Rencontre avec Peter Molyneux



3DVF : Oui mais peut-être que dans une série TV, il y a des acteurs qui incarnent des archétypes permettant aux spectateurs de s’investir dans l’histoire… Est-ce que le problème ne viendrait pas du fait qu’il soit plus délicat de s’identifier à un personnage réel, plutôt que cartoon ou d’autre stéréotypes du jeu vidéo?


Peter Molyneux : Ce qui rend ces séries si fascinantes, c’est le fait qu’elles restent crédibles et intéressantes dans le monde actuel. J’ai beaucoup réfléchi à la façon dont un personnage virtuel pouvait garder cette crédibilité, et il y a une réponse potentiellement très simple : Il faudrait pouvoir continuer à développer le jeu alors même qu’il est entre les mains du joueur;… Pourquoi ne pas pas utiliser internet pour mettre à jour de nouveaux dialogues ou contenus pour les joueurs à tout instant. Ils pourraient ainsi par exemple discuter des élections en France ou n’importe quel autre sujet, et le fait de parler du monde réel et actuel pourrait rendre ces univers plus réels…. Voilà ce que j’entends par ce concept d’ « authenticité » : obtenir du sens pour le joueur, rester contemporain, tout en étant dans le jeu.

Concept Art tiré de Fable 3

3DVF : Justement, avez-vous déjà pensé à un jeu de rôle utilisant pleinement le potentiel d’internet pour impliquer davantage les joueurs dans son univers ?


Peter Molyneux : Absolument, c’est ce qu’on aime dans les jeux de rôle, ce sentiment le progression, et d’appartenance à l’univers. Le fait que l’on puisse développer son personnage, devenir plus puissant, et prendre les décisions que l’on juge en accord avec son avatar. Il s’agit d’une mécanique de jeu fantastique. J’apprécie également l’accessibilité que l’on retrouve dans les jeux sociaux. J’aime beaucoup l’idée de n’être qu’à un clic d’une interaction avec le monde, et surtout, ne pas avoir besoin d’être un expert pour jouer. Je crois profondément que si vous mettez ensemble ces deux idées, tout en gardant à l’esprit qu’il y a des centaines de millions de personnes en train de jouer à deux jeux à cet instant précis, alors vous réalisez qu’il y a une quantité immense d’idées intéressantes à creuser…


3DVF : Pourriez-vous nous donner votre avis sur David Cage et son  travail au studio Quantic Dream ? Ses deux derniers jeux, Fahrenheit et Heavy Rain, suivent justement un modèle très intéressant dans cette perspective, et tant pour le sentiment immersif final, que pour leur modèle de production…


Peter Molyneux : J’ai eu l’occasion de visiter son studio et j’ai été très impressionné par la façon dont il organise ses projets, et par son ambition d’une manière générale. Il y a deux choses que j’ai beaucoup apprécié dans ses jeux : tout d’abord, la profondeur émotionnelle dans laquelle il emmène le joueur. J’ai aussi aimé, et je ne pense pas qu’on le fasse suffisamment, la simplicité des mécanismes de gameplay. Même avec une mécanique toute simple, il réussi à obtenir tout ce qu’il désire. Lorsque j’ai joué à Heavy Rain, je me suis senti profondément investi, impliqué émotionnellement, tendu même parfois, à deux doigts de tomber de ma chaise…

Et je n’étais pas en train d’appuyer sur les boutons de la manette à toute vitesse,  il a simplement réussi à créer une nouvelle façon d’interagir. Je pense qu’il y a vraiment un bel avenir pour ce qu’il fait, du storytelling ambitieux, basé sur une implication émotionnelle du joueur.

 

HeavyRain sur PS3, du studio QuanticDream

3DVF : Que pensez-vous justement de l’évolution des outils d’interactions homme-machine dans les jeux ? La Wii, ou encore Kinect, ou d’autres technologies à venir ?

Peter Molyneux : J’ai beaucoup travaillé sur Kinect. C’est vraiment fascinant de se retrouver designer pour un tel support. C’est un engin vraiment exceptionnel parce que le contrôle par le mouvement, possède clairement un avenir très prometteur. On peut ainsi créer un personnage que l’on peut vraiment rencontrer, et qui peut intéragir avec le joueur…


Un contrôleur classique, c’est très bien, en tant que designer je les adore, mais toute ma relation avec vous, le joueur, passe par les pouces ou les doigts. C’est la seule chose qu’il m’était capable de voir jusque là en tant que designer. C’est le pouce qui presse les boutons ou appuie sur les contrôles de direction, etc…

