Interview : Puss in Boots – Trois français chez Dreamworks

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3DVF : Quel était votre quotidien au studio, durant la production ?

S.C. : Après 4 ans à Dreamworks on trouve ses marques, donc le quotidien était plutôt détendu.

L.B. : L’ambiance sur le projet était vraiment bonne et l’équipe était très soudée. Je partage un cube avec 3 autres animateurs qui à l’époque travaillaient aussi sur le projet. Cela permettait de nous montrer nos plans pour avoir un autre regard sur notre travail. Enrichissant et bon enfant.
Le rythme a été intense par moment, mais je n’ai jamais été trop stressé par le travail à effectuer et j’ai toujours été très motivé d’attaquer la journée :).

O.S. : Durant la production, je faisais de grosses journées, car vu que c’est le personnage principal, il y a avait beaucoup à faire chaque jour.
J’ai supervisé entre 15 et 35 animateurs pendant la production et faisais 2 rondes par jour à leurs bureaux. Ensuite on avait 2 dailies par jour. Je faisais également des vidéos références de moi-même pour indiquer aux animateurs le type d’acting que j’avais en tette pour le plan. Après il y a des meetings avec les autres départements. Une fois tout ça fini, j’essayais de travailler sur mes propres plans.

3DVF : Comment se fait la répartition du travail au sein de votre équipe ?

S.C. : Concernant l’éclairage le département travaille avec une équipe de quatre à six superviseurs se partageant les sequences du film (2 à 4 mois pour chaque séquence), chaque superviseur a une équipe de lead lighters qui sont responsables d’une séquence (création de plans clés, recherche technique et artistique) et chaque lead lighter travaille avec une équipe de production lighters qui finaliseront l’ensemble de la séquence pour qu’elle soit cohérente avec la direction artistique et les plans clés créés par le lead lighter.

L.B. : Le département d’animation est réparti en équipes avec un superviseur par équipe. Sur Puss In Boots, chaque équipe était assignée à un personnage, permettant ainsi de maintenir au mieux la consistance de chacun d’eux au sein de l’histoire.
En tant qu’animateur, chaque étape des plans (blocking, anim pass, final pass) doit être validée par le superviseur puis par le Head Of Character Animation avant d’être montrée au réalisateur.
Dans l’équipe de Puss, j’avais donc pris l’habitude de voir Olivier tous les jours pour lui montrer la progression de mes plans. Nous filmions des références vidéos pour chaque nouveau plan afin de discuter les différentes idées et possibles choix d’acting avant même de commencer à animer. Un processus vraiment vivant, créatif et stimulant.

3DVF : Avez-vous souvent eu des contacts directs avec le réalisateur Chris Miller concernant votre travail ?

S.C. : Oui lors de la validation des plans clés, et à divers degrés d’accomplissement de chaque séquence nous avions des réunions/projections pour recueillir ses commentaires.

L.B. : Il y avait au moins une session par jour durant laquelle Chris regardait les plans des animateurs souhaitant avoir des notes sur leur travail. Il était présent à tous les stades de l’animation. C’est lui qui donnait les premières directives à l’animateur et ensuite qui validait le blocking et la version définitive des plans. Chaque session de visionnage en présence du réalisateur était aussi l’opportunité pour les animateurs d’échanger des idées et de communiquer directement avec le réalisateur.

O.S. : Oui notre relation avec Chris Miller était excellente. Nous le voyions 2 fois par jour en dailies, plus en sequence launch, et aussi en Editorial pour faire des reviews de la séquence en cours.

3DVF : Quel a été le point le plus délicat ou problématique pour vous, durant la production ? Quels challenges particuliers avez-vous relevés ?

S.C. : Le travail avec certains départements n’est pas toujours facile, lorsqu’un département avant le vôtre dans le pipeline rencontre des difficultés techniques ou artistiques cela peut rendre votre travail assez difficile, ce fut le cas sur une de mes séquences. Du point de vue technique la séquence du haricot magique fut très dure à gérer du fait de l’échelle gigantesque du haricot par rapport aux personnages.

