Action Synthese : Pollux, Le Manège Enchanté

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Interview de Pascal Rodon
– Producteur – Action Synthèse –




3DVF : Pascal, merci de nous faire découvrir les studios Action Synthèse et les coulisses de votre premier long-métrage : Pollux, Le Manège Enchanté. Pouvez vous nous parler de la genèse d’Action Synthèse ?


Pascal Rodon : Pour parler de la genèse d’Action Synthèse il faut remonter assez loin dans le passé, à l’époque ou n’existait encore que Films Action, Action Synthèse étant l’aboutissement du parcours commencé sous Films Action, avec mon frère Laurent.
C’est vers 1995 qu’a été initié ce qui donnera naissance 5 ans plus tard à Action Synthèse. Pour se remettre dans le contexte, 1995 c’est l’arrivée des Pentiums et de la démocratisation des nouvelles technologies. Internet vient d’apparaître aux yeux du grand public, le cd-rom devient un équipement indispensable à tout PC, 3ds4 se transforme en 3dsmax 1, Lightwave et Caligari Truespace complètent l’offre de logiciel 3D sous Windows. Nous sommes à l’aube d’une révolution technologique et peu de monde en comprend les implications. En effet, à cette date les sociétés 3D prestigieuses utilisent des Silicon Graphics avec des logiciels comme Wavefront ou Softimage 3D et l’on vous regarde bizarrement lorsque vous parlez de l’éventuelle possibilité d’utiliser des solutions alternatives en production (PC) pour des coûts bien moindres. De ce constat et du hiatus qui existait entre le monde professionnel et l’émergence d’une nouvelle génération d’artistes 3D produisant sur PC est né un concours dont le but était de révéler les nouveaux talents 3D au monde professionnel, tout en prouvant que oui effectivement un PC était utilisable en production. Ce concours, les prix Action Nouveaux Talents Indépendants prendra forme avec le soutien de Medialabs ou encore Pixel. D’années en années il va connaître de plus en plus de succès et permettra de révéler de nombreux talents (entre autres Jérôme Boulbès, Pascal Blanchet, François Baranger, Frédérique Merlos, Jean-louis Merienne, etc…).





En 1998 nous vient tout naturellement l’idée de passer à un cap supérieur dans notre démonstration. Nous choisissons de produire un projet de François Baranger ; « Antebios ». Les 17 minutes du court métrage seront produites en 7 mois sur 3 PC. Le court métrage connait un énorme succès en 1999 (vente diffusion Canal + et chaînes câblées Europe et Etats-Unis). Plus que cela, il deviendra quasiment une référence en matière de court-métrage CGI européen. Ce succès nous donne le goût au métier de production et nous faisons toujours en 1999 une deuxième expérience de production avec « Premier Domicile Connu » ou cette fois nous réunissons un réalisateur de cinéma traditionnel Laurent Bénégui avec un talent infographiste Vincent Claes. Une fois de plus le pari est couronné de succès le court métrage recevant de nombreuses récompenses. La preuve irrémédiablement faite que l’on pouvait désormais produire sur PC, nous décidons de créer un Studio d’animation dédié au long métrage. C’est ainsi qu’en janvier 2000 Action Synthèse rentrera en activité à Marseille.




3DVF : Comment a démarré l’idée de travailler sur un long-métrage d’Animation.


Pascal Rodon : Pour ma part je possédais trois véritables passions : les nouvelles technologies dont la 3D, le cinéma et la littérature. Faire un long-métrage d’animation était pour moi le moyen de réunir plusieurs de mes passions. C’est donc un rêve que j’ai réalisé, rêve qui a sans doute commencé à prendre naissance, même s’il n’était pas encore clairement formulé, lorsque je regardais la sélection du 1er palmarès Imagina sur Canal + (cela remonte déjà à quelques années) ou des films comme Tron ou encore The Last Starfighter qui m’ont aussi sans aucun doute donner envie de faire un film à base de 3D.