C’est la seule connexion émotionnelle que le concepteur pouvait avoir avec les joueurs jusque là. Alors que si tout à coup on a accès au visage du joueur, à ses expression corporelles, sa voix, on se retrouve avec des informations sur la personne, son apparence, la façon dont elle s’assoit ou se lève… Ce ne sont plus des pouces mais vous, en tant que personne, et c’est tout bonnement fascinant…


Il y a un super titre sur Kinect appelé Kinectimals; c’est un petit jeu tout simple avec un bébé tigre tout mignon, mais si vous regardez des enfants interagir avec ce petit tigre, il y a un lien réel qui n’aurait jamais pu exister avec une souris, des claviers ou n’importe quel autre contrôleur. Cela démontre un réel bond en avant dans le game design.





3DVF : Nous nous rencontrons aujourd’hui car vous intervenez au côté de Eric Chahi dans une table sur les synergies entre le monde du cinéma, de l’animation et des jeux vidéo Avez-vous déjà joué à Another World, le célèbre jeu créé par votre co-paneliste ?


Peter Molyneux : C’est l’un des premiers jeux que j’appellerais réellement « cinematic experience », car il y avait une vraie beauté, un mystère latent et une implication émotionnelle dans le monde qu’il a créé. Je me souviens encore des sentiment éprouvés en m’immergeant dans son univers. Ce qui était vraiment intéressant avec ce titre, c’est que le personnage ne passait pas son temps à courir partout et n’avait pas de réelle arme. C’était pacifique, tout en préservant une sensation de danger permanent. Un jeu vraiment fascinant.


3DVF : A l’époque où Eric a créé Another world, on pouvait encore avoir un designer créant un univers de jeu complet quasiment à lui tout seul, graphisme et développement inclus. Par la suite, durant les 10 ou 15 dernières années, l’industrie du jeu vidéo a dépassé Hollywood en termes de chiffre d’affaire, et plus encore. Mais on assiste cependant depuis quelques annnée à une résurgence très dynamique de la scène de développeurs indépendants. Comment voyez-vous ce phénomène ?


Peter Molyneux : Oui, j’observe la scène des développeurs indépendants avec beaucoup d’attention. C’est très sain d’avoir ces deux approches. Je suis aussi convaincu qu’un grand nombre de succès des années à venir vont venir de là et non plus des gros studios. Les studios majeurs ressemblent de plus en plus à des endroits où l’on fait des films, et les studios indépendants donnent le sentiment d’être des lieux de créativité, dans lesquels on peut avancer très vite. C’est assez fantastique de voir ces deux mondes coexister.



3DVF : C’est intéressant de voir que quelqu’un comme vous soit toujours à l’affût de ce qui se fait dans ce secteur…


Peter Molyneux : Vous savez, j’aime profondément ça. Il y a tellement de choses dans la communauté indépendante qui me rappelle mes débuts ! Je viens tout juste de rencontrer trois personnes qui viennent de créer leur société, ils doivent  justement me montrer leur jeu cet après-midi et sont cencé le sortir à la fin du mois. C’est le rêve de tout le monde, et je pense que le fait que ce soit davantage possible aujourd’hui s’avère une très bonne chose pour le futur de l’industrie du jeu vidéo. Tout change vraiment à une vitesse folle…



3DVF : Pour terminer, quels sont les 3 jeux favoris ou auxquels vous jouez encore ?


Peter Molyneux : Waow…. Je joue à beaucoup de jeux ; énormément sur iPad parce que c’est facile et accessible. Il y a beaucoup de jeux à jeter, mais aussi quelques-uns très bons. Je suis déçu qu’il n’y ait pas encore eu un jeu de bon stratégie temps réel sur ce support. Je joue également à beaucoup aux gros jeux sur console. Je viens de me plonger dans Black Ops et j’ai adoré. J’ai également vraiment apprécié Halo : Reach. Mon jeu préféré, sans doute pour moi le meilleur jeu de tous les temps, celui que j’aimerais continuer à voir vivre, c’est sans aucun doute la série Half-Life. Valve était vraiment en avance sur son temps. Half Life 2 reste l’un des meilleurs FPS ayant jamais existé. C’est l’un des seuls jeux à avoir introduit une histoire d’amour. Personne n’avait jamais réussi à le faire correctement avant. Ils l’ont fait, et c’était vraiment très, très impressionnant.


3DVF : Merci Peter pour ce rapide moment en votre compagnie. En espérant vous retrouvez prochainement pour votre prochain projet, et aborder plus en profondeur les techniques de productions et leur évolutions.


Peter Molyneux : Merci à vous et sans doute à très bientôt !


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