L.B. : Ma première difficulté sur le projet a été le style d’animation, orienté réaliste avec beaucoup de détails. Je sortais tout juste de la production du film Megamind qui était beaucoup plus cartoon. Les premiers plans que j’ai vus du projet étaient de très haut niveau et j’ai vraiment appréhendé les débuts. Je ne pensais pas pouvoir me faire au style et atteindre une telle qualité d’animation.
J’ai donc analysé au mieux les plans déjà animés et beaucoup échangé avec Olivier sur la direction qu’il souhaitait pour le personnage. J’ai même dû adapter ma méthode d’animation. Ça a été dur au tout début, mais finalement, je m’y suis fait relativement vite.
J’ai aussi dû apprendre à travailler davantage avec de la référence vidéo afin de sortir le plein potentiel de chaque acting et mouvement d’action. C’est quelque chose que je n’avais jamais fait aussi intensément auparavant.

O.S. : Pour moi, il y a avait plusieurs challenges. Le premier c’était de réussir à gérer mon temps avec ces nouvelles responsabilités. Le deuxième c’était de m’assurer de bien guider mon équipe, vers quelque chose qui satisfait à la fois le réalisateur, mais aussi qui satisfait l’animateur, et enfin qui rend le personnage consistent et appealing et donc qui me satisfait au passage.

Haricot
Haricot

 
3DVF : Avez-vous affaire au « crunch time » sur Puss in Boots ? Comment cela se passe-t-il, concrètement ? Et comment arrivez-vous à gérer tout cela, tout en conservant une vie personnelle et familiale ?

S.C. : Les trois derniers mois furent assez demandeurs, quelques soirées tardives (sans abus) et présence régulière de toute l’équipe de lighting les samedis. Ce n’est pas très réjouissant de passer ses week-ends estivaux derrière son ordi, mais il est toujours possible de profiter de la Californie le reste de l’année.

L.B. : Oui, nous avons eu du crunch time. Je pense que toutes les productions en ont à un certain point, mais cela fait partie du métier 🙂
Concrètement, la production passe en crunch time en fin projet lorsque le département a pris du retard, ou bien lorsqu’il y a des plans à rendre en urgence pour finir une séquence spécifique ou finir une bande-annonce.

Côté travail, le studio met tout en oeuvre pour rendre le crunch time le plus agréable possible. Les repas sont pris en compte le soir, il y a même une garderie pour les enfants le samedi.
Malgré tout cela, la vie personnelle passe à ce moment-là un peu au second plan. Je me rattrape lors des moments plus calmes de l’année 🙂

O.S. : Pendant l’année de production, ma famille savait que je ne serais pas trop présent et que je devrais travailler de nombreux samedis, mais tout le monde était de mon côté et ça aide énormément. Ma femme travaille à Dreamworks donc elle comprend comment les artistes pensent et quand notre travail nous tient à coeur elle sait qu’on ne peut pas s’arrêter, et que ça devient un challenge personnel d’atteindre nos objectifs.

Chaton
3DVF : Pixar met souvent en avant ses locaux à la décoration délirante et les services destinés aux employés (bar à céréales, espaces détente…).
Quels sont les petits plus du campus Dreamworks ? Y a-t-il des évènements ou opérations destinées à souder les équipes ?

S.C. : Pour avoir visité les studios de Pixar, je dirais que Dreamworks a un campus bien plus agréable et délirant, toutefois l’aménagement des bureaux à Pixar est vraiment génial. Le campus de Dreamworks est plein d’espaces verts, il y a même un étang avec des carpes, des cascades d’eaux. De très nombreux endroits sont destinés à la détente (Table de ping pong, baby foot, salle de jeux). Et le studio se démène pour offrir un maximum de services à ses employés : cours de dessins, sculptures, yoga, médecins sur place, cantine gratuite matin midi et soir (si heures sup), centre imprimante pour imprimer nos photos en divers formats gratuitement, projection de films récents une à deux fois par semaine dans le cinéma du campus.

