Compte-rendu de ParisFx 2010

 

Third Floor : The Past, Present & Future of Previsualization

Présentation de Chris Edwards, CEO et creative director de Third Floor

Pour ceux qui ne le connaissent pas, The Third Floor est un studio spécialisé dans la previz, qu’il s’agisse de longs-métrages ou de cinématiques de jeu vidéo.

La conférence a débuté par un rappel des origines de la société, qui est en fait issue… De George Lucas : Sur des projets comme la refonte des VFX de THX 1138 ou pour Starwars Épisode I, le besoin en previz s’est fait sentir. C’est en fait sur Starwars Episode III : la revanche des Sith que la sauce a vraiment pris : l’équipe dédiée à la previz, montée par Lucas, finit par prendre son envol, et en 2004, The Third Floor devient une société indépendante.

Ce petit rappel de Chris Edwards ne nous dit cependant pas vraiment à quoi sert la previz, ni d’où elle vient… Et justement, la conférence aborde alors ces points.

 

 

 

 

Pour faire simple, la previz consiste à créer un aperçu du résultat final souhaité, ce qui permet :


– d’améliorer la créativité, en étudiant plusieurs options ;
– d’économiser de l’argent : en sachant précisément ce qu’on veut, on peut faire passer l’idée plus facilement aux différentes équipes, et éviter les frais inutiles/le temps perdu ;
– de rendre possibles des plans impossibles : on rejoint le point précédent ; en montrant un aperçu du résultat voulu, on peut faire passer des idées pas forcément explicables à l’oral ou l’écrit ;
– de lever des fonds : un producteur qui a une bonne idée de ce sur quoi il investit est plus enclin à dépenser quelques millions supplémentaires.

C’est aussi un outil de collaboration, exploration, planning, …

 

Starship Troopers

 

Starship Troopers, 1997 : une étape historique dans l’utilisation de la previz.

 

Starship Troopers

 

Utilisation de previz sur Starship Troopers. Source : XSIBase

 

 

Historiquement, les storyboards ou concept arts sont des précurseurs de la prévisualisation. Ces premiers outils ont par la suite évolué ou donné naissance à d’autres :


– les story reels : aussi appelés animatics, ils sont notamment employés en animation traditionnelle, une fois la bande-son terminée : on synchronise le storyboard sur la bande-son, ce qui permet de détecter les erreurs de timing ou de script et donc de corriger le storyboard ou la bande-son elle-même. Avantage, on évite de réaliser des scènes qui auraient par la suite été coupées.
– les rip-o-matics : on crée un brouillon du résultat final (par exemple un spot de pub) en assemblant des segments audio et vidéo tirés de spots/films qui n’ont rien à voir avec le projet. C’est un peu ce que les réalisateurs du court Logorama avaient prévu, en donnant sur 30 à 40% du court des références tirées de films divers et variés.

On a ensuite vu apparaître les lipstick caméras, ces caméras miniatures qui permettaient de filmer des maquettes et donc de recréer des scènes de films pour moins cher. Les spectateurs de la conférence ont eu droit à un extrait hilarant de previz pour Le Retour du Jedi : la scène de la poursuite en moto volante a été préparée à l’avance avec ce type de caméra, et on voit donc des membres de l’équipe jouer la scène avec des jouets et des bruitages… Hilarant !

C’est en 1986 que l’on pourra vraiment parler de prévisualisation, avec le film The Boy Who Could Fly.
La prévisualisation prend tout son sens : itérations successives, modifications, vérification de l’échelle… Évidemment, à l’époque, ce sont des graphismes vectoriels qui seront utilisés.

Une nouvelle étape arrive en 93 avec Striking Distance (pour une course-poursuite en voiture), puis en 95 avec Judge Dredd (séquence de vol : previz en animation et vectoriel).

En 97, Starship Troopers utilisera aussi la previz, avec cette fois l’arrivée de la gestion du mouvement de la caméra.

On arrive finalement à l’aube de la nouvelle trilogie Starwars : l’Episode I de 99 marque un tournant avec la création en previz de la course de podracers.
Enfin, en 2002, l’Episode II marque l’avènement de la postviz : on combine séquences filmées et previz (par exemple pour la séquence du tapis roulant qui fabrique des droïdes). Le but, faciliter le travail des équipes VFX.

 

La previz devient un outil permettant d’optimiser la production ET la post-production, ce qui en fait un outil capital pour les films à effets spéciaux ou d’animation. Or, ces films occupent la grosse majorité du box office chaque année… L’avenir de la previz s’annonce donc radieux !

 

 

Démo rapide de previz, par Chris Edwards, CEO de The Third Floor.

 

 

La conférence a continué sur une évocation des étapes/divisons de travail que l’on retrouve lors de la production d’un film faisant usage de VFX, voire un film d’animation, et sur la façon dont la previz peut intervenir à différentes étapes.

– 3D assets building : on crée les élements 3D nécessaires pour la scène
– rough blocking : il s’agit ici de créer un brouillon de l’animation, avec uniquement les poses clés, afin de définir précisément le timing et le placement des personnages. La previz permet alors de jouer avec la caméra pour trouver le meilleur choix d’objectif (réel ou non), et en particulier la focale. En parallèle, on peut essayer différentes positions pour la caméra, et ainsi trouver la composition qui aura le plus d’impact.


