En avril dernier, nous vous annoncions le lancement de Nobody Studio, une nouvelle entité créée dans le Sud de la France. A sa tête, on retrouve Sébastien Chort et Grégory Jennings, deux vétérans du secteur de l’animation (Vous avez pu admirer leur talent dans Shrek, Kung-Fu Panda, Assassin’s Creed, Gravity…) mais aussi Emma Gerard, chargée de production et communication.
Quelques mois plus tard, l’équipe a trouvé ses marques, et nous profitons de la fin de l’année pour vous proposer une interview en leur compagnie. L’occasion de revenir sur la genèse du studio, son positionnement, le choix atypique de la coopérative (SCOP), et sur deux premiers projets.
3DVF : Bonjour Nobody Studio ! Nous avions annoncé votre lancement en avril dernier dans le Sud de la France, mais pour les personnes qui seraient passées à côté de l’annonce, pouvez-vous revenir sur votre positionnement et les marchés que vous ciblez ?
Nobody Studio : Bonjour 3DVF ! Nobody Studio est une société coopérative de production, spécialisée dans le secteur de la 3D, nous travaillons donc majoritairement pour le cinéma, le jeu vidéo et l’audiovisuel. 35 années d’expériences cumulées dans les studios nous ont permis de nous spécialiser dans le Lighting, le Compositing, la création d’assets et la supervision de projets. Pour le moment, nous collaborons essentiellement avec le continent nord-américain, mais nous avons comme projet à moyen terme d’élargir notre champ d’action plus largement à l’international tout en laissant un espace important pour le développement de nos propres productions.
3DVF : Nobody Studio a été créé par deux vétérans du secteur de l’animation, Sébastien Chort (que nous avions eu l’occasion d’interviewer sur Le Chat Potté, notamment) et Grégory Jennings, rejoints par Emma Gerard, chargée de production et communication.
Quelle a été la genèse de ce projet de création de studio, et pourquoi avoir choisi de l’installer à Montpellier ?
Sébastien Chort : L’idée de créer un studio à l’image de notre idéal de travail est réellement née en 2011. L’industrie de l’animation a été une aubaine pour tous les créatifs ces dernières années. Mais comme tous les secteurs, la réalité du quotidien comporte quelques limites à notre sens, auxquelles nous tentons de trouver des solutions en structurant le studio avec une nouvelle approche. Nous essayons d’y apporter plus de démocratie, de lutter contre la gouvernance pyramidale classique, de laisser une part importante à l’expression créative des artistes.
En effet après plusieurs années à l’étranger, nous sommes revenus à Montpellier. Nos situations familiales, la qualité de vie et le vivier de compétences grâce aux écoles 3D de la région ont confirmé notre choix pour cette belle ville !
3DVF : Vous avez choisi de vous lancer en tant que SCOP (société coopérative et participative). Pourquoi ce choix, et concrètement, comment l’équipe est-elle organisée en termes de prise de décisions, hiérarchie ?
Toujours dans l’optique de faire correspondre nos méthodes de gestion et la dynamique de projets créatifs, le format SCOP est celui qui nous permettait le plus de flexibilité. C’est le statut qui nous a permis de réellement ancrer nos valeurs dans l’ADN du studio : la démocratie, l’épanouissement des membres, la revalorisation de l’artiste dans les projets, etc.
Dans le même ordre d’idée , l’ensemble des documents ne relevant pas d’information personnelles des employés est à disponibilité de chacun, dans un souci de transparence la plus totale:
- Calendrier des projets en cours ;
- Budget des projets en cours ;
- Prospections en cours et devis ;
- Grilles des salaires à jour, incluant les salaires des gérants et autres CDI ;
- Flux de trésorerie à jour chaque semaine permettant de garder un oeil sur la santé de l’entreprise ;
- Tous les documents légaux (Conventions collectives, Statuts de l’entreprise, etc).
Ci dessous un extrait de nos statuts qui peuvent illustrer plus amplement notre positionnement en tant que SCOP , à noter que nous nous sommes inspirés à fond de nos amis Montpelliérains Les fées spéciales sur ces principes fondateurs que nous avons trouvé réellement en adéquation avec nos principes.
À ce stade du développement, nous avons signé il y a quelques mois un accord de participation, qui permet aux membres de la SCOP (salariés et intermittents) d’avoir accès à la redistribution des bénéfices générés par le studio à la fin de l’année. Cet accord a été signé par les salariés et décrit les clauses d’application de l’intéressement. Il était important pour nous de sortir de la logique actionnaires/dividendes pour privilégier l’approche d’une distribution équitable : les membres qui œuvrent pour le studio tout au long de l’année méritent de partager ce pour quoi ils ont travaillé.
Tous les mois, nous nous réunissons pour échanger autour des sujets liés à la SCOP : les projets, les besoins de chacun, la vie du studio etc. C’est un moment d’échange qui est important pour nous, car c’est le moyen de revenir chaque fois sur l’application de nos fondements et laisser un temps de parole à chacun. Très bientôt ce mode de fonctionnement va devenir plus formel puisqu’une SCOP est vouée à accueillir ses employés en tant que sociétaires et nous espérons pouvoir intégrer plusieurs de nos collaborateurs qui en feront la demande en tant qu’associés.
L’accès au sociétariat peut se faire par apport de capital ou par une retenue sur salaire (3% par mois jusqu’à hauteur du capital nécessaire). Pour les employés cela se traduit (après un vote des associés en place) par un droit décisionnaire au sein de la société permettant de formaliser l’aspect démocratique de l’entreprise : une personne = une voix. Par exemple, les postes de gestion que Sébastien et Grégory occupent doivent être votés tous les 4 ans, et sont révocables.
3DVF : Comment se concilie ce statut et le recrutement d’intermittents ?
Les profils d’artistes qui collaborent avec Nobody sont variés entre CDI, intermittents et quelques freelances. De nombreuses vérifications auprès des organismes encadrant le statut des SCOP nous ont confirmé la possibilité de recourir à ces différentes formes de contrats dans le cadre de la convention collective qui correspond à nos activités. Les intermittents sont considérés comme salariés ce qui leur permet d’accéder à la répartition des bénéfices, mais comme nous avons eu l’envie dès le début que l’entreprise fonctionne comme un collectif, il est donc important pour nous d’ouvrir au maximum les portes de la société aux artistes qui contribuent à son essor. Pour faciliter ce passage nous avons pour objectif en 2022 de salarier en CDI 4 à 5 artistes qui collaborent régulièrement en tant qu’intermittents, ce qui pourra inciter en second lieu à faire un pas vers le sociétariat de l’entreprise.
De même, notre positionnement international nous permet d’avoir une politique salariale compétitive, particulièrement intéressante dans le cadre d’un coût de la vie assez équilibré dans la région Occitanie. Par exemple, nos offres de salaire journalier pour les intermittents s’alignent sur une grille d’ancienneté qui se révèle être environ 30% au-dessus des revenus proposés dans la capitale.
Le statut n’interfère pas avec le recrutement mais les valeurs promues par le studio ont plutôt tendance à attirer les talents qui les partagent. Les intermittents, en tant que membres de la SCOP, accèdent aux droits de participation à partir de 3 mois passés dans le studio dans l’année, ce qui est plutôt novateur pour ce secteur. Plus concrètement, les bénéfices à la fin de l’année sont redistribués à toutes les personnes qui ont oeuvré pour la SCOP durant l’année.
Page suivante : suite de l’interview avec plus d’informations sur le statut SCOP, les ambitions à long terme de l’équipe, les premiers projets.
1 commentaire
Merci pour l’interview. C’est vraiment intéressant ce statut de SCOP