnie de ses cofondateurs, Simon et Pierre Tarsiguel, mais aussi du reste de l’équipe dont Valentin Dornel (CG Supervisor) qui en profite pour nous raconter son parcours chez Sony Pictures Imageworks.
Les choix techniques du studio sont évoqués, de même que son avenir à moyen terme. Enfin, nous avons évidemment interrogé Menhir Fx sur la manière dont le studio a géré la crise du Covid-19.

Musique du compositeur The Toxic Avenger

3DVF : Bonjour Menhir FX ! Pouvez-vous nous présenter le studio en quelques lignes ? Et notamment les origines de l’entité, qui expliquent son nom ?

Pierre et Simon : Hello tout le monde !

Nous sommes un jeune studio basé à Montpellier, la société existe depuis bientôt 2 ans, mais officieusement nous avons commencé 1 an avant la constitution de la SARL.

Nous avons la chance de pouvoir travailler pour des domaines très variés, du monde des jeux vidéos aux clips de musique en passant par les spots publicitaires. Nous adorons travailler pour de grands groupes comme Adidas, General Electric ou encore Red Bull mais aussi avec des réalisateurs indépendants. Les centres d’intérêts sont souvent aux antipodes mais avoir la chance de diversifier son travail n’est pas donné à tout le monde.
Cela nous permet de développer notre créativité !

En ce qui concerne le nom “Menhir FX”, Nous sommes comme tous les bretons : fiers de nos racines celtiques! 😉 Plus sérieusement le menhir est un symbole de Bretagne et nous adorons ce qu’il représente, c’est une pierre très mystique où se rencontrent terre et ciel, nos racines et notre vision. C’est aussi une shape très rigide qui s’imprime dans le paysage sur la longue durée: un point de repère. Nous aimons les effets spéciaux, les explosions, l’eau, le feu, la fumée, cette magie était parfaitement représentée par le Menhir et le mot FX, abréviation de “effects” très utilisés dans le domaine de la CGI.

3DVF : Simon, Pierre, vous êtes donc cofondateurs du studio, mais aussi frères : un cas peu banal ! Est-il parfois difficile de séparer la partie professionnelle et personnelle ? Comment en êtes-vous venus à vouloir travailler ensemble ?

Simon : Effectivement c’est peu banal ! Et pour pousser le vice nous vivons ensemble aussi (plus pour longtemps héhé). Nous sommes toujours à discuter de Menhir FX au petit déjeuner ou après le travail car c’est passionnant et une véritable chance de pouvoir monter son studio.

Mais il faut savoir aussi décrocher d’où l’intérêt de rapidement pouvoir vivre chacun chez soi. Au fil des années nous avons réussi à créer un équilibre et des règles pour nous laisser chacun respirer.

Travailler en famille reste une très grande force, les choses coulent de source, il y a une confiance inébranlable, nous avons la même éducation et les mêmes valeurs, ce qui nous fait gagner beaucoup de temps et d’énergie ! Même quand nous ne sommes pas d’accord sur une question on trouve toujours rapidement une solution. La concession est plus facile à faire !

Pierre : Je suis du même avis que Simon, j’ajouterai juste que j’avais un ancien studio auparavant, où j’ai travaillé avec Simon pendant ses études et notre rapport qui était déjà excellent ne fait que de s’améliorer de jour en jour. Nos échanges professionnels sont plus concis et de meilleure qualité qu’à nos débuts ! Mais en dehors nous restons les mêmes !!

Ci-dessus et dessous : projet Gold Mine pour Red Bull

3DVF : Vous avez pu grandir et votre équipe compte désormais 9 artistes. Quelle est votre vision du marché et votre stratégie en tant que studio ?

Pierre et Simon: Notre équipe est constamment en évolution. Nous sommes en train de créer un noyau dur de permanents, ainsi que des graphistes qui nous épaulent en fonction des besoins. Notre nombre varie entre 4 et 10 et nous cherchons à avoir le moins de turn over possible. Pour ça le bien être au travail à une importance primordial dans notre stratégie, les graphistes et nous même devons nous sentir bien pour pouvoir créer des images de qualité dans les meilleurs conditions ! Depuis le début nous marchons beaucoup avec le bouche à oreille, on commence à voir les limites après quelques années. Nous avons recruté Niamh Regan qui vient nous épauler pour répondre à de nouvelles demandes et nous inscrire sur de nouveaux marchés.

