Action Synthese : Pollux, Le Manège Enchanté


– Interview de Jean Duval –
Co- Réalisateur de Pollux



3DVF : Jean, peut tu nous parler de ton parcours professionnel ?


Jean Duval : En fait, j’ai commencé à faire du dessin animé pendant mon service militaire !!
Je venais d’obtenir le diplôme de l’école supérieure Estienne (Paris 13ème), et c’est sur cette base que le service cinématographique et photographique des Armées (ECPA) m’a engagé pour 16 mois, dans son département animation. C’est là que j’ai appris toutes les bases du dessin animé traditionnel (la 3D n’existait pas encore à l’époque) et que j’ai eu la chance de travailler avec des personnalités telles que René Laloux (La planète sauvage) ou Jacques Rouxel (Les Shadocks). Mon premier travail a consisté à nettoyer des cellulos !!… Ensuite, je me suis spécialisé dans le Layout, le story-board et l’assistanat d’animation.
Au sortir de l’Armée, j’ai tout de suite enchaîné sur tout un tas de séries et de longs métrages (Alex, Babar, Astérix, etc…), mais une des rencontres les plus influentes pour moi a été celle avec les frères Brizzi. Alors que je travaillais depuis 3 ans dans leur studio, Disney, qui cherchait à implanter un nouveau studio d’animation en Europe pour seconder les leurs aux Etats unis, a jeté son dévolu sur celui de Paul et Gaétan. A partir de ce moment là, nous avons travaillé 100% de notre temps pour les américains et sommes devenu Walt Disney Animation (France).





Après avoir travailler sur « La bande à Picsou, le film », et de nombreux épisodes de série et de spéciaux pour la Télévision (Tale Spin, Bonkers, Goof Troop, Darkwing Duck, Winnie the pooh and Christmas Too, etc…), j’ai eu envie de travailler sur tout le catalogue des personnages Disney et j’ai quitté le département animation pour celui des Licences de Disney Consumer Products où j’ai commencé comme simple dessinateur de personnages, allant de Mickey à Aladdin en passant par le Roi Lion, jusqu’à devenir Directeur Créatif pour l’Europe, Le moyen Orient et l’Afrique.
J’ai aussi eu la chance de travaillé comme story-board sur deux films de prises de vue réelles (« A Far Off Place » pour Disney Pictures et Amblin Entertainment et « The Power of Love », un inédit pour la Paramount). Mais, 10 ans plus tard, la politique de Disney a changée et nombre de départements à travers le monde ont été touchés par la restructuration de la Companie, dont le mien. J’ai donc commencé une carrière d’indépendant, qui m’a doucement conduite jusqu’a Pollux…




3DVF : Comment s’est déroulée la rencontre avec Action Synthèse?


Jean Duval : Le mieux du monde, grâce à la gentillesse et au professionnalisme des gens du studio!
Films Action, producteur du film, m’avait engagé pour réaliser et superviser leur charte graphique en vue du développement des futurs produits dérivés Pollux. Fin 2003 Laurent Rodon de Films Action m’a proposé de participer à la fin du story-board du film et s’est ainsi que je me suis retrouvé à Marseille où j’ai rencontré Pascal Rodon, le directeur d’Action Synthèse et co-producteur du film, et toutes ses équipes. Puis rapidement dès le début 2004 les frères Rodon m’ont offert le poste de co-réalisateur.





3DVF : L’oeuvre initiale ne visait pas le même public en france et en angleterre. Peut-tu nous parler des différences qu’il y avait entre ces deux versions, et quels ont été les choix à faire?


Jean Duval : Lorsqu’ Erick Thompson, le père d’Emma, achète les droits du manège à Serge Danot, le créateur de la série, au début des années 60, il lui demande s’il peut conserver les images telles qu’elles sont, tout en changeant totalement les dialogues et la narration. Danot lui donne carte blanche et Thompson réécrit les histoires (les personnages ne parlent plus, et Thompson se charge de la voix off)…
Ce dernier en profite pour parer ses histoires d’un deuxième degré destiné aux spectateurs adultes. Ainsi, la série se politise quelque peu et des éléments comme la drogue et les références « Baba cool » sont omniprésentes…
A contrario, la version française de la série reste très enfantine et « simple », même si les adultes de l’époque la regardent volontiers avec leurs enfants.

Tout le challenge de cette adaptation sur grand écran vient de ces différences. Si le scénario est le même, les dialogues sont parfois totalement différents entre la version anglaise et la version française, afin de respecter le souvenir des adultes qui ont connus la série, d’un côté ou de l’autre de la Manche, dans les années 60/70. De même, la musique tient compte de ces différences et certains morceaux sont différents d’un pays à l’autre.





3DVF : Peut-tu justement nous faire un tour d’horizon du scénario ?



Jean Duval :  » Par une belle et paisible journée comme il en existe beaucoup au Bois Joli, Pollux, victime de son intarissable gourmandise, crée un incident qui libère le méchant Zabadie, emprisonné par Zébulon dans le manège depuis dix mille ans !
Ivre de vengeance, Zabadie n’a qu’un but, geler le monde entier ainsi que le soleil, et mettre fin au règne de Zébulon! Prisonnière à son tour, Margotte voit ses amis Pollux, Flappy, Azalée, Ambroise et le Train partir en quête de trois diamants magiques pour tenter de contrer les desseins de l’infâme Zabadie. Alors que le monde se couvre peu à peu de glace, nos héros devront faire face à une quantité (inhabituelle pour eux) de dangers et d’épreuves qu’ils devront affronter ensemble (ce qui est inhabituel aussi), dans des lieux aussi divers que la jungle, les canyons ou les étendus glacées… »




3DVF : Quels ont été les principaux défis pour mener le projet jusqu’au bout ?