J’en oublie plein, mais franchement je doute qu’il y ait beaucoup de studios qui puissent rivaliser avec Dreamworks niveau confort. Il ne manque plus qu’une salle de sport avec piscine et une garderie pour enfant 🙂 )….
Par contre les deux studios rivalisent pour leur secret room (mais je ne peux pas en dire plus, il faut visiter les studios pour découvrir ce petit plus)

L.B. : Je n’ai jamais vu le campus de Pixar, à part dans des reportages donc je ne peux pas vraiment comparer, mais le campus de Dreamworks est juste magnifique, avec une architecture de type hacienda, un lagon, des terrasses extérieures. Superbe.
Le studio offre énormément d’avantages au quotidien, les petits déjeuners et repas du midi sont pris en charge, il y a beaucoup d’espaces communs, une salle de jeux, une salle de cinéma où est projeté un film récent chaque semaine. Il y a aussi les petits plus comme la Hidden Room, sorte de bar/ lounge aménagé dans les combles d’un des bâtiments.
Le studio a un vrai programme de développement artistique qui offre pour tous les employés des cours de dessin, peinture, sculpture directement sur le campus. C’est vraiment génial.
Les équipes de production organisent assez souvent des soirées pour fêter les étapes de la production d’un film ou juste réunir l’équipe et se détendre un peu dans les périodes plus intenses de travail.

O.S. : Le campus de Dreamworks est tout simplement génial. On a un studio magnifique, très bien décoré, et très ouvert sur l’extérieur, avec de la végétation, un lagon, des canards, et une fontaine.
On a le petit déjeuner et le repas du midi servis au studio dans notre cantine, mais également des distributeurs de boissons et des snacks à portée de main. En plus tous ces services sont gratuits !
Le studio est aussi très actif pour supporter notre développement artistique avec des classes et conférences sur différents sujets chaque semaine.

3DVF : Où vous voyez-vous dans quelques années ? Comment voulez-vous évoluer, quelles spécialités voudriez-vous acquérir ?

S.C. : J’aimerais rentrer en France à terme, soit y monter un studio soit participer à un projet de studio à un poste clé. Sinon, l’idée d’arrêter de travailler dans la 3d m’effleure aussi l’esprit de temps en temps, non pas que j’ai perdu la fibre passion, mais simplement parce que j’aimerais pouvoir me concentrer sur des projets plus personnels et dédier plus de temps à ma famille.

L.B. : J’aimerais clairement refaire de la supervision. C’est un aspect du travail que j’ai expérimenté en Inde et que j’ai adoré. Être un peu plus officiellement investi dans les projets, mais surtout travailler au plus près des animateurs, s’investir dans la direction d’un personnage, faire en sorte qu’une équipe tire le maximum d’elle-même. Cela donne une dimension plus humaine au travail d’animateur.

O.S. : C’est dur de se projeter dans le futur. À vrai dire, jusqu’à présent chacun des films que j’ai faits m’a apporté quelque chose d’inattendu et m’a fait évoluer professionnellement d’une façon que je n’anticipais pas. Là, je m’apprête à faire mon premier film en tant que Head Of Character Animation ; je sais que je rencontrai de nombreux nouveaux défis et que j’apprendrai énormément donc je suis très positif et excité par les mois à venir.

3DVF : Envisagez-vous un jour de revenir en France ?

S.C. : Je crois avoir déjà répondu à la question plus haut.

L.B. : Pour l’instant, pas du tout ! Ma femme et moi sommes tellement bien ici, aussi bien au niveau du travail que de la qualité de vie, c’est parfait pour nous au jour d’aujourd’hui.

O.S. : Je ne pense pas, même si c’est dur à dire. La France est en train de développer une belle industrie de long métrage d’animation donc on ne sait jamais.
Le reste du monde est aussi en train d’évoluer à une vitesse surprenante donc je pense qu’il y aura des opportunités de faire ce fabuleux métier dans de nombreux pays dans les années à venir.

Chats
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