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Interview : Les As de la Jungle

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En compagnie de TAT Productions, nous revenons sur la genèse de la série Les As de la Jungle – En Direct, diffusée depuis le 23 novembre sur France 3, et qui va donner lieu à un unitaire de 52 minutes diffusé en prime-time le soir du 31 décembre, vers 20h35 sur France 3.

Avec le studio, nous revenons sur les différents choix techniques et artistiques, l’implication des autres partenaires, mais aussi sur les futurs projets du studio.

Pour commencer, voici un aperçu de la série au travers de deux épisodes :

 

 

3DVF : Bonjour, depuis le 23 octobre, votre projet de série jeunesse « Les As de la jungle – en direct » est diffusé sur France 3, du lundi au vendredi à 10h05 et le dimanche à 8h30. La diffusion se fait par épisodes d’une minute 30.
Comment est né ce projet ?

TAT : Il faut revenir en 2008, alors que nous venions de terminer notre premier projet pour France 3 : « Spike », spécial TV de Noël de 35 minutes et mini-série de 24 épisodes d’1 minute. Le diffuseur étant très content des résultats de cette première collaboration, nous avons été rapidement invités à développer un nouveau projet de série courte. Après plusieurs brainstormings en interne (entre les 3 associés/fondateurs de TAT), nous avons décidé de nous lancer sur une série mettant en scène des animaux.

Notre style étant avant tout basé sur les personnages, c’est sur eux que nous avons commencé à travailler. Le concept était très simple : tous nos animaux devaient être un peu timbrés… trouble de l’identité, paranoïa aiguë, tocs, peur du noir, etc. Nous avions au départ prévu de situer l’action dans la savane, mais nous avons finalement décidé de transposer l’action dans la jungle : un cauchemar pour l’équipe technique, mais au final une énorme plus-value pour le projet… Dès que le concept a été validé par France Télévisions, nous avons attaqué la réalisation d’un pilote qui a posé les bases artistiques du projet, aussi bien en termes visuels que d’écriture. Vu l’enthousiasme suscité par le pilote, nous avons proposé à la chaîne et à nos partenaires de développer, en parallèle de la série courte, un spécial d’une durée de 52 minutes, soit, à notre échelle, quasiment un long-métrage. Tout le monde a accepté l’idée sans hésiter.

 

As de la Jungle

 

Captures d’écran d’épisodes de la  série – images TAT productions – Master Films – Vanilla Seed / 2011

 

 

3DVF : Quel cahier des charges, quelles contraintes de production aviez-vous ?

TAT : La demande de France 3 était claire : créer une série humoristique basée sur des personnages forts et attachants, à destination d’un public familial. Comme ça correspond exactement à ce que nous aimons et savons faire, on ne pouvait pas réellement parler de cahier des charges très contraignant, du moins en terme de concept. L’écriture des épisodes a été plus difficile, car il fallait réussir à concevoir des épisodes d’1’30. C’est une durée un peu « bâtarde », car c’est trop long pour ne se baser que sur un ou deux gags, mais c’est trop court pour développer un vrai récit. Au final, on était quand même obligé de raconter chaque fois une mini-histoire, avec début, milieu et chute finale… En termes de réalisation, le concept est un peu particulier, puisque les épisodes sont « filmés » par un reporter, donc constitués par des plans séquences caméra à l’épaule.

Cela implique des contraintes de narration : par exemple, pour mettre en valeur un détail, on doit zoomer en temps réel dessus, puis dézoomer pour revenir à l’action principale, on ne peut pas faire un simple insert en gros plan comme dans un découpage classique. Il fallait anticiper à l’écriture cette façon de mettre l’action en images. Pour les animateurs, ça représentait un vrai challenge puisqu’ils se retrouvaient à animer des plans allant de 30 secondes à 1 minute 20, alors qu’en série les plans durent habituellement entre 2 et 5 secondes. Pour le rendu, la caméra étant continuellement en mouvement, on ne pouvait pas rendre le décor une seule fois puis poser les persos animés dessus en compositing comme on peut le faire pour les plans fixes. Ici, il fallait rendre chaque frame de décor, et ce n’était pas particulièrement rapide…

Pour finir sur la question des contraintes, la plus forte était celle que nous nous étions imposée nous même : maintenir voire dépasser la qualité technique du pilote sur l’ensemble de la saison.

