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Interview : Eric Tranchefeux – Illustrateur numérique et traditionnel


3DVF – Eric, pour commencer, penchons-nous sur ton parcours personnel.
Comment es-tu tombé dans le monde de l’image ?

 

Eric Tranchefeux :  Mes débuts ont été plutôt tardifs. Je me suis mis au dessin à l’âge de 17 ans après que l’un de mes amis ai ramené à l’école un artbook de Frazetta. J’en suis resté complètement admiratif. À partir de là, j’ai commencé à crayonner et à m’entraîner, sentant la passion monter peu à peu en moi. J’ai par la suite passé un concours dans une école de dessin publicitaire qui s’appelait l ‘E.P.D.I, et j’y suis resté un an et demi. Au bout du compte, je me suis retrouvé à 19 ans illustrateur freelance.

 

Traditionnel

Between the poses (Traditionnel peinture à l’huile)


3DVF – De quelle manière as-tu ensuite appréhendé les outils de création numérique ?

 

Eric Tranchefeux : Le numérique est arrivé pour moi en 98. Sentant le vent tourner, je me suis très vite équipé. N’ayant jamais touché un ordinateur, ce fut un petit bouleversement, mais l’essentiel étant acquis dans les techniques traditionnelles, j’ai juste eu à les adapter à ce nouvel outil et aux logiciels 2d. Paradoxe de cette avancée technologique, c’est que les clients au début n’en voulaient pas ; habitué à de vraies peintures, c’était tout d’un coup moins sexy de recevoir un CD.

 

 

3DVF – Tu es illustrateur depuis plus d’une vingtaine d’années, aussi, comment as tu vu évoluer les outils de création, ainsi que les projets et l’industrie chaque jour un peu plus avare d’images et de contenu original, notamment avec l’évolution des effets spéciaux et du jeu vidéo?

 

Eric Tranchefeux :  Ayant connu la période avant le numérique, ce dont je suis très heureux pour le bagage traditionnel que cela m’a apporté, il est vrai que les évolutions techniques et aussi les manières de travailler ont considérablement changées. Pour les outils, la plupart de ceux qui faisaient de l’hyperréalisme, dont je fais partie, travaillaient essentiellement à l’aérographe pour gagner du temps sur les dégradés et faisaient les détails à main levée ou aux pinceaux, exercices techniques qui n’étaient pas donnés à tout le monde, et qui je pense réduirait de moitié le nombre d’illustrateurs actuels si on en était toujours là…


Le numérique a fait changer les choses, ouvrant la création à beaucoup plus de monde et offrant plus de possibilités par rapport au traditionnel. Avec la création numérique 2D, on peut modifier à l’infinie une image. Cela ne peut qu’aboutir à plus de créativité, s’y l’on a évidemment un minimum de culture graphique. Par contre, revers de la médaille, plus de possibilités peut parfois aussi vite aboutir à faire n’importe quoi si on se laisse aller aux artifices de certains logiciels.

 



Lemmy (numérique)

 

Cela offre aussi la possibilité de rajouter des casquettes supplémentaire d’autres métiers comme retoucheur ou photographe, et mixer tous ces médias pour encore plus de créativité et de rapidité d’exécution. Cela permet également de gérer plus de commandes. Cependant, avec l’enthousiasme de ces nouvelles techniques et la possibilité de créer des images plus facilement, la profession s’est énormément développée, réduisant forcément la taille du marché. Les clients sont devenus plus difficiles, n’hésitant pas à demander beaucoup de modifications, qui sont parfois difficiles de refacturer, et les budgets ont aussi tendance à baisser. Les délais se sont énormément raccourcis ; les clients veulent souvent leurs boulots avant même de l’avoir commencé, ce qui ne va pas forcément de pair avec la qualité.

 

D’autres secteurs comme l’édition restent toujours très demandeurs en illustrations, mais en 20 ans, leurs tarifs n’ont pas évolué. En-tout-cas pour la France, et ce marché semble d’ailleurs se boucher de plus en plus. Le monde des jeux vidéo et des effets spéciaux est aussi depuis longtemps l’un des acteurs majeurs de l’imagerie 2D ou 3D, avec toutes les spécialités que l’on peut trouver à travers différents métiers, ce qui apporte un souffle nouveau à la création.  Pour faire un résumé sur le contenu graphique et sur le marché de certains secteurs, il est clair que l’originalité baisse parfois. Est-ce dû au fait que nous sommes tous sur les mêmes réseaux sociaux, avec les mêmes références ? Cela y contribue certainement.

Un autre facteur vient sans doute du fait que les entreprises restent trop souvent frileuses de sortir de nouvelles choses, et préfèrent copier les succès du moment en les resservant à leur sauce. Si je prends un exemple comme les affiches de cinéma qui étaient avant réalisées par des illustrateurs et avaient énormément d’impacte, je pense à des stars de l’affiche comme Drew Struzan (Star war, Indiana Jones, etc.).

 

Ces illustrations étaient de véritables petits chefs-d’œuvre. Elles sont maintenant tout en général réalisées avec du montage photo, parfois de mauvais goût, les graphistes ne connaissant pas toutes les règles de dessin, de compositions et de perspectives. Du coup, elles se ressemblent toutes et n’ont plus d’âme, avant il y avait l’affiche et le film…

 


Tout cela contribue à l’appauvrissement artistique et à un turnover qui boucle sur les mêmes choses. Mais heureusement, il y à encore de bonnes surprises, pour la plupart ce sont des projets personnels d’artistes et non des commandes qui sont régit par l’appât du gain avec des démarches graphiques maintes fois utilisées, et qui rassure les investisseurs au détriment de l’originalité…






The violist (traditionnel peinture à l’huile)
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