Io
Accueil » Rédactions » Retour sur les effets du film Io avec D-Seed

Retour sur les effets du film Io avec D-Seed

Mise à jour du 25 février 2022 : le studio a changé de nom depuis la publication de cet article et s’appelle désormais The Seed. Les liens vers l’ancien site ont été mis à jour.

Le service de vidéo en streaming Netflix a connu le succès ces dernières années, grâce entre autres à un solide catalogue de films déjà sortis au cinéma. Le groupe a cependant lancé une stratégie d’investissements massifs visant à créer des contenus originaux : un point crucial pour assurer l’avenir du groupe face aux concurrents actuels et à venir tels que Disney+.
Dans ce contexte, Netflix fait appel à des prestataires diversifiés, y compris en France. Ce fut notamment le cas pour le film de science-fiction Io, qui s’est appuyé sur les effets visuels du studio D-Seed situé à Aubervilliers, près de Paris.

Romain Bourzeix, qui dirige l’entité, a bien voulu revenir pour nous sur ce projet.

L’occasion d’évoquer les enjeux artistiques et techniques du film, mais aussi les contraintes liées au travail avec un client comme Netflix : questions de sécurité, 4K. Il aborde également la question de la collaboration entre petits studios pour mieux répondre aux demandes de ces nouveaux marchés et propose la mise en place de rapprochements entre entités.

La bande-annonce du film Io, visible sur Netflix et réalisé par Jonathan Helpert.
Le synopsis : « La Terre est mourante et une jeune scientifique tente de la sauver. Sa rencontre avec un homme pressé d’en partir va tout changer ».

3DVF : Pouvez-vous nous présenter D-Seed en quelques mots, ainsi que son historique ?

Romain Bourzeix – D-Seed : Le studio est né début 2014 dans l’idée de former une “VFX Boutique” comme disent nos copains Anglo Saxons. Ce terme désigne assez bien un petit studio qui propose aux sociétés de productions des images de synthèse qualitatives et fabriquées de manière un peu artisanales. Avant d’en arriver là, j’ai démarré seul dans ma chambre avec une petite station (comme beaucoup d’entrepreneurs…), puis j’ai rencontré des gens passionnés, les projets sont devenu plus conséquents et l’équipe s’est agrandie au fil des années. Nous avons une douzaine de postes et un noyau dur de 5 personnes. Nous avons, dans un premier temps, travaillé sur des projets corporate en animation 3D qui demandent un bon pipeline technique mais reste peu demandeurs en qualité. Cela nous a permis de nous roder et de développer nos outils en internes. Nous avons aussi aidé beaucoup de courts-métrages sur leurs VFX afin d’aborder la fiction et le photo-réalisme en douceur et sans risque.

3DVF : Où en est le studio à l’heure actuelle ? Quels secteurs visez-vous et quelles sont vos spécialités ?

Tout s’est accéléré début 2018 avec la création de Spline, studio d’ingénierie visuelle que j’ai fondé avec 3 autres associés. Je gère aujourd’hui D-Seed et Spline dans une même dynamique, toutes deux installées dans les mêmes locaux à Aubervilliers. Nous avons un plateau de tournage de 300m², les bureaux qui vont avec, et D-Seed pour les VFX à l’étage. L’idée est de pouvoir proposer aux sociétés de production, une boîte à outils accessible financièrement, complète, et une expertise pour la création d’effets visuels. Quel que soit le projet, nous les conseillons de l’imagination de leurs effets jusqu’à la post-production en passant par le tournage. Nous avons entre autres développé notre propre motion control, “Jarvis”.
Actuellement, en Europe, les effets visuels sont en train de remonter la chaîne de production grâce aux technologies auxquelles on a aujourd’hui facilement accès, mais ces nouvelles méthodes se heurtent au conservatisme du secteur. La création de Spline aux côtés de D-Seed permet de relier ces deux mondes.
Pour en revenir à D-Seed, nous avons une R&D continue axée sur les outils et technologies qui permettent d’emmener la création d’effets visuels au delà du concept de postproduction.
Nous restons généralistes, et recherchons des solutions spécifiques à chaque projet.

3DVF : Vous avez récemment travaillé sur le film Io de Jonathan Helpert, un long-métrage de science-fiction visible sur Netflix. Comment êtes-vous arrivés sur ce projet ?