3DVF : Pourquoi Pollux, hasard ou volonté ?



Pascal Rodon : Certainement pas un hasard, faire un film en image de synthèse demande tout d’abord à trouver son financement. Pollux en dehors de l’affectif que nous lui portons tous avait une particularité. Il s’agissait d’une série qui avait été exporté dans le monde entier (à part les Etats-Unis). Nous pouvions donc envisager d’avoir un financement provenant de l’étranger, ce qui donnait la faisabilité financière.

De plus les personnages étant issues du stop motion, ils existaient déjà en volume, rendant tout à fait crédible leur adaptation en 3D. En fin de compte, c’était un projet rêvé puisqu’il réunissait une faisabilité financière et une faisabilité de production. Si en plus cela a bercé votre enfance vous n’avez pas a hésiter une seconde.



3DVF : Quels ont été les difficultés pour prouver la faisabilité du projet aux producteurs ?

Pascal Rodon : L’initiation a été très complexe. Si aujourd’hui tout semble évident je peux vous certifier qu’en 2000 cela était loin d’être le cas et il a vraiment fallu prendre tous les risques pour faire exister ce projet.
A vrai dire personne ne semblait voir le potentiel de Pollux, les gens avaient une vision ringarde de la série et ne faisait pas l’effort d’imaginer ce que cela pouvait donner en 3D. Il faut aussi ne pas oublier que le studio n’avait pas encore fait ses preuves quant a sa capacité à livrer un long-métrage, il a donc fallu être patient et franchir les étapes une à une sans jamais avoir la droit à l’erreur pour développer l’artistique du projet mais aussi le potentiel du studio.

Il faudra attendre que le studio ait développé l’ensemble des personnages (avec test animation) et la plus grande partie des designs avant de convaincre un financier. Ce qui fut le cas fin 2001 lorsque nous avons signé un premier accord avec François Ivernel, le président de Pathé Pictures.






3DVF : Pouvez vous nous parler de la production en quelques chiffres ?


Pascal Rodon : En tout, plus de 140 personnes ont participés au film pour 80 personnes travaillant en même temps au plus haut de la production. Le développement a duré de mai 2000 a Décembre 2001, la pré-production s’est étalée sur 2002 et la production proprement dite a duré 33 mois (Janvier 2003 – Novembre 2004) pour délivrer au final 1139 plans qui furent calculés avec l’aide de 300 processeurs. Nous disposions en complément de la renderfarm d’environ 70 Worksations Hewlett packard. Autant dire que la facture d’électricité était plutôt élevée.
En dehors du matériel, l’investissement humain a tous les niveaux a été absolument extraordinaire, les équipes ont donner le meilleur d’elles mêmes sur cette production, ce dont je les remercie.





3DVF : Quelle a été la phase la plus compliquée dans la réalisation de ce film ?

Pascal Rodon : Au final tout s’est passé de façon naturelle même si ce fut loin d’être facile, notamment sur la période de développement. Au départ d’un projet vous ne pouvez vous appuyer sur rien d’autres que votre passion, c’est la que vous trouvez la force nécessaire pour avancer. Mais la passion ne suffit pas, il vous faut aussi être d’une extrême patience et avoir une volonté de fer. D’un point de vue Workfllow, le plus compliqué à maîtriser est sans doute la phase de narration du film qui regroupe le script, le story-board et le layout.
Un script évolue jusqu’à la dernière minute, vous vous devez donc de gérer cette donnée dans un schéma de fabrication qui normalement ne le permet pas, de même le layout et le story-board sont des terrains très dangereux qui souvent doivent être repris de nombreuses fois avant d’arriver à un niveau de qualité suffisant (c’est un processus d’itération et de polissage).
Pour la partie production proprement dite il n’y a pas vraiment de problème, à ce stade du projet vous avez toute une infrastructure en place qui vous évite de jouer les hommes orchestres. Il ne reste qu’à gérer l’ego des différents intervenants, mais cette difficulté est bien mineure par rapport à ce que vous avez pu connaître sur le développement d’un projet.






