Action Synthese : Pollux, Le Manège Enchanté


– Interview de Sylviane Rey –
Direction du Layout




3DVF : Sylviane, merci de prendre le temps de répondre à nos questions. Peux-tu commencer par nous raconter ton parcours professionnel?


Sylviane Rey : J’ai commencé la 3D sur des ancêtres de logiciels comme Cubicomp, explore de TDI (grand-père de Ex-Machina) ou Softimage en 1990…
Je venais de l’édition et de la presse, j’étais devenue photographe et graphiste et je faisais des documentaires en 16 mm après des études aux Beaux arts de Paris. Un jour, j’ai découvert cet univers des images de synthèse, (le discobol de TDI, vers 1985…ça m’a vraiment plu, un mélange de peinture et de sculpture… J’ai voulu y tenter ma chance. A l’époque, il n’y avait pas d’enseignement de la 3D. On se formait comme on pouvait et il y avait des gens qui venaient de partout, des architectes, des ébénistes, des photographes… J’ai travaillé avec des sociétés comme Viva synthese à Paris qui réalisait des films sur l’espace pour l’aérospatiale, Gribouille à Aix en Provence sur des projets de long (en dehors des films d’entreprise et de pub qui étaient plutôt alimentaires) tels que le mythique « 20 mille lieues sous les mers » en mocap avec Bohringer, ou Excalibur avec Druillet, (je n’ai travaillé pour celui là que sur le pilote qui était très beau, la série a été une catastrophe!) c’était en 1990 et ça ressemblait beaucoup à un laboratoire de recherche.

Après je suis repartie à Paris (je suis une parisienne à l’origine..) et j’ai rejoins les équipes de Fantôme, Médialab, Ex-Machina. Dans les années 90, il fallait tout connaître: modeling, animation, texture et rendu. Lorsqu’il a fallu se spécialiser car le travail pour un film d’animation devenait trop complexe, j’ai choisi le rendu. J’ai participé à Medialab à des pilotes comme Sphinx, un joli projet de fiction qui se passait en Egypte et n’a pas aboutis ou des fx pour des long-métrages avant que Medialab ne ferme et que les gens ne montent La Maison. Et à Ex-Machina sur des pubs comme Seat/Lara Croft ou Yoko…





3DVF : Comment s’est déroulée la rencontre avec Action Synthèse?


Sylviane Rey : J’avais goûté au Sud et je rêvais d’y revenir !
Quand j’ai su en 2000 à Imagina et dans un article de Pixel qu’une équipe s’était montée à Marseille pour faire un long métrage, je n’en suis pas revenue! J’ai tout de suite essayé de les rencontrer et voilà!!! Je suis ici. Je suis arrivé à Action Synthèse en Août 2000. A l’époque c’était une toute petite équipe! 5,6 personnes et ils travaillaient sur Max! Moi j’étais encore Softimage à fond! Je me suis formée sur Max. Ils étaient sur plein de projets de films. On a fait un pilote pour « Contes et légendes ». Et puis la production du Manège Enchanté s’est précisée alors on est partis à fond dessus. C’était passionnant!



3DVF : Comment avez vous mis au point votre layout ?

Sylviane Rey : J’ai continué à travailler sur le rendu, et plus particulièrement sur les recherches de texture du décor, et puis la pro commençait à se mettre en place et il fallait créer le département layout qui est le premier département de la chaîne 3D à démarrer. Pascal Rodon m’a proposé de m’en charger et je ne le regrette pas! C’est une phase très intéressante de la production que j’ai découverte. Juste après le design des décors et le story-board et juste avant la modélisation et l’animation définitive. J’ai créé le département modeling layout des décors et animation layout. Il y a eu pour l’ensemble du film une équipe de 3 modeleurs et dans les temps forts jusqu’à 7 animateurs.

En fait on met en place en 3D le monde dans lequel vont évoluer les personnages. Celui ci n’existe encore qu’en design, sur papier. Au niveau du modeling, on modélise très rough les différents lieux du film, on met en place l’échelle du décors, on y place les personnages basse-def pour évaluer les distances et les déplacements.Ca sera la base utilisé ensuite par le département modeling pour construire ses décors.
On travaille ensuite d’ après l’animatique du story-board, notre rôle étant de créer les caméras du film et la mise en place des circulations de personnages dans le cadre. On travaille constamment avec le réalisateur et le DA pour les décors. On va affiner ce découpage en créant la totalité des plans et donc des séquences du film. Les plans du layout ont progressivement remplacé les vignettes du story-board. Et le film a commencé à se rythmer, l’histoire à se visualiser, à se lire en continuité. On a commencé à définir la durée totale du film. Dans ces plans on a fait une sorte d’animation layout très aboutie, ou les actions importantes des personnages layout étaient pré animés de façon très simple mais très explicite ce qui a donné une lecture plus approfondie du scénario. C’était notre premier long, on devait assurer!!





