Issue du milieu du spectacle, Julia Kerguelen multiplie les activités : direction artistique, supervision de post-production, graphisme, … Un profil atypique que nous vous proposons de découvrir au travers d’une interview. | Julia Kerguelen nous y présente son parcours et ses projets récents, avec notamment quelques spots gérés chez Mathematic. L’interview est également l’occasion d’aborder la supervision et ses difficultés, ou encore les solutions de suivi de production. |
3DVF : Pouvez-vous nous présenter votre parcours en quelques mots ?
Julia Kerguelen : Autodidacte issue du milieu du spectacle (théâtre, danse), je me suis tournée il y a maintenant plus de 15 ans vers les arts graphiques, me nourrissant de toutes formes d’arts. Ayant une bonne expérience de la scène je me suis spécialisée dans l’événementiel ainsi que dans le domaine du print car je suis très attachée à l’image et la matière… Parallèlement, j’ai enseigné dans une école d’études supérieures en arts graphiques et depuis 2007, je travaille également en tant que Post-production supervisor / VFX producer pour des studios tels que Publicis, BUF, HRCLS, Mathematic studio, etc. Ce qui m’a permis d’élargir mon champ de compétences, expérience renforcée par une formation longue en Montage et Compositing ainsi que plus récemment une formation en environnement pour le matte painting. |
3DVF : Directrice artistique, graphiste, post-productrice en 3D et effets visuels… Vous multipliez actuellement les casquettes et domaines d’activité, là où d’autres préfèrent se concentrer sur une spécialité unique. Pourquoi ce choix ? En tant que créatif j’ai besoin d’être stimulée en permanence… Le fait d’alterner entre mes différents profils me permet d’enrichir mon univers artistique et d’approfondir mes compétences techniques. La DA et le graphisme me permettent d’exprimer ma créativité d’un point de vue artistique et la Post-production de me challenger techniquement pour trouver des solutions créatives. Par ailleurs je trouve important de maîtriser toute la chaine graphique et de connaitre les contraintes techniques liées à un projet. Cela permet de gagner du temps et donc de se concentrer sur l’artistique. |
3DVF : Revenons sur quelques projets récents que vous avez supervisés chez Mathematic. Le spot Patamilka, tout d’abord, revisite la mythique publicité Milka de la marmotte. Un défi à plus d’un titre : le spot d’origine reste ancré dans l’imaginaire collectif malgré son âge (20 ans !). Comment avez-vous abordé ce travail, et quels ont été les défis techniques à relever ?
C’était en effet un pari osé et nous avons eu beaucoup de plaisir à réinventer les marmottes. La difficulté majeure à été de trouver un look qui soit à la fois moderne et réaliste mais qui ne dénature pas la marmotte que nous connaissons tous. |
Puis c’est l’animation, le fur et le rendu qui ont suscité le plus de challenges puisqu’ils étaient garants de ce réalisme. A chaque demande de modification d’animation de la marmotte il fallait trouver le bon compromis pour ne pas avoir de problème de pénétration des poils dans les props par exemple. C’est grâce à une équipe d’artistes 2d/3d de grand talent et à l’expertise du superviseur vfx Thomas Nautin que nous sommes arrivés à ce résultat ! |
3DVF : Pour Nikon, le spot La Grenouille met en scène un batracien qui saute tout d’abord de branche en branche, avant d’être filmé en plan serré. Quelques mots sur ce projet ?
Sur ce projet nous avions une plus petite équipe mais tout aussi talentueuse !! Le film a été fait sur une très courte période de temps il a donc fallu trouver des astuces pour aller droit au but tout en gardant un haut niveau d’exigence sur le résultat final qui se veut photo-réaliste. |
Le plus difficile n’aura finalement pas été la grenouille (dont le réalisme est vraiment au rendez-vous) mais un des mouvements de caméra qu’il a fallu recréer complètement. C’est grace à la prouesse technique du superviseur Emeric Samier que le challenge à été remporté avec brio. |
3DVF : Enfin, pour La Poste Mobile, vous avez supervisé la post-production de deux spots d’une même campagne mais aux effets très différents : espace, rentrée atmosphérique et crash dans le premier cas, scène sous-marine avec un requin affamé dans la seconde. Comment avez-vous géré et supervisé le projet ? Quelles ont été les principales difficultés ? |
Cette campagne a été un réel plaisir à réaliser !!
J’ai eu l’opportunité de pouvoir travailler en parfaite synergie avec le superviseur Manuel Quinto qui avait une vision déjà très précise du résultat final et des contraintes techniques. Ensemble nous avons déterminé des profils très spécialisés en fonction des films et tout au long de la production il y a eu un vrai travail collaboratif avec le réalisateur Vincent Lobelle qui lui-même était très impliqué. Nous n’avons rencontrés aucune réelle difficulté sur ces projets tant nous étions tournés vers un but commun : produire de jolis films ! |
3DVF : La supervision implique de gérer des tâches très variées : suivi de projet, gestion des plannings, respect du budget mais aussi travail avec le client… Sur des projets comme ceux que nous venons d’aborder, quels éléments sont les plus délicats à maîtriser au quotidien ?