J’ai rencontré Jonathan en 2011 alors qu’il préparait son court-métrage Black Enchantment sur lequel j’ai fait les trucages. Puis en 2015, il a réalisé House Of Time, son premier long métrage où, il a gardé la quasi totalité de l’équipe du court-métrage, dont moi pour la supervision des VFX onset et en post.
Puis fin 2016, il est propulsé sur IO, film commandé par Netflix, produit et tourné en France. Une semaine avant le tournage j’ai reçu un appel du directeur de production qui me dit qu’ils n’ont pas de superviseur VFX sur le tournage, et qu’il sont sur un film de science-fiction post-apocalyptique avec un budget “assez serré”. Je les rejoint alors directement dans les hauteurs de Nice pour 5 semaines de tournage. La partie de “la zone” a été tournée en Bulgarie avec un autre superviseur.

Io

3DVF : Quelles ont été vos tâches principales pour ce long-métrage ?

Nous nous sommes principalement occupé des mers de nuages qui entourent l’habitat des protagonistes. Mais aussi d’effacer les habitations environnantes, l’équipe B sur les plans drone, d’ajouter des fenêtres à l’observatoire, de la conception et l’incrustation de l’arrière plan du journal TV, etc. Nous avons eu un total de 42 plans à post-produire en 4K à Paris.

3DVF : Revenons tout d’abord sur la supervision on set. Comment s’est déroulée cette étape, et quels ont été les enjeux principaux ?

Le concept de mer de nuage été posé dans le script mais son look n’était absolument pas abordé, sachant que les protagonistes entrent dans la brume à plusieurs reprises, certaines logiques techniques et esthétiques devaient être réfléchies pendant le tournage, c’était une de mes missions.
Autre point, la météo. Nous avons tourné en altitude à l’automne avec un temps très changeant, du coup j’ai régulièrement eu droit à “là on peut effacer la pluie en post, hein ?”
Et le plus important, créer un maximum de sphères 360 HDR de l’ambiance on set afin de pouvoir éclairer les nuages en 3D. Les matins, les soirs, à chaque changement de lumière naturelle, avant, pendant et après les prises où les nuages pouvaient apparaître à l’image. En tant que superviseur, vérifier que tous les plans peuvent être exploitable en post et bien sûr récupérer les scripts images et caméras.

Io
Io

3DVF : Evoquons maintenant les nuages : vous avez géré les séquences qui surplombent l’épaisse mer de nuages qui noie les zones basses de la Terre. Sur le plan artistique, quelle était la vision de l’équipe du film au niveau de l’apparence de ce tapis nuageux ?

L’apparence du tapis nuageux a longtemps été discutée, entre la volonté de réalisme voulue par Jonathan et un effet waou voulu par la production.

Sa teinte a elle aussi évoluée, comme le violet est une couleur très présente dans ce film, dûe à la présence d’ammoniaque dans l’air. Nous avions fait quelques concepts peu après le tournage pour les aider à la décision, mais finalement nous avons sorti des nuages d’une couleur neutre avec un alpha pour que Light Iron, le studio d’étalonnage américain, puisse changer la couleur à volonté.

Ci-dessous et ci-dessus : tests liés à la création des nuages.

Io
Io

3DVF : Les nuages peuvent être gérés de multiples manières. Vous avez opté pour des nuages 3D : pourquoi avoir choisi cette approche, et quels sont ses avantages pour ce projet ? Comment avez-vous mis en place l’effet, sur le plan technique ?

L’approche mattepainting a évidemment été évoqué au départ, bien moins coûteuse qu’un pipe en 3D. Mais pour moi, il y avait trop de plans avec des lumières différentes et la ressource en photo de mers de nuages n’était pas suffisamment fournie. J’avais peur des problèmes de continuité, de variations de lumières et de designs entre les différents plans et séquences.
Nous avons donc cherché comment créer des masses nuageuses stylisées et pas trop gourmandes en ressources, nous ne sommes pas ILM. Après beaucoup d’essais avec des plug-ins et autres logiciels de simulation de particules qui nous freezaient régulièrement nos écrans, nous avons fini par trouver LE workflow idéal et léger : modéliser nos nuages en polygones et les mapper en voxels dans Houdini, éclairés avec une sphère HDR shootée au tournage et le tout rendu sous Octane a une vitesse incroyable. La 4K demandée par Netflix n’était donc plus un problème au niveau calcul 3D. Pour vous donner une idée, la taille du tapis nuageux mesure 5km sur 3km, avec des voxels de 10cm3, ça pèse très lourd !

Chargement....

A Lire également