Interview : Mytho Logique (court ESMA)

Mytho Logique

3DVF : Comment avez-vous travaillé, que ce soit en rigging ou animation, sur des personnages pourtant assez éloignés des standards ? (Oreilles de bouc, pattes, centaures…)

Alexandre : C’est vrai que nous n’avions pas l’habitude de travailler sur de tels personnages, et de plus les références en matière d’animation 3d sont assez rares dans ce domaine. Il n’existe pas vraiment de règles sur la façon d’animer un centaure ou un satyre, nous étions assez libres sur ce point puisqu’il n’existe aucune référence réelle, il fallait juste que cela paraisse possible tout en collant au style d’animation du film. Lorsque j’animais le satyre, je l’animais le plus souvent comme un humain, il est assez facile de transcrire le mouvement des jambes humaines sur des jambes de satyre.

Guillaume : Nous avons regardé des vidéos références d’animaux, des films et dessins animés mettant en scène ces créatures, discuté avec des intervenants qui passaient à notre école, regardé un peu ce qui se faisait en 3D sur ce thème… Puis nous avons fait des tests, directement dans Maya. Assez rapidement, nous avons trouvé ce que nous cherchions. Cette partie a au final été plus facile qu’il n’y aurait paru.

Jessica : Pour le rigging j’ai essentiellement eu affaire aux humanoïdes (Zeus et Dionysos) donc j’ai surtout approfondi mes connaissances anatomiques. Pour ce qui est de l’animation, Centaurette a été un grand défi pour moi, d’autant plus que l’on découvre vite qu’il existe peu de références pour cette créature. Je me souviens particulièrement d’un plan où elle se déplace en plein pied dans le fond : j’ai d’abord animé le bas du corps et le torse en me servant de références de chevaux, puis lorsque j’ai voulu ajouter les bras, tout s’est compliqué. J’ai donc travaillé beaucoup de cycles de marche et course avec ce personnage pour essayer de trouver un mouvement naturel.

Yannick : Pour le rigging facial, on a opéré avec un système de shapes tampons, qui nous permette d’attacher n’importe quelle tête à n’importe quel corps. Une série de shapes d’expressions pour le Satyre, et un simple morphing pour les autres personnages a suffi pour avoir toute notre bibliothèque d’expressions. Le menton du Centaure, le nez de Zeus ou encore les oreilles du Bouc n’ont posé aucun problème, le maillage étant très propre. Cela nous a apporté une cohérence non négligeable au niveau des designs et fait gagner temps précieux. Le tableau de shapes terminé, il a suffi de le connecter à tous les personnages en même temps, et l’on pouvait le mettre facilement à jour si l’on avait besoin de shapes correctifs. La Satyrette a été faite en 1 seconde, elle est une simple shape entre le Satyre, et sa nymphe.

 




Making-of vidéo du film.

3DVF : Pouvez-vous également nous parler un peu des effets dynamiques tels que mouvement des cheveux et des pétales ?

Guillaume : Ces parties sont gérées dynamiquement via des hairsystems, dans Maya. Les modés de cheveux et pétales sont skinnées sur des bones, qui sont eux connectés à des courbes gérées par hairsystems.

La mise en place de ces chaînes de bones dynamiques a pu être faite assez rapidement grâce aux bonus tools de Maya 2010, sur lequel nous avons fait le film. Bien sûr, il est possible de faire ces bones dynamiques à la main, mais disons que les bonus tools offraient un script permettant très simplement de les créer – je l’ai donc utilisé.

Alexandre : Cela nous a fait gagner du temps en animation, tout ce que nous pouvions rendre dynamique était dynamique, jusqu’aux oreilles du satyre !

Ci-dessous : recherches pour le set-design.

Set Design

3DVF : Avez-vous eu un problème particulier en cours de production, qui vous a fait passer quelques nuits blanches ? Si oui, lequel ? Et comment avez-vous résolu le problème ?

Alexandre : Je ne dirai pas que ça été un problème, mais j’ai quand même fait 2 ou 3 nuits blanches, a chaque fois avant une projection ou un événement, il ne fallait surtout pas rater un test de projection, et une laborieuse mise en place était nécessaire à la fabrication du fichier DCP (fichier lu par la plus part des projecteurs cinéma) il fallait faire beaucoup de tests de colorimétrie, cela prenait du temps, plus de temps que prévu, jusqu’au matin ;p   Nous avons fait une autre nuit blanche avant le festival d’Annecy pour monter un teaser et nos démos.
Les nuits blanches restent quand même à éviter à tout prix ! 