– previz animée :
a) le jeu d’acteur dirige la caméra ;
b) on joue avec les points de vue de caméra pour avoir le meilleur impact possible de la scène, au niveau intensité/émotions ;
c) la mocap est intégrée à la scène issue du rough blocking ;
d) un système de camera virtuelle (cf Cameron sur Avatar) peut être employé.

Avoir une previz avec mocap change radicalement la façon de travailler avec le réalisateur, qui est du coup présent lors des séances de motion capture : il peut soit se déplacer dans le lieu de capture dédiée (cas de la capture optique traditionnelle, soit laisser la mocap « venir à lui », si le système employé est transportable et nécessite pas de matériel imposant ou salle spéciale (on pense par exemple ici à ce que propose XSens, avec un système de mocap entier qui tient dans une simple malette)

– previz technique : il s’agit ici de simuler la prise de vue, le but étant de savoir précisément quel matériel sera nécessaire pour le tournage : fond vert de x mètres sur x mètres, telle ou telle grue, la/les caméra(s) à prévoir. En fournissant en parallèle un diagramme résumant les besoins et leur emploi, on fournit en fait à l’équipe de tournage une liste complète de ce qui doit être prévu et pourquoi, ce qui permet d’éviter toute mauvaise surprise au moment du tournage.

– postviz : cette « prévisualisation » a lieu après la prise de vue, d’où son nom. On va compositer la previz avec les séquences tournées en live action (prises de vue réelles), pour avoir une idée de la scène finale.
L’intérêt ? Tout d’abord, on peut améliorer la séquence avant même de commencer les VFX.
C’est ce qui a été fait pour Narnia chapitre 2 : Le Prince Caspian : la postvis a servi pour l’editing (découpage et montage des prises), mais aussi pour que la scène soit validée par le réalisateur.

Autre intérêt, à ce stade on a une scène montée et une définition précise des effets visuels à apporter. Cela peut grandement aider les studios de VFX à faire des offres (financières, s’entend) au meilleur prix, plutôt que de devoir annoncer un prix à l’aveugle.

– Enfin, une dernière étape à part a été évoquée, le pitchviz : située hors de la production, elle consiste à utiliser la previz pour trouver le budget nécessaire. Il peut s’agir ici de publicité (pour remporter une campagne) ou de longs métrages, avec une bande-annonce en previz.

 

Première partie du documentaire sur la previz réalisé par la Previzualization Society

 

 

Chris Edwards a ensuite fait la synthèse des apports de la previz à toutes les étapes pour donner sa vision de l’évolution du workflow pour un long-métrage.

Alors qu’auparavant les différents départements du film communiquaient directement entre eux, pour lui l’avenir consiste à avoir la previz en tant que hub central, faisant le lien entre toutes les équipes ou entités, à toutes les étapes.

Cette nouvelle vision de l’organisation donne, pour Chris Edwards, une vision de la tendance future pour le workflow : les frontières entre étapes vont se brouiller, les étapes vont fusionner entre elles et donner une « virtual production » à la manière de ce qui a pu être fait pour avatar, avec une utilisation massive de la previz du développement du projet à la postproduction.
Contrairement à ce qui a pu se faire par le passé, le process de création devient donc non linéaire.

À moyen terme (10 ans ou plus), il entrevoit également un autre changement, l’arrivée du rendu CG final en temps réel, ce qui bouleversera évidemment encore un peu plus les choses.

 

En conclusion, Edwards insiste sur le fait que pour lui, la previz est utile y compris sur des projets à faible budget, donnant en exemple les films étudiants. La previz a sa place partout, du cinéma au projet quasi amateur, en passant par les cinématiques de jeu vidéo. Le futur du workflow qu’il a suggéré trouve donc des applications dans tous les domaines.

Il rappelle que la previz ne sert pas que pour les VFX (on l’a vu plus haut, par exemple pour la previz technique, mais aussi dans l’historique).


Enfin, Edwards rappelle l’existence de la Previzualization Society, une association créée en 2009 et dont le but est de participer au développement de la prévisualisation dans tous les domaines. Edwards est l’un des fondateurs. Nous avions déjà évoqué cette association sur 3DVF, lorsqu’elle avait publié la première partie d’un documentaire sur la previz.
Il invite tous les participants à aller jeter un oeil au site.

Au final, une conférence assez passionnante : évidemment, Third Floor n’allait pas nous expliquer que la previz est inutile, et vouloir la placer à toutes les étapes pourrait sembler être une manière pour Edwards de « vendre » des services, mais son exposé était vraiment très convaincant, donnant une réelle vision de ce que peut apporter la previz en termes d’aide à la réalisation, pré ou post prod.

Insister sur les apports au niveau budgétaire est un argument qui fait mouche : si la previz permet de faire aussi bien (et sans doute bien mieux) tout en dépensant moins, son adoption massive ne fait aucun doute.

 

 

 

Scène de previz issue de la réalisation d’Indiana Jones 4 (scène de la zone 51)

 

Pour en savoir plus

Site officiel de MPC ; à ne pas manquer, la section VFX Breakdown, avec de nombreuses vidéos.
– Site officiel de The Third Floor  ;

 

 

– ParisFx : site officiel.

 

Chargement....

A Lire également