Ci-dessous, Character Design des personnages de la série. Images TAT productions – Master Films – Vanilla Seed / 2011

 

Chara Design

 

3DVF : Les épisodes sont écrits et réalisés par David Alaux et Eric Tosti, coécrits par Jean-François Tosti. Quelle était votre liberté d’écriture et de réalisation, compte tenu des nombreux partenaires impliqués ?

TAT : Nous n’avons pas eu de contraintes réelles. Notre style étant par nature plutôt soft et familial, il arrive rarement que nous écrivions des choses que la chaîne désapprouve ou qui fassent frissonner nos autres partenaires.
Nous ne pratiquons pas d’auto-censure non plus, je crois que nous avons la chance d’avoir une écriture qui correspond naturellement plutôt bien à la demande actuelle des diffuseurs. Bon, il faut quand même avouer que nous refrénons parfois un peu notre tendance à l’humour scato, mais cela n’engendre pas d’insupportable frustration. Il est cependant arrivé 2 ou 3 fois que France 3 refuse des scénarios, mais c’est tout simplement parce qu’ils étaient mauvais !

3DVF : Comment avez-vous défini précisément l’univers visuel de la série, qu’il s’agisse du character design ou des décors ? Quelles étaient vos références ou inspirations ?

TAT : Concernant les personnages, nous sommes restés sur nos principes habituels : des formes générales extrêmement épurées, le corps d’un perso (tête comprise) devant pouvoir entrer dans une forme basique, un ovale ou un obus par exemple…

La plupart du temps nos persos n’ont donc pas de vrai cou, ce qui donne bien sûr du fil à retordre aux setupers et aux animateurs. On travaille également beaucoup sur les yeux, qui doivent être très expressifs, et on a d’ailleurs mis en place pour ce projet un système d’animation de paupières assez poussé. Cette simplicité du trait était appelée à être contrebalancée par la richesse des textures, des poils, du rendu. C’était un vrai postulat de départ. La création d’un personnage commence en général par un vague croquis d’Eric ou David, les réalisateurs, qui sont loin d’être les meilleurs dessinateurs du monde, puis le design est « cleané » et affiné par un graphiste, toujours sous la supervision des réalisateurs. Le design évolue encore, parfois beaucoup, quand on passe à la modélisation.

Pour les décors, on s’est beaucoup inspiré de la nature… On voulait avoir la jungle la plus réaliste possible, dans la limite de nos moyens bien sûr. Benoît Daffis, graphiste avec qui nous travaillons depuis plusieurs années, a créé une bibliothèque d’une cinquantaine d’arbres et de plantes en les stylisant d’après photos choisies ensemble. Puis, Laurent Houis a réalisé des artworks des décors en mélangeant les éléments de cette bibliothèque et en se basant sur des photos de paysages de jungle, sans référence géographique imposée. Notre jungle est donc un mélange de différentes jungles, aussi bien amazonienne qu’asiatique. Nous avons privilégié la cohérence artistique  par rapport à la cohérence scientifique.

 

Ci-dessous, artworks issus de la préproduction, pour le design des décors.
Images TAT productions – Master Films – Vanilla Seed / 2011

 

Décors

3DVF : Sur ce type de projet, il est parfois tentant de faire appel à des sous-traitants étrangers pour diminuer les coûts. Ce n’est pas le cas ici : avez-vous envisagé cette solution ? Ou était-ce exclu du fait du soutien de France Télévision, du CNC et de la Région Midi-Pyrénées ?

