Hervé Trouillet, réalisateur du projet Citeria

 

 

 

 

3DVF : A première vue, il semblerait que vous ayez fait appel à des techniques largement utilisées dans le monde de la japanimation. Que peux-tu dire à ce sujet ?

 

 

RV : C’est évident, nous avons beaucoup à apprendre des Japonais. Ils sont les maîtres incontestés de la productivité et du savoir faire en terme d’économie. Cela dit, ce que nous empruntons aux Japonais n’est que leur façon de concevoir leurs dessins animés. Par exemple la mise en scène permettant de jongler entre de l’anime d’économie pour balancer le paquet dans les scènes « d’action », ou encore leur façon  très dynamique d’animer qui consiste à sur découper les scènes pour non seulement dynamiser les plans mais surtout optimiser l’animation.

Il y a aussi leur manière d’appréhender la couleur en ambiance plutôt qu’en simple colorisation pour rendre les plans plus crédibles. Mais en ce qui concerne l’organisation et la méthodologie de travail nous fonctionnons  différemment pour justement utiliser davantage les nouvelles compétences de nos animateurs et les outils techniques permettant d’optimiser l’ensemble de notre travail.

 

 

3DVF : Que penses tu des évolutions des logiciels de création ces dernières années ?

 

C’est assez impressionnant. En fait, la technologie avance bien plus vite que sont application concrète dans les productions. Mais je pense que cet afflux de logiciel fait également peur et je crois que cette peur est injustifiée. Je suis toujours effaré par exemple par ce combat stupide entre la 3D et la 2D. Pour moi le salut de l’animation va passer par la mixité des techniques. Nous oublions que les outils pour l’animation sont un peu comme la palette de couleurs d’un artiste peintre : plus nous avons de couleurs, plus nous pouvons en mélanger et au final trouver les meilleurs tons qui se rapprochent de ce que nous avons imaginé.

Pour moi chaque plan serait sujet à un choix technique, tout l’art consiste à les harmoniser. Pour revenir aux logiciels en eux-mêmes, je pense que les éditeurs ont pris réellement conscience de l’importance de collaborer avec les artistes pour trouver les meilleures solutions en terme d’ergonomie et d’intuitivité d’utilisation. Je suis certain que cela va être de plus en plus le cas ; il faut donc entretenir le point certainement le plus important d’une entreprise et qui est paradoxalement souvent le plus délaissé : la veille technologique.

 

 

 

3DVF : Comment vois-tu évoluer le marché de l’animation européene, je pense nottement à la pologne ou la russie, et quelle synergie sont/seraient possible selon toi avec des pays frontaliers autres que Belgique et Luxembourg ?

 

Pour dire vrai je ne suis pas très callé sur ce cinéma, mais il va de soit que l’Europe a un très grand vivier d’artistes caractérisés par une multitude de cultures donnant naissance à beaucoup de diversité et de talents. Ce que j’aime dans cette diversité c’est justement la complémentarité qu’elle peut apporter. Je crois que nous avons intérêt à nous ouvrir pour créer cette synergie dont tu parles. De toute façon si nous voulons avoir un cinéma fort, nous devrons passer par l’Europe.

Dans un contexte économique mondial, nous devons arrêter de penser nationalement, en tous cas économiquement, et la seule façon d’avoir du poids dans ce contexte c’est cette synergie. Et ne faisons pas l’erreur de croire que ces pays en ont plus besoin que nous, l’arrogance ne sert qu’à tomber quand on est en haut, et quand on est déjà en bas, elle s’assure que nous ne remonterons jamais.

 

3DVF : Comment vois-tu évoluer le marché de la production francophone ces derniers années ?

 

RV : Je dois dire que je ne sais plus très bien comment le prendre. Il y a incontestablement une envie de changement, mais concrètement, nous restons dans un système qui à défaut de marcher à l’avantage de tenir. Je pense que c’est la peur de l’échec qui nous fait garder ce schéma.Honnêtement, avons-nous vu ces dernières années beaucoup de film Français sortant de l’ordinaire ?

Comme le cinéma Coréen avec l’émergence de nouveaux jeunes réalisateurs, le cinéma américain avec cette vague de film sur les comics et les films d’horreur, le cinéma anglais… Je pense que nous sommes frileux nous voulons faire des cartons tenter des trucs comme on dit mais sans jamais vraiment s’en donner les moyens.

Evidemment c’est facile pour moi de dire ça dans ma position mais franchement à l’heure où l’on nous parle d’innovations, de la nécessité pour notre pays de capitaliser sur nos chercheurs, la vérité c’est que nous ne nous en donnons pas les moyens.

 

 

 

 

 

Je peux en parler car aujourd’hui bien que Citeria soit produit et soutenu par des organismes privés, bien qu’il a pour volonté de se fabriquer en totalité en France (je dis bien en totalité car bien des gens le prétende mais la vérité est ailleurs !!), bien que les technologies mises en place pour le faire aient été validées par des professionnels qui ont l’habitude de gérer des flux de production, aucun organisme public ne finance ce projet.

C’est risqué vous comprenez!! Evidemment que c’est risqué, mais par définition plus un projet est risqué plus il est innovant. Quelle ne fut pas ma surprise quand on m’a demandé de revoir les techniques de production pour qu’elles puissent rentrer dans les cases prédéfinies du dossier des nouvelles technologies… En gros moi je sais faire des patates mais cette année c’est les carottes, désolé.   On m’a certifié aussi que l’on ne peut pas utiliser flash au cinéma. Ce qui est étrange c’est que le film d’ouverture du festival d’Annecy a été justement fait avec flash en 35 mm mais bon puisqu’ils le disent.

 

 

Mais étant optimiste de nature je voudrais finir par une touche d’optimisme comme cette nouvelle vague de producteur qui ose, je pense a Renaissance par exemple. En tous cas, une chose est sûre, si nous voulons innover et faire naître un nouveau cinéma chez nous plutôt qu’ailleurs il nous faut tenter, parier, essayer, sur des projets différents ou oser quitte à se tromper. Mais si ça marche, alors là, le succès sera incontestable, en d’autres termes vous ne suivez plus la vague vous êtes la vague ça change tout. De toute façon c’est ça ou un immobilisme qui finira de toute façon par nous tuer.

 

 

 

3DVF : Hervé, merci de nous avoir présenté Citéria et d’avoir partagé ta vision de l’industrie de l’animation. En te souhaitant beaucoup de bonne choses et on espére te retrouver bientôt pour suivre les avancé du projet !

 

 

 

3dvf.com 
Réalisation : Jean-Michel Blottière
Claudio Callego – Justine Roux



 

 

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