Pascal Raimbault, Modeleur Senior chez WetaDigital

3DVF :
Peux tu nous détailler le processus de création de ta composition Creature ?

Pascal :
J’ai commencé par un sketch en 2d. Puis création de la cage dans maya. Bodypaint et Photoshop pour les textures, et Renderman for Maya pour le rendu. J’ai utilisé de l’occlusion combinée à du HDRI pour l’éclairage de base. Puis J’ai ajouté deux spotlights pour avoir des spéculaires un peu plus spécifiques. J’aime beaucoup l’intégration des shaders maya dans renderman, même si les layered textures et layered shaders ont quand même bien ralenti mes rendus (contrairement à Mtor).
J’ai également calculé une passe de subsurface scattering avec RFM.
Je compte bien finir cette illustration dont voici le concept 2d.

Je souhaiterais montrer une prison un peu spéciale. Les prisonniers se font décapiter, leur tête est ensuite connectée à une espèce de parasite technoïde qui les maintient en vie.
Chaque détenu est suspendu, ce qui donne un aspect toile d’araignée a la prison. Je verrais bien des araignées techno qui se baladent de détenu en détenu pour les surveiller.
Leurs corps sont réutilisés sous leurs yeux pour créer une créature géante dont l’utilité reste encore à déterminer…
Je sais c’est glauque 🙂

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3DVF : Quelle sont les étapes les plus complexes à tes yeux ?

Pascal : Le design, c’est probablement ce qui nécessite le plus d’efforts je pense. Je suis toujours admiratif des gens dont le métier est de designer des univers entiers. Ryan Church, Carlos Huante, Feng Zhu et tant d’autres font un travail remarquable dans le sens où toutes les étapes de fabrication se réfèreront à leurs designs, aux idées qu’ils ont apportées au départ. Un design bien réfléchi fait gagner beaucoup de temps sur toutes les autres étapes de fabrication. J’imagine que ça doit être frustrant de faire 50 designs papier ou sculptures différentes et que seulement 1 ou 2 soit retenu par le réalisateur ! Le workshop de Weta est un peu le musée des designs retenus et rejetés ici, et une véritable caverne d’Ali baba 🙂
Ensuite, je dirais que toutes les étapes de fabrication d’une créature ou environnement en 3d demandent beaucoup d’efforts. Chacune a son importance et ses difficultés. La technique se fond très souvent avec l’artistique dans le processus. Les artistes (dans n’importe quel département) avec qui j’ai eu la chance de travailler à Weta, sont aussi des techniciens très pointus dans leur domaine respectif.

 


 

3DVF : D’autre projet personnel en vue ?

Pascal :Je travaille en ce moment sur le design de mon prochain model, une créature aquatique dont voici un WIP (très WIP).
Un autre WIP d’un environnement 2d base sur la « rock part » d’Heart of Darkness. Quelques designs wip en vrac de sales bestioles.
Et je compte bien (un jour) monter un dossier pour un court métrage que j’avais commencé il y a quelques années.
Enfin tout cela malheureusement prend énormément de temps et vu que mes journées sont déjà plutôt bien remplies… il faut vraiment que j’arrête de dormir, quelle perte de temps!

 

 

 

 

3DVF : Peut tu nous parler de ton point de vue face aux évolutions des logiciels de création graphiques ?

 

 

Pascal :


Ce que j’apprécie beaucoup, c’est le côté intuitif des logiciels qui est privilégié de plus en plus je trouve.

Je ne peux malheureusement parler que des logiciels que je connais… Par exemple chaque nouvelle version de Maya me simplifie la vie, notamment en termes de modelling et UVs, même si beaucoup d’obstacles sont aussi contournables par le MEL script.


Renderman for Maya est certainement la passerelle Renderman la plus conviviale que j’ai pu tester sur Maya. Et Painter est probablement un des logiciels de peinture les plus intuitifs sur le marché. Bon nombre de peintres traditionnels sont passé au digital grâce à cet outil.


Ces logiciels touchent un public de plus en plus large et variés, ce qui rend la concurrence plus rude 😉 mais enrichit certainement le monde de la création graphique.


Après il faut aussi faire attention à ne pas trop brider les logiciels en voulant les rendre trop conviviaux. …

 

 

3DVF : Rêves tu d’un outils particulier qui révolutionnerais ton processus de création ou simplement ta méthode de travail ?

Pascal : Je dirais peut être un outil qui engloberait les premières étapes de création 2d/3d. Pouvoir dessiner son design, puis construire une première version du model dans la foulée, peut-être en voxel. J’aime l’idée de créer un model sans se préoccuper du maillage ou des UVs dans un premier temps. Une fois le model détaillé, on passerait a la texture sur la haute res (à la Zbrush). On aboutirait à un model haute très fidèle au design de base (voir mieux), et duquel on extrairait un model basse définition (avec un système de réglage de densité du maillage intuitif), ainsi que les maps de displace, couleur, spécu, etc. Je déteste dépendre des UVs quand je peins mes maps .
Après on peut rêver d’un système de preview temps réel du shader final avec effets pseudo raytrace, occlusion, HDRI, subsurface, reflection, etc. pour avoir un feedback instantané sur les maps que l’on peint. On ajoute une passerelle transparente avec le moteur de rendu qu’on désire utiliser et hop ! 🙂
Le graphiste qui peint le displacement sur son model est à mon avis de plus en plus proche de celui qui peint les textures. Les deux disciplines se rapprochent beaucoup l’une de l’autre. J’avais beaucoup aimé le travail des graphistes de Luma picture sur Underworld Evolution, qui faisaient le modeling et les textures en même temps.

 

 

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3DVF : Tu aurais des conseils pour les jeunes infographistes qui souhaitent se spécialiser dans le modeling ?

Pascal : Une bonne formation artistique n’est jamais perdue. La sculpture traditionnelle, le dessin aident sans aucun doute à ne pas faire certaines grosses erreurs quand on commence la modélisation 3d. Plus on est familier avec les techniques du design et plus on est a même d’apporter des idées intéressantes à son model. On peut alors enrichir le design de base plutôt que de le retranscrire froidement.
Je trouve que le métier de modeleur n’est plus si spécifique aujourd’hui et je trouve ça génial. Il ne s’agit plus seulement de tirer des points et couper des edges.
En ce moment je travaille sur une créature dont j’ai construit le model (organique et rigide) en gardant à l’esprit le design original 2d, les contraintes de la texture et du rigging, puis les maps de displacement, puis la fourrure en relation étroite avec les gens du shading, pour enchaîner avec les blendshapes en travaillant avec les animateurs.
Il me semble que le métier de modeleur est très complet puisqu’il nécessite une connaissance des exigences techniques des autres départements, et aussi une compréhension artistique des designs qu’on nous soumet.
Un bien beau métier quoi !

 

 

 

 

3DVF : Pour finir, un petit mot pour les artistes numériques français et nos lecteurs ?

Pascal : Continuez de partager vos images et vos connaissances sur le web, 3DVF est certainement l’endroit idéal pour ça! Je souhaite de tout coeur que de nouveaux projets d’animation 3d se lancent en France et que leur développement soit facilité même si leur contenu est ambitieux. Dream BIG!
Merci à toute l’équipe 3DVF de m’avoir accordé cette interview.

 

 


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