TAT : Nous n’avons jamais envisagé de sous-traiter. Pour nous, le fait de tout faire en France est synonyme de contrôle artistique total, et nous tenons à le conserver sur nos productions. Pour l’instant nous avons eu la chance de ne pas avoir besoin de réduire les coûts, car nous obtenons les budgets correspondants à nos ambitions… et que nous ne cherchons pas à réaliser de marge, en tout cas pour le moment. Les partenaires que vous citez ne nous ont jamais imposé d’effectuer l’intégralité des dépenses en Région ou en France, mais le label « 100 % made in France » est un argument auquel ils sont très sensibles.

3DVF : D’autres acteurs ont été impliqués sur la production, je pense notamment à Vanilla Seed, Master Films… Pouvez-vous revenir sur la participation de ces différents partenaires ?

TAT : Master Films est une très grosse société toulousaine de films de commande et de prestation audiovisuelle (pubs, institutionnels, directs…) Elle nous accompagne depuis nos débuts et nous apporte un soutien matériel (lames de calcul, studio son, fabrication des masters…) et financier. Vanilla Seed est une société Lyonnaise spécialisée en animation, et œuvre dans la commande et la création. Son créateur, Jean-François Sarazin, nous a fait profiter de son expérience en série en nous aidant à mettre en place le pipeline de production, ainsi que le setup des personnages. Un représentant de Vanilla Seed, Romain Teyssonneyre (« pingus » sur le forum 3DVF), était aussi « délocalisé » dans notre studio et a supervisé toute la production d’un point de vue technique.

 

Ci-dessous, comparatif entre dessins de préproduction et rendus finaux, pour les décors.
Images TAT productions – Master Films – Vanilla Seed / 2011

 

Décors

3DVF : Au sein de TAT productions, combien de personnes ont participé au projet ? Avec quelle répartition des rôles ?

TAT : Trois personnes à la production : une fois son travail d’écriture terminé, Jean-François Tosti s’est totalement investi dans la production, en compagnie de Sophie Lamant, chargée de production. Devant la masse de travail, ils ont été obligés de recruter une assistante en fin de projet.  De leur côté, Eric et David se consacrent à la réalisation après l’écriture : ils travaillent tous les jours au studio, en contact permanent avec l’équipe, à toutes les phases de la production, depuis les recherches graphiques jusqu’à l’étalonnage final.
En cumulant tous les postes, plus d’une soixantaine de personnes ont été impliquées dans ce projet. Chaque étape de la production était gérée par un « département », constitué d’un chef de poste supervisant une équipe. Ce département pouvait être constitué de juste 2 ou 3 personnes jusqu’à une petite dizaine pour l’animation.

3DVF : Avez-vous une idée du temps de rendu moyen par frame ou épisode de la série ?

TAT : Au final, nous sommes en moyenne à 2 heures l’image.

3DVF : Quel a été votre pipeline logiciel ? Avez-vous effectué des choix spécifiquement pour la série ?

TAT : La série a été réalisée sous 3ds max 2010. Les rendus ont été faits avec Vray 1.5, les passes étant gérées par le Pass Manager de Vanilla Seed. Ce partenaire a également développé une interface spécifique pour l’animation. Textures sur Zbrush et Photoshop, compositing et finalisation sur After Effects. Au fur et à mesure de la production, nous avons développé des petits scripts sur Max ou After pour nous faciliter la vie…

Nous avons effectivement fait des choix pour la série : « Spike » et le pilote des « As de la jungle » avaient été rendus sous Mental Ray… nombreuses galères, notamment concernant les poils, même si nous adorons son esthétique. Le passage sous Vray a balayé la plupart de nos problèmes, le fur est devenu stable et nous avons pu enfin rendre des scènes très complexes, surtout grâce aux Vray proxys.

 


Ci-dessous, extraits de storyboard. Images TAT productions – Master Films – Vanilla Seed / 2011

 

Storyboard
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