Jean Duval : Principalement le fait de travailler sur les deux versions du film (française et Anglaise). Ceci impliquait parfois d’être un matin à Marseille, le lendemain à Londres et le surlendemain à Paris… Par exemple, vous pouviez être en train de travailler sur la musique originale du film avec le compositeur et le superviseur de la musique en Angleterre, tout en recevant en même temps des plans à effets spéciaux envoyés par le studio Action Synthèse qu’il fallait commenter au plus vite… C’était un processus assez fatiguant qui demandait beaucoup de disponibilité…
D’autres parts, les délais étant souvent assez serrés, les différents départements ont dus contourner cette contrainte en travaillant souvent très dur, mais d’une manière générale, tout c’est passé pour le mieux grâce à la passion, la motivation et le talent des différentes équipes qui se sont données à 100% pour le projet.





3DVF : L’action semble omniprésente tout au long du film, peut tu nous en dire plus ?


Jean Duval : Dans la mesure où nos héros se retrouvaient pour la première fois sur grand écran, il était impossible de raconter une histoire qui les verrait vaquer à leurs occupations de tous les jours dans un lieu unique, le Bois Joli ou le Manège, comme s’était le cas sur la série télé.
Il était important de les faire voyager, ainsi que les spectateurs, dans des univers différents afin de mettre en lumière leurs différences et leurs personnalités. L’action participe à cette même volonté. De plus, les enfants d’aujourd’hui sont habitués à voir des films où l’action est omniprésente, et il nous a semblé amusant de placer nos personnages dans des situations pour lesquelles ils ne sont, a priori, pas disposés, mais qui avaient des chances de plaire aux spectateurs à qui le film est destiné…




3DVF : Peut tu nous parler du casting des voix originales et française ?


Jean Duval :
Le moins que l’on puisse dire, c’est que nous avons eu la chance d’avoir un casting des plus brillant de part et d’autre de la Manche !
Henri Salvador, Vanessa Paradis, Michel Galabru, Eddy Mitchell, Gérard Jugnot, Dany Boon, Elie Semoun et Valérie Lemercier pour la France.
Robbie Williams, Kylie Minogue, Ian McKellen, Joanna Lumley, Bill Nighy, Tom Baker, Jim Broadbent, Ray Winstone et Lee Evans pour l’Angleterre.

Ce qui a été fantastique avec tous ces acteurs, c’est que parce qu’ils connaissaient tous la série (sauf McKellen, en fait), ils étaient extrêmement motivés et enthousiastes. De ce fait, tout c’est très bien passé avec eux: Dany Boon, par exemple, aimait tellement son personnage qu’il voulait systématiquement refaire des prises supplémentaires afin d’explorer toutes les facettes d’Ambroise. Robbie Williams, dont c’était la première expérience dans ce domaine, a fait de même et semblait s’amuser comme un gamin…
Mais je crois que mon expérience la plus enrichissante fut les séances d’enregistrement avec Ian McKellen, pour sa disponibilité, son professionnalisme, son humilité et sa gentillesse. Malheureusement en raison de mon emploi du temps surchargé et de mes allées et venues entre Londres et la France, j’ai dû déléguer certains des enregistrements avec les acteurs et mon plus grand regret est de n’avoir pas pu travailler avec Vanessa Paradis…






3DVF : Y-a t’il une séquence que tu aimes plus particulièrement?


Jean Duval : Il y a beaucoup de séquences que j’aime bien dans le film, mais si je ne devais n’en retenir qu’une, je pense que ce serait le climax final et la bataille entre Zabadie et nos héros, dans la mesure où je la trouve excitante et drôle à la fois. J’aime aussi beaucoup la poursuite en train.



3DVF : As tu déjà des projets pour la suite ?


Jean Duval : Je suis actuellement en train de travailler sur le développement de personnages pour un célèbre parc d’attraction français, et j’étudie quelques propositions de films intéressantes que l’on m’a faites, mais par superstition, je ne préfère ne pas en parler pour l’instant…




3DVF : Que penses tu des évolutions qu’à vécut l’industrie de l’animation ces dernières années ?

 

Jean Duval : Je ne peux que me réjouir du succès que remporte l’animation depuis quelques temps. Phénomène assez nouveaux, il semble désormais y avoir de la place pour différents modes d’expression animés, si l’on en juge par le succès de film tels que les Triplettes, les films de Miyazaki, de Dreamworks ou de Pixar, sans compter tous ces jeunes studios qui viennent s’ajouter à la famille de l’animation, et je trouve cela absolument formidable !
Le boum de la 3D est un phénomène très excitant et ouvre des possibilités infinies pour l’animation. Cette technique évoluant à une vitesse étourdissante, les scénaristes ont du pain sur la planche, car il semble que la seule limite que l’on puisse se fixer aujourd’hui est celle de l’imagination…
Ceci dit, je ne crois pas du tout à la mort de l’animation traditionnelle, et le fait que Disney ait fermé ses départements 2D me semble triste et être une erreur. La Company doit juste évoluer comme elle l’a toujours fait du temps de Walt. C’est à ce prix que l’on reste précurseur, voir à ce sujet le talent et le succès d’un studio comme Pixar, qui combine qualité narrative et technicité de pointe. Mais comment ne pas rester optimiste quand on voit se profiler à l’horizon des films comme « Wallace et Gromit » de Nick Park, « Corpse Bride » de Tim Burton, entres autres… Sans parler de tous ces films de prises de vue réelles qui ne pourraient exister sans le support de l’animation (Star Wars, Lord of the Rings, etc…).

 

 

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