3DVF : Quels sont les objectifs que vous vous êtes fixé au Box-Office ?

Pascal Rodon : Pour moi, même si je me situe avant la sortie les objectifs sont déjà atteints. Faire un film d’animation en France (qui est un des territoires les plus contraignants et les plus coûteux), avec un budget quatre fois inférieures au plus petit budget américain est déjà en soit, un exploit.
Mais quant vous avez en plus Harvey Weinstein (Miramax) qui vient vous voir, qui achète le film pour toute l’Amérique du nord et du sud et qui vous dis que vous êtes parmi les meilleurs studios CGI au monde, c’est clairement la preuve que vous avez atteint votre objectif.
La configuration de sortie du film est vraiment hallucinante, 600 copies pour la France, 700 pour l’Angleterre et 1000 pour les Etats-Unis. C’est déjà le signe que la distribution et la production considère que le film est d’une qualité exceptionnelle et capable d’atteindre le plus large public (une sortie de 600 copies en France signifiant que Pathé doit investir 1.5 millions d’euros en promotion pour l’accompagner)
Une fois un tel objectif atteint on ne peut que considérer que l’on a extrêmement bien fait son travail et laisser le verdict final au public sans faire de pronostic sur le nombre d’entrées.






3DVF : Une semaine après sa sortie en salles, comment est accueilli le film par la presse et les critiques ?



Pascal Rodon :
Le film est accueilli de façon fabuleuse, les spectateurs sortent ravis des projections, les enfants adorent le film et reprennent en cœur les chansons et c’est sans doutes là la plus belles des récompenses après 5 ans de travail. Tout le monde annonce le film comme un immense succès et comme la démonstration du savoir faire de l’animation française! On espère donc que ce film deviendra un fer de lance pour l’industrie CGI en France, tout semble l’indiquer.


3DVF : Prévoyez-vous une suite ?

Pascal Rodon : Oui, une suite est déjà prévue, financé non seulement par Pathé mais aussi Miramax avec une mise en pré production d’ici la fin de l’année, en fait le résultat salle ne fera que déterminer le budget de cette suite. De plus nous travaillons d’ores et déjà une déclinaison TV, 52 * 13 minutes.



3DVF : En tant que producteur, quels sont les principaux enjeux du cinéma d’animation européen ?

Pascal Rodon : L’enjeu du cinéma d’animation européen découle de la contrainte de devoir rivaliser avec les américains tout en ayant des budgets inférieurs.
Il nous faut absolument avoir un film européen qui soit un succès à l’international pour convaincre les producteurs et investisseurs en Europe de réunir des budgets plus importants pour les films en image de synthèse.
Nous avons les talents 3D, nous avons de nombreux projets au travers de notre patrimoine mais par contre nous manquons de moyen financier.
Si Pollux était un succès mondial il est certain que cela changerait la donne et l’on pourrait sans doute commencer à parler de film avec des budgets de 50 à 80 millions d’euros.






3DVF : Pour finir question subsidiaire, que penses tu de 3DVF et de l’évolution du site en 5 ans ?

Pascal Rodon : Je connait 3DVF depuis sa création en 2000. En fait Action Synthèse et 3DVF se sont déployés en même temps. Dès 2000 j’avais trouvé le site excellent et d’une grande aide pour la recherche des profils 3D. Au fil du temps le site a encore évolué vers plus de professionnalisme intégrant des dossiers techniques, des tutoriaux, des contacts de sociétés et même une activité commerciale. Bref il me semble évident que 3DVF est un site indispensable et qui je l’espère vivra encore longtemps.




3DVF : Merci Pascal pour ces mots chaleureux, et très bonne continuation pour la suite. Nous ne manquerons pas de suivre avec attention vos prochaines avancés !

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