Simon Otto, directeur de l’animation sur le film « How to train your Dragons »
Durant le dernier festival d’Annecy, nous avons pu interviewer Simon Otto, directeur de l’animation sur le film « How to train your Dragons ». L’occasion d’évoquer ensemble son travail sur le film, les méthodes de travail utilisées, mais aussi d’évoquer les autres grands studios ou encore le public visé par les films d’animation. L’interview à été réalisée par : Thierry Noguera, Jean Christophe Rodier, Benoit Rogez. |
Pour ceux qui n’auraient pas encore vu le film. |
3DVF : Merci Simon de nous accorder cette interview pour 3DVF, revenons ensemble sur ce que tu as abordé lors de la conférence avec Kristof Serrand à propos du film « Dragons » (NDLR : Kristof Serrand, chef animateur sur le film, était responsable des personnages Stoick et Snotlout). Vous avez particulièrement insisté sur le travail porté aux références avant de commencer l’animation, on a pu voir des animateurs se filmer entre eux, est-ce que vous avez incité ces derniers à prendre des cours de théâtre pour ne pas « surjouer » et pour qu’ils puissent s’approprier au mieux les caractères du personnage ? |
Simon Otto : Eh bien non, chaque animateur a une approche différente. Il est vrai que nous les avons encouragés à se filmer pour avoir des références, avoir du jeu « d’acting », mais nous nous sommes rendu compte qu’une petite partie d’entre eux était capable d’avoir une bonne performance d’acteur.
Un bon animateur n’est pas forcement un bon acteur. Une bonne partie du travail des superviseurs, comme Kristof et moi-même, avait pour but de vérifier si les animateurs prenaient la bonne référence. On ne donne pas de cours, donc, mais il y a des discussions entre nous pour choisir de qui est bon et ce qui ne l’est pas. Il faut savoir faire des recherches pour trouver la bonne référence, notamment si vous voulez un geste très précis, on a pu ainsi mettre en place un « patchwork » de tout ce qui nous intéressait.
Personnellement, je trouve qu’il y a deux types de recherches importantes, la recherche sur le personnage et la recherche sur le plan spécifique. C’est important de bien savoir les dissocier, car ce sont deux choses différentes, pour un personnage c’est quelque chose d’abstrait car on peut récupérer des idées, des souvenirs, un peu partout dans les films, dans notre entourage, etc.
Et le film « Dragons » nous a démontré que cela a été la bonne façon de faire. Parfois on a pu nous faire la remarque que l’on faisait de la rotoscopie avec nos références. Il est vrai quand le dragon se roule dans l’herbe nous avons récupéré une vidéo d’un chat qui se roule par terre.
C’était tellement attachant que nous n’avions pas besoin de la réinterpréter pour l’animer. Mais pour le reste il faut vraiment avoir sa propre interprétation pour faire une belle animation, car c’est très rare qu’un personnage te ressemble physiquement. Ce que ne fait pas la « motion capture ». |
3DVF : Tu préfères donc l’animation traditionnelle à la « motion capture »?
Simon Otto : La « motion capture » est intéressante mais il faut l’histoire avec et je pense qu' »Avatar » y correspondait. Mais « Dragons » si tu fais ça en motion capture, tu pourrais, mais ça aurait un style différent et pour moi c’est une question de style. Le jeu de l’animateur est une « dramatisation », une caricature de la réalité, si tu donnes au public la réalité tu fais un documentaire. Le but de l’animation est de créer un monde qui n’existe pas mais de donner l’impression que ce monde existe même si tu fais quelque chose de caricaturé. C’est une question de style et d’homogénéité entre le décor, la lumière, le modeling, les textures, est-ce que tout fonctionne ensemble?… On voulait une animation stylisé mais avec un réalisme émotionnel.
C’est ridicule de voir que ce gamin va se confronter à un animal aussi dangereux, mais voila c’était notre travail de rendre ça crédible sans que le public pense que ce n’est un simple film d’animation. J’espère que dans le film le public oublie qu’il s’agit d’un film d’animation, c’est vraiment important pour moi. Je pense qu’avec le film « Dragons » on a franchi un pas dans le côté émotionnel. |
3DVF : Pour revenir à l’homogénéité, le dragon noir a une animation qui le rapproche d’une panthère alors que les autres sont plus reptiliens ; est-ce que c’était un pari risqué du fait qu’il y ait cette différence?
Simon Otto : Oui, c’était risqué et on en avait conscience. Les dragons s’identifiaient aux reptiles, avec des poils et des plumes, c’est une idée que tout le monde a eue. Mais ce qui a été difficile c’est de rendre un reptile chaleureux. Le point important dans l’histoire est qu’Hiccup devient ami avec un dragon, un ennemi. Et la scène la plus importante du film, d’un point de vue de l’émotion, est la rencontre entre les deux personnages.
De plus, il faut que le public tombe autant amoureux qu’Hiccup avec ce dragon pour que la fin de l’histoire fonctionne. Dès lors, on s’est dit qu’un côté félin, avec une inspiration japonaise, cela pouvait fonctionner et c’était une garantie pour nous. C’était plus important que l’homogénéité, on en avait conscience, on a cassé les règles de design et aussi de ce que l’on a établi c’est-à-dire que ce sont des reptiles, mais je pense que l’on a tout de même réussi la première séquence, cette rencontre avec le dragon. |
Interview de Simmon Otto. |
3DVF : Chaque dragon a son propre caractère, son propre design, une façon de réagir, de voler, ils sont vraiment tous différents, et durant la scène de l’attaque du village on y voit plusieurs dragons : Comment l’animateur arrive à gérer son animation avec ces personnalités différentes, peut-il s’y perdre?
Simon Otto : Et bien c’est un des gros problèmes dans les animations des grands studios, tu as une équipe énorme et comment peux- tu faire pour que tout le monde anime avec le même style, avec la même vision des personnages? Donc quelque chose dont je suis très fier dans ce film est que presque tous les superviseurs étaient des anciens superviseurs de la 2D. On a rétabli l’ancien système de la 2D où tu as un superviseur par personnage, et le superviseur travaillait avec son équipe quasiment tout le temps sur ce personnage.
C’est comme ça que l’on a réussi à avoir une homogénéité avec ces derniers. Certes on avait la recherche au début, notre idée était très claire entre ce qu’il fallait faire et ne pas faire, et par la suite on a mis les gens selon leur talent sur ces personnages. Il y a très peu d’animateurs qui ont animé plus de trois personnages. Sur cette scène donc tu avais plusieurs animateurs mais c’était vraiment très rare que cela soit le cas.
Mon travail était de prendre les séquences les unes après les autres et de faire un codage, une « color coding », c’est-à-dire que je déterminais quel était le personnage principal de la scène et quel superviseur devait le travailler, et s’il y avait un personnage moins important je faisais en sorte que d’autres animateurs plus à l’aise l’animent. Ce système de « casting » sur « Dragons » c’était un peu comme une équipe de foot, tu as les attaquants, les défenseurs, le milieu de terrain, etc.
Kristof, par exemple, n’animait pas les dragons. Je n’ai jamais rencontré une aussi bonne personne que lui animer aussi bien les personnages solides avec autorité, c’est le « Anthony Hopkins » de l’animation. Il aurait pu animer la fille mais il fallait vraiment prendre la qualité principale des animateurs. |