Nous sommes aussi très impliqué dans le secteur e-sportif et avons la chance de travailler avec de très grands acteurs européens. La 3D est un petit monde où ses représentants fonctionnent énormément sur la confiance et la fidélité. Nous nous estimons extrêmement chanceux et reconnaissant d’avoir régulièrement carte blanche dans la conception et la DA des projets.

3DVF : Durant la mise en place du studio et son essor, avez-vous pu bénéficier d’appuis locaux (pôles de compétitivité, par exemple) ? Plus largement, que pensez-vous de l’écosystème en place à Montpellier ?

Non, nous n’avons tout simplement pas fait la demande mais c’est une possibilité dans les mois futurs. Montpellier est une place majeure dans le domaine des nouvelles technologie la ville investit beaucoup. Au centre ville il y a des locaux comme la french tech à disposition des entreprises tech ou encore la création de EAI un futur quartier dédié entièrement à nos domaines. Après Paris nous pensons que Montpellier est “The place to be! ”

Play Of The Week (illustrations tirées d’une vidéo d’introduction pour des montages hebdomadaires de l’équipe Vitality)

3DVF : Qui dit studio dit évidemment pipeline : quels ont été vos choix logiciels, et pour quelles raisons ?

Valentin Dornel : Au moment où j’ai rejoint le studio, Menhir fonctionnait majoritairement sur Maya et Vray, avec un dataflow assez rigide. Nous voulions pouvoir être plus agiles dans notre approche, pour pouvoir répondre plus rapidement aux retours de nos clients. Nous avons donc fait le choix de passer sur Houdini et Redshift.

Pour ce qui est du dataflow, nous avons fait le choix de tester Prism Pipeline, développé en open source par Richard Frangenberg. C’est une solution “clés en main” qui nous plait beaucoup, Richard est par ailleurs très réactif sur son forum.

D’une manière générale, nous avons fait beaucoup de changements côté pipeline durant ces derniers mois. Nous partageons beaucoup au sein de l’entreprise, et il n’a pas fallu beaucoup de temps pour que tout le monde ait pris en main les bases des nouveaux outils.

Nous voyons déjà que nous sommes bien plus rapides et agiles qu’auparavant.

3DVF : Pouvez-vous également nous parler de votre matériel/renderfarm ?

Avec désormais un rendu en GPU, nous n’avons pas encore besoin d’avoir une renderfarm classique, les machines des graphistes tournent la nuit et cela correspond largement à nos besoins.

Notre render manager est aussi un outil de Richard Frangenberg, qui fonctionne avec Prism Pipeline : Pandora.

Côté matériel, nous avons des RTX 2070 et si le besoin s’en fait sentir, nous verrons pour améliorer notre matériel.

3DVF : Revenons sur certains de vos projets récents. Pour l’équipe Esport Vitality, vous avez créé un spot dynamique avec de nombreux effets. Quels ont été les enjeux techniques et artistiques de ce spot ?

Les délais étaient vraiment courts, moins d’un mois, il a fallu penser au storyboard, le script, préparer le tournage sur Paris pour avoir les joueurs Vitality et faire le clip. Nous avons fait le clip à 4 ! Valentin qui était à Vancouver nous a préparé les setups des effets les plus complexes et nous les a envoyés pour pouvoir nous permettre de les finaliser au shot et les rendre.

Il fallait réussir à créer une histoire avec un clip très court et dynamique. Nous sommes parti sur l’idée du storytelling de la naissance à l’avènement de Vitality dans le monde E-sportif en passant par les moments difficiles !

Une des difficultés était d’intégrer à notre histoire des éléments du Merch Vitality sans impacter l’aspect esthétique du clip. C’était une super expérience pour nous et la première collaboration entre Valentin et nous ! (Un succès !)

3DVF : L’annonce du projet Untapped (un tournoi sur le jeu Magic the Gathering Arena) a été entièrement réalisée par votre équipe, dès l’écriture. Comment avez-vous géré une telle liberté, et que pouvez-vous nous dire sur vos choix artistiques ?

Dans un premier temps nous avions la chance de travailler avec le DA de chez Wizards of the Coast pour parler de la narration et échanger sur l’animation afin de savoir pourquoi ce personnage a ce pouvoir et pas un autre…

Ce fut une expérience extrêmement enrichissante où notre interlocuteur était extrêmement précis.

Les dessins ont été entièrement réalisés par une seule personne : Laurent Gnoni. C’est un illustrateur très talentueux, nous avons beaucoup appris à ses côtés et collaboré avec lui sur d’autres projets.

RedBull qui orchestrait le projet et nous a une nouvelle fois laissé quartier libre pour la DA, ce qui nous a permis de nous faire plaisir sur le projet et travailler sans aucune limite artistique.