Guillaume : Nous sommes assez contents sur ce point, car nous n’avons fait que 2 nuits blanches.
La première fut juste avant de partir au festival d’Annecy 2010, car nous terminions de mettre en place notre demoreel « work in progress », que nous voulions montrer à quelques professionnels à Annecy.

La deuxième fut la nuit où nous avons fini le film, une semaine avant le jury de fin d’études. Il ne nous restait plus grand-chose à faire, et galvanisés par la fin proche, nous avons décidé de ne rentrer dormir que lorsque le montage serait définitivement bouclé !

Jessica : J’ai eu affaire à un problème de rigging sur les bras de Zeus dû à sa morphologie très carrée qui a posé des soucis dans la phase d’animation. Zeus avait servi de test pour le muscle très tôt dans la production et il a fallu revoir le rig sans toucher à son skinning. Malheureusement cela a fait perdre beaucoup de temps et une bonne partie des animations avec ce personnage ont dû être recommencées.

Yannick : Je ne rappelle d’aucun problème majeur… Mais des nuits blanches, ça oui ! On avait les clés de notre école, et en ce qui me concerne, mon appartement était à 10 metres. Une fois que j’avais lancé des rendus sur une dizaine de pc, je rentrais à l’heure qu’il était. Mais on est resté organisé jusqu’à la fin.

 

Chara Design

3DVF : Le court a été réalisé en relief ; pourquoi ce choix ? Quel a été l’impact de cette technique sur votre workflow et vos choix de réalisation ?

Guillaume : Nous n’avons pas choisi de faire le film en relief, cela nous l’a été imposé par l’école, car nous avions un film traitant de point de vue et cela semblait le plus logique… Un film en relief, c’était une première à l’ESMA, et nous avons accepté de relever le challenge.
Côté réalisation/cadrages/etc, ça ne nous a pas vraiment perturbés, contrairement à ce qu’on avait pu nous dire, sur les écueils à éviter. Au final, nous avions surtout peur des temps de rendu, puisque nous avions à chaque frame 2 images à rendre au lieu d’une ! Sans compter qu’il allait y avoir plusieurs passes par frame, etc. En compositing c’était aussi problématique : certaines « triches » 2D n’étaient plus aussi aisées, et du coup nous avons opté pour des scènes 3D dans lesquelles TOUT était présent – il fallait vraiment éviter d’avoir à rajouter beaucoup de choses en post-prod. Notre film est donc très très proche des rendus bruts en sortie de Maya ; nous avons juste rajouté du motion blur, utilisé quelques corrections colorimétriques, et intégré fumée et/ou herbe au sol, sur les plans qui le nécessitaient.

Alexandre : C’est un choix de l’école qui voulait avoir l’expérience du relief, l’idée ne nous a pas dérangés et nous avons pris cela comme un challenge, cependant, n’ayant à l’époque aucune connaissance dans ce domaine, notre groupe ainsi que les professeurs ont dû se renseigner sur le sujet.

Nous avons aussi eu des intervenants spécialistes du relief. Nous pensions que le relief nous obligerait à tout modéliser, mais finalement nous avons utilisé beaucoup de matte paintings, et le workflow du film a été quasiment le même qu’un film 2D. Je dirais que le point faible a été le temps de rendu double, mais aussi le temps passé à préparer/rechercher des informations sur ce sujet, que nous aurions pu mettre autre part si nous faisions le film en 2d. Cela reste une expérience intéressante, mais qui ne nous servira pas pour certains.

Jessica : Notre professeur de scénario nous a encouragés à utiliser le relief dès l’écriture et de ne pas en faire un effet de foire, et je lui en suis reconnaissante parce que ça nous a ouvert plein de possibilités. Ça nous a poussés dans la direction des points de vue, l’ultime point de vue étant symbolisé par celui du spectateur qui regarde le film dans la salle de cinéma ou devant son écran (relief ou non). Dès le début avec les nuages on a pu jouer sur la profondeur et l’angle qui font qu’on ne voit le Pégase que lorsqu’on rejoint les deux personnages installés en spectateurs. Bien sûr il y a les inconvénients techniques, comme le fait de ne pas pouvoir compter trop sur les matte paintings. Il a fallu prendre en main la double caméra, modéliser beaucoup plus d’éléments, moins compter sur le compositing pour certains effets, etc. Nous étions les premiers de l’école à faire un film en 3D stéréoscopique alors au début il faut avouer qu’on était un peu inquiets, mais finalement ça s’est très bien passé.

