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Critique : L’Art du game design, de Jesse Schell

Art Game Design

 

Il y a quelques mois, WonderS nous signalait sur le forum avoir participé à la traduction du livre de Jesse Schell L’Art du game design, qui arrivait donc en VF dans les librairies, édité par Pearson.

Jesse Schell, pour ceux qui ne le connaissent pas, est concepteur de jeux, mais aussi ex-président de l’IGDA, Association Internationale des Développeurs de Jeux.

Puisque le jeu vidéo rentre tout à fait dans les thématiques abordées sur 3DVF, et que certains d’entre vous sont soit game designers soit travaillent avec eux, il nous semblait intéressant de vous proposer un test de ce livre… C’est désormais chose faite !

 

L’Art du game design

De Jesse Schell
Traduit par Antony Champane (alias WonderS), avec la contribution d’Olivier Lejade et Mathieu Antoine.
Editeur : Pearson Educative France
ISBN : 978-2-7440-2431-3
Prix éditeur : 39€
Disponible notamment chez Amazon.fr.

Art Game Design

 

Le livre

Passons tout d’abord sur la forme : L’Art du game design est un pavé de 540 pages, au format 18,7x23cm, sous format broché (couverture souple). Rien à redire de ce côté-là, le grammage confortable du papier assure un bon confort de lecture (pas de pages pliées par inadvertance, comme cela peut être le cas si le papier est trop fin).

La mise en page est relativement aérée, et on appréciera la table des matières très détaillée : parfait pour ceux qui, une fois le livre fini, auront besoin de s’y replonger ponctuellement pour chercher un élément précis.

Une table des 100 objectifs proposés par le livre, une bibliographie et un index complètent l’ensemble. Tout juste pourra-t-on peut-être regretter le choix de placer les notes en fin d’ouvrage et non en bas de page, ce qui obligera à faire des allers-retours.

Globalement, rien à redire, donc. Plongeons-nous maintenant dans le contenu du livre…

 

table des matières

 

Extrait de la table des matières

Le Game Design, alchimie plutôt que science

L’Art du game design, un titre imposant de par l’imensité du sujet qu’il recouvre. Pour autant, Jesse Schell ne se voit pas en génie au savoir infini, au contraire, même : dès le début du livre, il avertit le lecteur. Pour lui, le game design est plus proche de l’alchimie que de la science, et si des « bonnes pratiques » ont été mises en place, le manque de lois physiques (pour poursuivre le parallèle avec la physique et chimie, comme il le fait lui-même) est toujours là. Schell ne prétend pas y remédier.

Ainsi, le livre n’est pas à voir comme un cours de maths ou de programmation, mais comme un état de l’art de ce qui permet d’arriver à un bon jeu, doublé d’une profonde réflexion sur le métier de game designer.

Ce que Jesse Schell cherche à nous apprendre peut en fait se résumer par le schéma donné à la fin du livre, qui rassemble l’ensemble des éléments et acteurs importants d’un jeu :

 

Game Design

Schéma final du livre l’Art du game design

 

Ces différents points, sont abordés l’un après l’autre, brique après brique, chapitre par chapitre : du concepteur lui-même au joueur final, en passant par des concepts abstraits (esthétique du jeu, mécaniques, etc) mais sans jamais oublier le concret (la nécessité, au final, de faire du profit, et l’obligation de travailler avec d’autres acteurs tels que le client ou l’éditeur, les contraintes technologiques, etc). La vision globale proposée par le schéma ci-dessus n’est donc que l’aboutissement du voyage.

En mettant l’accent sur les élements concrets et matérialistes, Jesse Schell évite tout angélisme, et compte bien faire en sorte que le game designer débutant garde les pieds sur terre.

Inversement, il sera pour cerrtains une source d’ouverture considérable sur le monde, soulignant notamment l’importance des sciences humaines dans la création des jeux : si le game designer doit penser au business, l’anthropologie est aussi un secteur qui le concerne !

Au fil des pages, et en s’appuyant régulièrement sur des exemples concrets de la culture populaire ou des jeux, Jesse Schell tisse non seulement la toile de fond du métier, mais apprend également au lecteur à tisser la sienne, lui confiant peu à peu outils et interrogations qui lui serviront à concevoir ses futures créations ludiques.

 

 

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Un livre… Oui, mais pour qui ?

Pas de secret, le livre est clairement pensé pour les game designers, dans deux catégories :

– les débutants, qui trouveront ici de quoi compléter leurs connaissances, et acquérir de solides fondamentaux ;

– les confirmés, qui passeront peut-être certains points mais qui auront néanmoins du contenu intéressant, qu’il s’agisse de structurer leur mode de travail et de pensée, d’approfondir des lacunes éventuelles ou d’ouvrir leur esprit sur des domaines qui pourraient enrichir leur vision.