Grâce à ces trois éléments et une équipe du tonnerre au sein de Menhir Fx le projet a été très agréable à réaliser.

Nous aimons particulièrement la scène de fin avec Tezzeret qui insuffle le souffle de vie à Blightsteel Colossus.

3DVF : Enfin, votre projet pour General Electric porte sur la mise en avant d’un robot de radiologie, un sujet qu’il peut sembler, a priori, difficile de rendre très esthétique. Pouvez-vous nous parler de ce spot ?

Nous avons travaillé pour l’agence Le Square avec qui nous avons d’excellentes relations. Chez eux, Christophe avait une direction artistique bien précise et très cinématographique qui nous a énormément aidé.

C’était un projet qui entrait parfaitement dans le savoir faire de Menhir Fx, nous avons surtout passé du temps sur les effets spéciaux et la représentation esthétique des images de radiologie.

Nous avons donné un aspect high tech au robot par des matériaux brillants et de belles lumières pour le mettre en valeur.

Nous avons voulu faire dans la sobriété et simplicité, car comme pour le projet, le robot traite facilement des actions compliqués et fatigantes.

Pour information nous avons rendu une bonne partie des images chez Ranch Computing, merci à eux !

3DVF : Votre équipe compte notamment Valentin Dornel, CG Supervisor de retour en France après avoir enchaîné les projets chez Sony Pictures ImageWorks à Vancouver. Valentin, peux-tu nous indiquer ce qui a motivé ce retour en France ?

Valentin Dornel : Je connais Pierre depuis l’école et nous sommes toujours restés en contact.

Alors que je travaillais à Vancouver, il m’a annoncé qu’il montait un studio avec son frère.

Au même moment j’avais envie de donner de mon temps et mon énergie pour faire grandir une société. J’ai travaillé dans quelques grosses entreprises par le passé et j’ai parfois eu l’impression d’être un rouage comme un autre, facilement remplaçable. En tant que graphistes nos avis comptent rarement dans les grosses structures.

Nous avons beaucoup discuté et j’aimais beaucoup leur idée d’entreprise : un endroit très humain, où chacun est valorisé, avec des valeurs de partage. J’ai fini par leur proposer de les rejoindre et de m’associer à eux.

Je crois que c’est la perspective de participer à créer une boîte où j’ai envie de travailler qui m’a le plus motivé à les rejoindre.

3DVF : Tu as travaillé en tant que FX TD Intermediate puis FX TD : peux-tu, notamment pour les jeunes artistes encore en école qui nous lisent, revenir sur ces postes ? En quoi consistait une journée type ?

FX TD veut dire “Special Effects, Technical Director” (Directeur technique des effets spéciaux). L’appellation TD est commune dans notre métier, mais pas toujours utilisée par toutes les entreprises. Certaines entreprises font la distinction entre les artistes et les TD. Les premiers font généralement du travail au plan, alors que les seconds font, en théorie, la mise en place et la recherche pour préparer le travail au shot. Pour les effets spéciaux cela consiste notamment à trouver des solutions techniques à des problématiques artistiques, et faire des setups.

Dans la pratique les FX TD font aussi du travail “au plan”, et aident les artistes à résoudre les problèmes qu’ils rencontrent.

Voici une journée type à Sony Picture Imageworks pour moi :

  • Arrivée à 9h, vérification de ce que j’ai lancé sur la farm la veille, envoi de mon travail pour la réunion du matin (appelé dailies).
    Lors de la dailies tous les plans et effets sont étudiés par le superviseur du département, il peut nous demander de faire des ajustements, et lorsqu’il est satisfait du résultat, le plan part pour une autre réunion : le “round”. C’est une réunion journalière elle aussi où le directeur artistique, le CG Sup et le VFX Sup voient et commentent notre travail afin de de nous demander des ajustements sur notre travail.
    Ces deux réunions sont généralement assez proches.
  • Le gros de mon travail commence après ces deux réunions : je fais mes plans et setups.
  • Si notre plan a été validé en rounds, il passe l’après midi devant les yeux du réalisateur, qui pourra lui aussi apporter ses modifications.

Aujourd’hui c’est un peu différent à Menhir FX, j’occupe le poste de CG Sup et nous avons fait le choix de faire une dailies qui fait aussi office de “rounds”, je mène cette réunion tous les matins. Mon rôle est de valider les images ou de demander des modifications aux graphistes. Nous essayons que tout le monde puisse donner son avis, car nous voulons profiter de l’expertise de chacun pour produire les plus belles images possibles dans le temps imparti.