 

Mytho Logique

 

3DVF : Sur le plan logiciel, quels outils avez-vous employés ? Avez-vous utilisé des plug-ins particuliers ? Lesquels, et pourquoi ?

Toute la 3D a été faite sur Maya 2010. En terme de plug-ins, nous avons utilisé les bonus tools (notamment pour les bones dynamiques, comme je le mentionnais plus haut), mais aussi des petits outils comme abSymMesh, qui est très pratique pour la modélisation de blendshapes, notamment.

Précisons que nous avons dû utiliser une carte graphique Nvidia Quadro, pour afficher la 3D en actif, à différents moments de la production, pour contrôler le rendu relief, notamment pendant le compositing. Le relief a été réglé pendant la phase de layout et l’animation, mais par le biais de lunettes anaglyphes (rouge et bleu) ; il nous a donc fallu des écrans spéciaux et une config légèrement différent pour afficher de la 3D active et voir le rendu en couleur…

Le compositing a été réalisé sur Fusion 6, et nous avons pu utiliser les tools GenArts Sapphire ainsi que le ReelSmart motion blur.

Le montage a été réalisé sous Adobe Premiere Pro, qui est un bon logiciel de montage pour qui travaille sur Windows !

L’édition audio et le montage son ont été réalisés avec José Vicente et Yoann « Côte » Poncet du Studio des Aviateurs, sous le logiciel Motu Digital Performer. Je tiens à les saluer particulièrement pour leur travail à nos côtés ; ils sont non seulement très efficaces, trouvent rapidement des solutions à nos attentes, mais en plus sont d’une gentillesse rare ! On se sent vraiment à l’aise lors des sessions studio. Un vrai plaisir de travailler avec José et Yoann.

 

Mytho Logique

3DVF : Quelle partie du court vous rend le plus fier ?

Guillaume : En ce qui me concerne, ce qui me rend fier à propos de « Mytho Logique », c’est d’avoir pu aller jusqu’au bout de la réalisation d’une œuvre artistique dans ce média qui m’a toujours plu, le cinéma d’animation, depuis tout petit… Avoir pu participer à tous les niveaux de la production, me retrouver dans tous les différents aspects du film… Et avoir ressenti l’impact du film – incroyablement positif – sur les spectateurs le jour de la projection au cinéma, pour le jury de fin d’études ! Une fois le film fini, j’ai mis une bonne semaine pour encaisser le coup… et j’ai eu l’impression d’avoir passé un petit palier dans ma vie artistique – je souhaite à tout le monde de ressentir ça un jour, c’est vraiment très motivant pour la suite !

Alexandre : Le personnage Dionysos ! (il nous aura fait beaucoup rire durant cette année ;p)

Jessica : C’est un choix assez difficile, mais ma grande satisfaction est de mettre en comparaison les différents scripts avec les rendus Maya et de voir qu’on a réussi à tenir le fil jusqu’au bout. J’apprécie énormément le travail qui a été fourni par le compositeur et les voix de notre court, c’est tellement plus sympa d’animer quand on a du son de qualité.

Yannick : La partie ou le public le découvre le film, et rit en voyant notre travail ! Mais je suis plutôt content de l’optimisation que la prod a eue. Mais s’il faut donner une partie précise du court, je dirais la séquence « suspense » juste avant que le Satyre ne mente… :]

3DVF : Inversement, avez-vous, avec le recul, des regrets sur certains points du court ? Qu’auriez-vous changé, en ayant plus de temps ?

Guillaume : J’aurai adoré développer davantage le style graphique du film, et son rendu en 3D… Mais il aurait fallu bien 2 mois de plus, beaucoup de peintures digitales, encore plus de croquis et de tests en 3D pour faire ça bien !
 
Alexandre : Si j’avais eu du temps en plus, ça aurait été sur l’animation, ce qui me tient le plus à coeur. (et principalement sur les actings/labiales où je trouve qu’on pouvait faire mieux)

Jessica : Je pense qu’avec plus de temps j’aurais refait de l’animation. Lorsque sont survenus les problèmes techniques qui nous ont fait recommencer des animations il était prévu que je passe aux FX et j’ai du sacrifier beaucoup de plans avec Zeus à mes collègues qui étaient encore en train d’animer. On approchait de la fin et le film doit passer avant toute chose. Je pense que c’est mon principal regret, mais le résultat final en valait la peine.

Yannick : J’aurais voulu qu’on passe plus de temps sur la deuxième vision floue de Dionysos, lorsqu’il est censé voir Pégase… Que voit-il vraiment ? C’est un peu flou pour tout le monde :p

 

Mytho Logique

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