Illustration : ©Art Graphique & Patrimoine
3DVF : Quel était l’objectif de la numérisation du Mont-Saint-Michel ?
AGP : Pour le Mont-Saint-Michel, nous avons travaillé sur plusieurs missions entre 2014 et 2018, dans le cadre des travaux de restauration et diagnostic, en lien avec le gestionnaire du site, le Centre des Monuments Nationaux et l’architecte en chef du monument historique. |
Ce fut un long travail d’interprétation scientifique, mené de concertation avec une historienne de l’art experte de la période romane du Mont. |
3DVF : Comment se passe la collaboration avec les scientifiques ?
Il y a des échanges continus tout au long de l’avancée du projet et certaines étapes sont soumises à des validations intermédiaires. |
En 2014 nous avons numérisé la Victoire de Samothrace, exposée au Louvre, avant et après sa restauration. Nous étions en lien avec l’Ingénieur d’études du Musée du Louvre (Ludovic Laugier) et les échanges ont porté entre autres sur des hypothèses de reconstitutions de la sculpture originale (position des bras, restitution de la tête). |
3DVF : Pouvez-vous revenir sur un de vos projets BIM ?
Nous avons travaillé l’an passé sur la Villa Majorelle, chef-d’œuvre Art Nouveau de l’architecte Henri Sauvage, construite à Nancy au début du 20ème siècle. La ville souhaitait acquérir une base de données complète sur cet ouvrage exceptionnel, afin de faciliter la restauration et la gestion de l’édifice, bientôt rouvert au public. |
Nous avons effectué un relevé 3D complet par laser et drone, à l’intérieur et à l’extérieur de la villa. Cette base de mesure a permis la réalisation d’une maquette 3D paramétrique : un vrai double numérique de la Villa originale.
Ce modèle 3D permettra aussi de concevoir à terme des outils de médiation destinés au grand public, et notamment aux personnes à mobilité réduite qui pourraient par exemple visiter les étages virtuellement. |
Illustration : ©Art Graphique & Patrimoine
3DVF : Lors d’une numérisation 3D, comment choisissez-vous la technique utilisée ?
Chaque projet est différent. Nous choisissons et associons les techniques, à la fois en fonction du résultat que nous voulons obtenir et en prenant en compte les contraintes spécifiques au site. |
3DVF : De nombreux outils ont émergé pour la numérisation, qu’il s’agisse de matériel ou logiciels. Comment choisissez-vous vos ressources techniques ?
Nous choisissons la technique en fonction de l’objet de notre intervention et surtout en fonction du résultat et de la précision que l’on souhaite obtenir.. |
3DVF : Vous travaillez à la fois sur des projets de grande ampleur et d’autres qui ont un périmètre plus restreint. On imagine donc que les durées des projets aussi sont très variables…
Oui. Cela dépend toujours de la nature du projet : surface à numériser, traitement souhaité, conception et production d’un outil de médiation… Dans ce dernier cas, un projet peut prendre en moyenne de 3 à 6 mois. Pour les projets de relevé, les opérations peuvent varier d’une demi-journée à quelques jours de terrain auxquels il faut rajouter les jours de traitement des données. Il s’agit d’une durée très indicative, car nous avons parfois des chantiers de grande envergure (tel que le Mont-Saint-Michel ou le Palais de Justice de Paris), où la numérisation peut s’étaler sur des semaines ou même des mois. De même, pour les œuvres d’art, tout dépend s’il s’agit d’un élément unique, d’une collection entière… et puis tout dépend des dimensions, du traitement, du livrable prévu… |
3DVF : Est-il délicat d’avoir à gérer des projets de durées aussi variables ?
Non, d’autant que nous avons l’habitude de travailler sur plusieurs projets en parallèle ; au total, nous intervenons sur une cinquantaine de projets chaque année. Il est très courant que les projets se chevauchent et nous travaillons avec un rythme très intense. |
3DVF : Vous avez récemment travaillé sur une reconstitution historique du Palais de Darius à Suse (Iran), pour le Musée du Louvre. Pouvez-vous nous en dire plus ?
L’objectif était de restituer la grandeur de ce palais du 6ème siècle avant notre ère, dont le Département des Antiquités Orientales du Louvre possède des fragments : nous avons donc numérisé en 3D ces éléments de la décoration architecturale, puis procédé à une opération « d’anastylose », pour intégrer ces vestiges dans leur contexte original. Frises, chapiteaux de colonne, reliefs sculptés sont aujourd’hui difficilement intelligibles par le grand public, sans une vision globale des architectures. Grâce au film 3D, les visiteurs parviennent plus facilement à faire le lien entre les objets exposés et le contexte historique. |
Ci-dessous : – Des visiteurs du Louvre devant la borne permettant de visionner le film 3D. Plus loin, des artefacts provenant des fouilles du Palais de Darius, dont un chapiteau de colonne massif représentant deux taureaux agenouillés. – Quelques images extraites du film. |
Illustration : L’entrée monumentale avec les taureaux ailés protégeant le palais – ©Art Graphique & Patrimoine
Illustration : La cour intérieure décorée d’une frise de lions ailés et d’une frise d’archers – ©Art Graphique & Patrimoine
Illustration : L’Apadana ou « salle du trône » dans laquelle Darius tient audience – ©Art Graphique & Patrimoine
3DVF : Autre projet récent : la visite VR du Théâtre Antique d’Orange…
Il s’agit d’un film de médiation conçu pour Culturespaces, qui gère le site du Théâtre antique d’Orange. Pour ce projet nous avons travaillé avec le CIREVE de Caen (Centre Interdisciplinaire de Réalité Virtuelle) pour la documentation historique. |
Le film en réalité virtuelle dure 6 minutes et permet de devenir spectateur privilégié de l’histoire du lieu, de la fondation de la ville romaine jusqu’au premier spectacle dans le théâtre. Une salle immersive dédiée a été mise en place à Orange ; le public découvre le film en fin de visite, chacun équipé d’un casque fourni sur place. |
3DVF : Pendant plusieurs années, la plupart des institutions culturelles comme les musées étaient un peu réticentes à faire appel à la VR… Comment a évolué le marché ?
Depuis nos premiers essais fin 2016, la situation a un peu évolué, même s’il reste des freins, notamment en raison de contraintes dissuasives comme le manque d’espace disponible ou le besoin de personnel supplémentaire pour la gestion de l’équipement. |
A l’heure actuelle, la réalité virtuelle s’utilise plus volontiers pour les expositions temporaires. Les grands collectionneurs d’art contemporain voient aussi de plus en plus l’intérêt de cette technologie. Il y a peut-être moins de freins à l’étranger, notamment dans les musées. Il faut aussi préciser que ce genre d’activité nécessite une conception élaborée, qui sache mêler médiation, scénarisation, immersion et technologie. |
3DVF : Pour finir, quelques mots sur votre très récent projet pour le Musée d’Orsay ?
Nous avons produit un film 360° qui se visionne grâce à deux bornes pivotantes Timescope. En moins de 3 minutes, le film nous fait voyager à travers l’évolution architecturale du musée, ancienne gare en 1900, puis parking… Jusqu’à l’implantation du Musée d’art tel que nous le connaissons aujourd’hui. Les bornes sont situées à deux emplacements différents, ce qui permet d’avoir des points de vue distincts sur l’architecture intérieure. |
Pour en savoir plus
– Le site officiel d’Art Graphique & Patrimoine propose de nombreuses informations supplémentaires, dont une liste plus exhaustive des projets passés de l’entreprise. – Vous pouvez retrouver sur Google Play et l’App Store certaines applications créées par la société. |