Les graphistes sont invités à s’exprimer si ils le souhaitent à quelques conditions : leurs remarques doivent être constructives et bienveillantes.

Je suis particulièrement heureux de ce fonctionnement : les idées fusent et tout le monde profite des connaissances de chacun.

3DVF : Sur Spider-Man : Into the Spider Verse, tu as travaillé sur des destructions. Peux-tu nous dire quelques mots à ce sujet ?

J’ai été appelé en renfort pour le dernier tiers de la production, à ce stade beaucoup de travail et de recherches avaient déjà été effectués, autant du côté technique qu’artistique. On m’a demandé de faire du travail au plan de destruction, ce qui est assez classique pour nous. J’ai travaillé majoritairement sur les plans de fin dans le réacteur. C’était une super expérience ! Le projet a eu un gros impact sur l’animation 3D et je suis heureux d’avoir pu travailler sur un film au look différent de ce qui se fait habituellement. J’ai plus tard travaillé sur un projet similaire qui vient aussi changer les codes graphiques de l’animation 3D, mais je ne peux pas encore en parler !

3DVF : Revenons sur Menhir FX : l’actualité c’est aussi, malheureusement, la crise du COVID-19. En tant que petit studio, comment avez-vous géré le confinement ? Avez-vous eu recours au télétravail, aux mesures de type chômage partiel ? Dans quelle mesure l’activité a-t-elle pu se poursuivre ?

Simon et Pierre : Au moment de l’annonce notre premier objectif était la sécurité de notre équipe et de pouvoir subvenir à leurs besoins en changeant le moins possible leur quotidien professionnel. Nous avons mis à disposition le matériel et changé notre workflow pour que chacun puisse travailler chez soi dans les meilleurs dispositions et ainsi limiter au maximum le risque épidémique. Nous avons eu la chance de pouvoir continuer à travailler et n’avoir eu quasiment aucun impact sur les affaires. La bonne entente dans l’équipe et la confiance que nous avons en chacun d’eux a été la clé pour surmonter cette épreuve qui peut s’avérer très critique pour un petit studio. En ce qui concerne la technique on laisse Val répondre !

Valentin Dornel : D’un point de vue pipe et télétravail, le confinement est arrivé au moment où nous changions tout notre processus de travail ! Nous étions à la fin d’un projet et nous avons opté pour une première solution d’urgence : récupérer les fichiers via FTP avec le logiciel SyncBack. C’était loin d’être la meilleure solution mais cela nous a permis de finir le projet. Dans un second temps nous avons mis en place une synchronisation en peer to peer, cette solution a bien mieux fonctionné et nous a permis de travailler aussi efficacement que possible.

D’un point de vue communication, on travaille déjà avec Discord, il n’y a pas eu beaucoup de changement de ce côté.

On a transféré les licences des machines du travail chez nos graphistes et tout s’est bien passé.

On estime qu’on a pratiquement pas perdu en efficacité durant le confinement. Ce qui nous a le plus manqué c’était de se voir en physique, manger ensemble, discuter autour d’un café etc. Nous sommes de retour au studio et cela fait du bien de se retrouver!

3DVF : Enfin, parlons d’avenir : comment voyez-vous l’évolution du studio d’ici quelques années ?

Nous voulons continuer d’augmenter nos compétences et travailler avec des clients leaders du marché en France mais aussi des clients internationaux tout en diversifiant le style des projets. Nous désirons continuer à prendre de nouveaux défis et de nous dépasser au quotidien ! Tout cela se fera en conservant la même énergie créé jusque là au studio ! La dimension humaine reste la clé chez nous. Si d’ici quelques années nous sommes plus nombreux dans l’équipe ce sera pour pouvoir pousser les curseurs et faire des projets toujours plus qualitatifs, je suis sûr que l’on conservera notre joie et notre bonne humeur. Si c’est le cas on aura gagné notre pari ! héhé !

Enfin d’ici quelques années nous aimerions lancer nos projets en interne, court métrage, série, et qui sait peut être un jour un film d’animation. Les possibilités sont grandes !

Merci beaucoup pour vos questions ! Vous pouvez nous suivre sur notre site www.menhirfx.com ou nos réseaux. Et si vous passez sur Montpellier, venez boire un verre avec nous !

1 commentaire

Cetras 24 juin 2020 at 15 h 57 min

Un studio à Montpel qui utilise Houdini, bien cool 🙂 à suivre de prês 😉

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