Notons au passage que le livre s’inscrit dans une vision globale du game design, et ne se restreint donc absolument pas au jeu vidéo. Les créateurs de jeux non numériques sont donc tout aussi concernés.

Enfin, et si Jesse Schell ne s’adresse pas à eux, les gamers pourront tout de même y trouver leur compte, du moins une partie d’entre eux.
Si vous aimez décortiquer les jeux et leur fonctionnement, si au-delà de votre addiction pour les manettes, frags et clics de souris vous aimez vous informer et réfléchir sur le sens du jeu et l’industrie qui produit ces oeuvres, le livre pourra sans nul doute vous permettre de mieux réfléchir aux ramifications de votre passion.

 

 

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Quelques regrets ?

Evidemment, le livre ne plaira peut-être pas à tous. Jesse Schell débute son livre dans un style très personnel, n’hésitant pas par exemple à utiliser la première personne, ou à insérer de nombreuses citations. Certains seront peut-être déroutés par cette approche et le concept de livre « alchimiste » évoqué plus haut.
Qu’importe : une fois la démarche de l’auteur assimilée, les plus réticents devraient sans peine dévorer les chapitres.

Du côté de la traduction, assurée par Antony Champane alias WonderS sur le forum, avec la participation de Mathieu Anthoine et Olivier Lejade (au passage, on félicitera l’éditeur d’avoir fait appel à des game designers pour aider le traducteur), presque rien à redire. Peut-être juste un ou deux regrets :
– la traduction d’Uncanny Valley en « vallée de l’étrange », alors que l’expression est loin d’être couramment utilisée en français (du côté de Wikipédia, par exemple, Uncanny Valley a été francisé en vallée dérangeante).
Si le désir d’éviter d’utiliser trop d’expressions anglophones est louable, on aurait aimé que l’équipe de traduction garde une trace de la VO pour ce terme, par exemple entre parenthèses dans le livre, et en toutes lettres dans l’Index final.
– Le mot experience, traduit tel quel, alors que la notion anglaise ne recouvre pas toujours la même chose que le mot français. Ceci dit, il s’agit plus ici d’une remarque de puriste que d’un réel problème.

En dehors de ces détails, aucun souci à l’horizon dans la traduction.

Enfin, on regrettera l’absence dans l’édition française du jeu de cartes disponible en VO. On peut comprendre que l’éditeur puisse avoir des impératifs liés au marché francophone assez réduit, mais il est dommage d’avoir supprimé cet élément.
Les cartes en questions, ne font certes que reprendre les 100 objectifs donnés dans le livre (pas de contenu « exclusif », donc), elles n’en restaient pas moins un allié utile : plus faciles à transporter que le livre entier, on pouvait imaginer le game designer emporter le paquet ou quelques cartes en réunion comme pense-bête, ou bien en tirer certaines au hasard dans les transports en commun pour « réviser » ou bien vérifier si son prochain jeu ne mériterait pas une révision sur un point particulier…

On se consolera en allant chercher sur le site officiel l’application gratuite iPhone/Android du livre, qui propose un deck virtuel et en anglais de ces cartes, mais les possibilités sont limitées : on a simplement droit aux cartes classées par ordre de numéro, alphabétique, ou par thème. Impossible de créer une liste de favoris ou de tirer des cartes au hasard.
Mais qui sait, peut-être que les cartes auront elles aussi droit à une édition en français, si les ventes du livre le justifient…

 

iPhone

Application iPhone donnant accès aux cartes, en VO : classement standard, classement par thème et exemple d’une carte.

Bilan

Que retenir de cet ouvrage, au final ? Tout simplement que si le titre peut paraître ambitieux, il est amplement mérité. Jesse Schell dresse un portrait magistral du métier de game designer, assemblant les différents blocs de son environnement, les mille questions auxquelles il doit répondre tout au long du développement du jeu.
Son approche permettra aux débutants, confirmés mais également aux joueurs de mieux comprendre le métier et ses implications, et d’élargir leur horizon.
S’appuyant sur des exemples concrets, Jesse Schell saura sans nul doute vous faire découvrir ou approfondir un métier hors du commun. La rédaction vous recommande donc chaudement l’ouvrage.

Pour en savoir plus

– Le site officiel du livre, avec les liens vers les applications iPhone et Android

– La page du livre sur le site de l’éditeur français, avec des extraits téléchargeables, la table des matières complète et l’erratum.

Remercions pour finir l’éditeur Pearson Education France, qui nous a fait parvenir un exemplaire de l’ouvrage pour cette critique.

 

 

 

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