En effet ! Je pense que le plus complexe reste toujours la gestion humaine (client, réal, agence, production, etc), le reste ne sont que des contraintes et des problématiques techniques ou logistiques qui donc trouvent facilement une solution. 3DVF : D’un projet à l’autre, la taille des équipes peut varier énormément. Quel est l’impact de ce facteur lors de la supervision de la post-production ? Souvent dans une grosse équipe chaque rôle est très défini et pour gagner du temps et que l’info soit relayée correctement, je ne m’adresse qu’au superviseur ou éventuellement aux leads des départements si besoin, cela fonctionne comme une mécanique bien huilée si chacun fait sa part du travail et communique. |
3DVF : Le marché regorge de solutions de suivi de production qui promettent toutes de travailler plus efficacement. En pratique, Que pensez-vous de l’état actuel de ces outils ?
Je pense que ces outils sont très bien développés pour le long métrage ou la série mais pas optimum pour de la pub ou du clip. Je leur reproche aussi un certain manque de souplesse et d’une interface plus évidente… Nous ne sommes en général pas ou peu formés sur ces softs et lorsque nous les utilisons cela devrait être plus instinctif. Je pense par exemple à Shotgun qui est très puissant mais prend trop de temps à mettre en place sur une prod pub qui peut durer seulement 2/3 semaines. Dans certains studio comme chez BUF nous avions un logiciel maison qui permettait de rassembler planning, suivi, salaire, licences et tâches. C’était un bon outil même si, une fois encore, ce n’était pas très sexy en terme d’interface. 3DVF : Outre les projets évoqués plus haut, vous travaillez actuellement sur des oeuvres numériques en vue d’une future exposition. Pouvez-vous nous en dire plus ? Quelles thématiques seront explorées ? Je suis partie d’un constat simple c’est que bien souvent dans les oeuvres numériques on tombe vite soit dans un univers onirique un peu enfantin, soit ça relève plus de la science-fiction et on tombe de suite dans le chaos et la noirceur. J’ai ainsi voulu prendre le contre-pied et diffuser la lumière… Mes images même si parfois surréalistes et/ou sombres montrent l’après chaos, l’après la chute, l’évolution, l’adaptation, la lumière, la transmutation, la vie… L’expo est encore en cours de construction et sera l’amorce d’un projet à plus grande échelle (concept interactif et immersif) mais pour le moment ça reste confidentiel. 😉 |
3DVF : Vous travaillez actuellement en tant que DA/monteuse officielle du teaser de Pippin, une comédie musicale initialement créée dans les années 70, et qui va pour la première fois être jouée en français. Quels sont les enjeux de votre travail sur le projet, et comment les avez-vous abordés ? On imagine que les spécificités de la comédie musicale nécessitent un traitement particulier…Et bien, oui et cela touche à sa fin ! Nous sommes loin du teaser façon blockbuster mais ça n’était pas l’idée. J’ai intégré ce projet un peu en dernière minute, je n’ai donc pas pu avoir tout le matériel nécessaire sur le tournage (caméra, lumiere, prise son), nous avons donc fait avec les moyens du bord. C’est un exercice difficile de filmer et monter la danse mais quand en plus ça chante et que le montage n’est pas votre coeur de métier… Je vous laisse imaginer le lipsynch sur un montage 2 caméras avec un piano live et un tempo qui varie d’une prise à l’autre 😉 L’enjeu est de taille car outre les versions courtes pour les réseaux sociaux, ces montages vont servir à séduire les producteurs et investisseurs. Cela étant je pense que le talent de mon ami Michael Perreira de Broadway in Paris, ses associés ses artistes, émanent naturellement de ce Sizzle reel et que grace à cela il n’aura aucun mal à convaincre. |
3DVF : Comment voyez-vous l’évolution de votre carrière dans les années à venir ?
Davantage dans la direction artistique, le concept et la réalisation, beaucoup moins dans la supervision de post-production. J’aimerais réussir à mettre mes compétences au service de l’artistique et pouvoir utiliser mes connaissances techniques… Il y a peut-être là un nouveau concept à créer tout simplement ! 3DVF : Auriez-vous des conseils pour les jeunes artistes qui souhaiteraient s’orienter vers vos différentes spécialités ? Être à l’écoute de tout et de tous mais ne retenir que ce qui sert votre art ! Cultiver ses qualités relationnelles / interpersonnelles et savoir se remettre en question. Et surtout rester ouvert, curieux et continuer à appendre en permanence. Pour en savoir plus – Le site de Julia Kerguelen ; – Son profil LinkedIn. |