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Game Developers 09 – Bilan


La Game Developers Conference – GDC – s’est déroulée à San Francisco, sur la côte ouest des Etats-Unis, du 23 au 27 mars 2009. Cette manifestation rassemble les développeurs de jeux vidéo du monde entier. L’occasion de dresser un portrait d’un des secteurs du divertissement numérique – digital entertainment – en temps de crise économique grave.

 

Premier constat : les chiffres de fréquentation sont plutôt bons. 17 000 visiteurs se sont rendus à San Francisco selon les organisateurs de la manifestation. Un chiffre inférieur à celui réalisé en 2008 – 18 000 visiteurs – mais équivalent à celui de 2007. De l’avis général, ces résultats témoignent du dynamisme de l’industrie du jeu vidéo. Il est vrai qu’en temps de crise, la demande pour toutes les activités susceptibles de se changer les idées augmente. Qu’il s’agisse de cinéma, de DVD, d’internet ou de jeu vidéo, les loisirs numériques ont le vent en poupe.

 

Ces chiffres ne doivent pas pour autant cacher une réalité plus contrastée.

 


Les petits studios souffrent. Certains projets sont gelés dans l’attente de temps meilleurs ; des travaux qui leur étaient confiés par de plus grands studios dans le cadre d’externalisation de certaines tâches sont aujourd’hui effectués directement en interne pour des raisons d’économie d’échelle ; les amateurs de jeux vidéo ont réduit leurs dépenses et n’achètent que des titres que les professionnels qualifient de « triple A » – AAA – comme GTA 4, Gears of War 2, Killzone 2, Prince of Persia… Bref, pour les petits studios, les temps sont durs et il est probable que les plus fragiles seront à un moment ou à un autre obligés, soit de réduire considérablement leurs activités et donc leurs équipes, soit de déposer le bilan. En France, il est très clair que les quelques éditeurs restant sont extrêmement prudents et que chacun s’observe, commente, partage ses expériences. Tel éditeur a bien vendu tel jeu et donc peut éventuellement financer le développement d’autres titres. Tel autre souffre et rechigne à payer le développement voire ne peut plus payer du tout. Dans un marché extrêmement tendu, les rumeurs vont bon train et l’ambiance est plutôt morose.


Conséquence : les petits studios cherchent pour la plupart à trouver d’autres sources de revenus, d’autres marchés. Certains espèrent que l’I Phone d’Apple leur ouvrira de nouvelles perspectives. D’autres ne jurent que par le Casual Gaming – les jeux simples conçus pour un très grand public qui n’est pas demandeur de jeux ‘hardcore gamers’, trop complexes et qui nécessitent d’avoir beaucoup de temps libre -. D’autres encore s’orientent résolument vers le online et vendent leurs jeux à des portails comme Big Fish Games. Enfin, la Nintendo DS reste une plate-forme accessible aux petits développeurs mais là aussi les places sont chères et le nombre de jeux de poneys et autres animaux de compagnie est tel que le consommateur ne sait plus où donner du cure-sabot et de la soucoupe de lait…

 

 

Faut-il y voir une conséquence de cette crise ? Un des plus grands studios français, Darkworks, a récemment annoncé que la finalisation de son titre vedette « I am alive »  serait confiée à Ubisoft Shanghai. Le communiqué disponible sur le site de Darkworks est laconique mais chacun sait lire entre les lignes : According to Ubisoft « In order to respect the new launch date for this ambitious title, and Darkworks having other obligations, we have mutually decided to complete development of I Am Alive at Ubisoft Shanghai, as the two studios have collaborated on aspects of the title over the past year.


The team at Darkworks has respected its contractual obligations on the project and will be a part of the success of the game when it launches. » Selon Ubisoft, pour respecter la date de lancement de ce titre ambitieux, et Darkworks ayant d’autres obligations, nous avons décidé, d’un commun accord, de terminer le développement de ‘I Am Alive’ au sein de Ubisoft Shanghai. Les deux studios ont collaboré sur certains aspects du développement au cours de l’année dernière. L’équipe de Darkworks a honoré ses obligations. Le succès du jeu lors de son lancement sera dû en partie au travail de Darkworks.