Nous avons fait un premier film de 53 séquences puis lorsqu’il a été monté en totalité, on l’a re-découpé par endroit pour le rendre plus dynamique ou pour remodeler la narration d’autres parties, il n’en reste aujourd’hui que 47. Ceci est possible à la phase layout mais serait impossible à faire plus tard en animation ou encore moins au rendu car refaire à ce stade serait bien trop long et coûteux. Au layout on teste, on élabore, on corrige, c’est une phase très intéressante car très mobile, rapide et évolutive, c’est un travail d’assistant de mise en scène en très étroite collaboration avec le réalisateur!



3DVF : Est-il facile de trouver des infographistes pour le layout ?


Sylviane Rey : Il est assez difficile de trouver des infographistes layout car le plus souvent, et je les comprends, ils vont vouloir animer ou faire du rendu. avoir une satisfaction face à l’oeuvre terminée.
Le layout, c’est un peu comme la phase d’écriture du scénario. On débroussaille, on pose les jalons. C’est un outil pour la suite. Ca sera finalisé après. Mais, moi qui connait toutes les phases de production, j’ai trouvé qu’il y avait un réel intérêt à cette phase dans le cadre d’un long métrage.

Pour ce département, nous recherchons des gens très créatifs qui ont un sens aigu du cadrage, de la composition d’image car elle va mettre en valeur les décors, du rythme, du découpage, de la mise en scène. L’animation d’une caméra est différente de celle des personnages, elle demande d’autres compétences et d’autres sensibilités. Des gens qui ont eu éventuellement des expériences en tant que cameraman ou photographes. La phase layout est très dévalorisée en France alors qu’elle a sa fonction propre qui est aussi créative.

Les difficultés majeures :

Dans ce premier long métrage, nous avons dû souvent nous substituer au story-board qui pour x raisons manquait pour certaines séquences ou plans, donc faire un double travail.
Souvent, nous avons dû mettre en place avec le réalisateur le découpage d’actions difficiles telles que les combats de squelettes dans le temple ou entre zbad et zebulon sur la langue du Palais de Zbad, l’accident du triporteur, le ride etc…
La construction de la séquence de l’accident de Pollux sur le triporteur a été refaite 2 fois car les 3 premières séquences ont changé plusieurs fois. Au final, on a mis une camera et le triporteur et on a avancé plan par plan, découpé la séquence de visu, en cherchant les meilleurs angles de vue. Un régal!!!





3DVF : As-tu apprécié cette phase de travail et si oui que représente-elle pour toi ?


Sylviane Rey : J’ai donc découvert cette phase du travail d’un long métrage et je n’ai pas été déçue.
Comme je l’ai dit précédemment, c’est là et au story-board que s’élabore le film au niveau du rythme, des enchaînements de plans, des découpages de scènes d’action. C’est là qu’on a validé la phase design des décors, par exemple, pour la course poursuite entre la foreuse et le train, on a élaboré les actions et adapté les décors en fonction de ces scènes d’actions pour que les enchaînements soient cohérents et vertigineux!



3DVF : Ta séquence préférée….


Sylviane Rey : aille aille aille!!! J’en aime plein!
Je dois dire que j’ai un petit faible pour celle du volcan. J’adore l’animation du train et c’est vrai on l’a beaucoup travaillé au niveau layout avec Fred Merle, un des animateurs layout qui est d’ailleurs un des Lead animateur sur le film. Mais je dois dire que j’adore la séquence du concert. Et celle de la Mongolfière, subliminale, toute en poésie, en tendresse.






3DVF : As tu une anecdote particulière à nous raconter ?


Sylviane Rey : Ce qui est intéressant aussi c’est la participation qu’ont prit les artistes à l’élaboration des séquences. On a décidé à un moment donné de leur laisser la latitude de proposer des idées de mise en scène. Les petits gags genre l’orignal qui découvre Zbad et le prend pour un détritus qu’il recouvre de glace avec ses pattes, nous le devons à Clarisse. Ou encore la sortie de terre des squelettes à David Coucharière, son petit côté film d’horreur à la Indiana Jones nous a bien plu! C’est une oeuvre collective, il y a eu plein de difficulté, on a souvent eu peur des délais mais je suis très fière du résultat!




3DVF : Et si c’était à refaire?

Sylviane Rey : Bon… on apporterait des améliorations, c’est sur!! N’oublions pas que c’était notre premier long métrage… J’espère conserver ce mode d’approche qui garde la créativité. Tout ça est en cogitation, et ça bouillonne!!!




3DVF : Vivement la suite donc!
Merci pour ces réponses et un grand merci à toute l’équipe d’Action Synthèse pour le temps accordé à la réalisation de ce dossier. En attendant de vous retrouver pour parler de vos prochains projets !




3DVF
Février 2005

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