 

Pour les grands studios adossés à des éditeurs, la situation est différente. Bien sûr, ils ne sont pas à l’abri d’un flop sur des titres qui ont nécessité des investissements très lourds. On l’a vu avec Mirror’s Edge, très beau jeu, très sophistiqué, dans lequel EA a investi massivement, tant en développement qu’en marketing, et dont les ventes ont été à ce jour décevantes. Selon Gamasutra il s’est vendu 3.9 millions d’exemplaires de Madden NFL 09, 592,000ex. de Burnout Paradise, 421,000 ex de Dead Space, et seulement 145,000 ex de Mirror’s Edge. Une expérience désastreuse qui prouve combien il est difficile d’imposer une nouvelle licence. Cela ne peut qu’encourager les éditeurs à rester fidèles à leurs licences phares en ces temps troublés et à capitaliser sur des valeurs sûres comme Prince of Persia ou Metal Gear Solid.

 

 

Cela dit, les grands éditeurs savent gérer leur portefeuille de titres et ils ont tous les moyens de résister à la crise, pour peu qu’ils ne multiplient pas les erreurs comme « Mirrors Edge ». Les grands titres se vendent à plusieurs millions d’exemplaires sans trop de difficultés. On observe simplement un ralentissement dans les recrutements. C’est particulièrement sensible aux USA où certains studios ont annoncé à leurs équipes qu’ils ne licencieraient pas mais bloquaient tous nouveaux recrutements. Il est clair que cette situation n’est pas favorable aux développeurs européens qui ont, en plus, à gérer des questions de visa pour venir travailler aux USA. Cela dit, pour les plus talentueux, trouver un travail ne devrait pas poser trop de problème. Les grands projets en cours de développement nécessitent toujours plus de programmeurs, d’animateurs, de game designers et les studios sont toujours présents en force à la GDC pour recruter ou, a minima, conserver un portefeuille de talents à jour.

 

Sur la partie exposition – trade floor – l’ambiance était en revanche très calme. Là encore les grands noms comme Autodesk faisaient le plein sur leur stand. En revanche la fréquentation des petits stands était, de l’avis général, nettement en baisse. Certains acteurs comme NVidia, Intel ou HP, étaient présents mais beaucoup plus discrètement que les années précédentes. Autre signe qui ne trompe pas, les « goodies » – T Shirts, Mugs et autres gadgets – étaient réduits à la portion congrue. Enfin, et c’est plutôt une bonne nouvelle, on sentait que de nombreuses microstructures étaient dans les ‘starting blocks’. Créées par des cadres supérieurs licenciés, lancées par des chercheurs créateurs de solutions innovantes et surtout bon marché, le dynamisme était perceptible, même s’il n’était pas encore visible. Les marchés asiatiques étaient particulièrement visés par certains. Il est clair que l’Asie représente un vrai axe de développement, en particulier du côté du jeu massivement multi-joueurs online et du mobile.

 

 

A noter également la présence de fournisseurs de solution de capture de mouvement ou d’animation faciale comme Natural Point, qui, là encore, jouent la carte du « bon marché », tout comme, d’ailleurs, les fournisseurs de moteurs de jeux. Le prix des licences est un facteur clef aujourd’hui et la clef du succès semble fondée sur la qualité des solutions et sur leurs prix.
Enfin, quelques fournisseurs de solutions « reliefs 3D» étaient présents, comme iZ3D. NVidia présentait également ses solutions techniques pour permettre aux joueurs de s’immerger dans des jeux reliefs. Mais il n’y a pas encore de vraie vague du jeu en relief 3D comme on peut l’observer dans le cinéma où tous les projets de longs-métrages d’animation comprennent une version relief 3D quand ils ne sont pas exclusivement créés pour ce type de diffusion.

 

Bref, une situation contrastée avec un marché qui continue à se développer vigoureusement mais au profit des très grands et en obligeant les petits et moyens studios à considérablement revoir leurs stratégie.

 


3dvf.com

Réalisation :
Jean-Michel Blottière
Claudio Callego – Justine Roux


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