Il y a quelques jours, nous évoquions dans les actualités quotidiennes 3DVF le projet Being Good : un proof of concept de long-métrage sous forme, pour le moment, d’un court.
Le court-métrage est réalisé par Jenny Harder, qui a opté pour une approche très décentralisée : plusieurs dizaines d’artistes répartis dans le monde entier. La plateforme de travail collaboratif Artella permet de faire fonctionner l’équipe. |
Nous vous proposons aujourd’hui une interview de l’équipe : la réalisatrice Jenny Harder, le superviseur lighting Edouard Sisternas ou encore le superviseur de l’animation Albert Barba ont accepté de revenir pour nous sur les origines de Being Good et sa fabrication. L’occasion d’évoquer Artella, XGen ou encore la gestion d’une équipe.
Notez que la campagne Kickstarter est active jusqu’au 26 octobre : n’hésitez pas à y jeter un oeil si le projet vous plaît, d’autant que l’objectif financier n’est pas encore atteint. |
3DVF : Being Good suit une adolescente nommée Embry et ses deux gardiens : l’ange Ava et le démon Mal. Comment est né le concept ?
Jenny Harder, réalisatrice : Embry est une adolescente prise entre deux cultures (elle est mi écossaise, mi allemande) en quête de son identité propre. Mal et Ava reflètent le conflit intérieur qui l’anime et mettent des mots sur ses désirs contradictoires. L’idée est née de ma propre expérience personnelle de vie à l’étranger et de découverte de la façon dont les cultures perçoivent différemment l’identité et la notion « d’être quelqu’un de bien ». |
3DVF : L’équipe compte une cinquantaine d’artistes : étudiants mais aussi vétérans issus de Disney, Dreamworks, ILM, Sony, Illumination Mac Guff, Blizzard, Blue Sky… Comment s’est fait le recrutement ? Est-il encore possible de rejoindre l’équipe ?
Jenny Harder : Oui, c’est possible ! Nous recherchons principalement des spécialistes en simulation hair/cloth en ce moment, ainsi que des illustrateurs pour notre artbook. Au total, plus de 80 personnes ont participé au projet, mais généralement seulement une trentaine sont actives à un moment donné. La plupart des membres du projet nous ont rejoint via la plateforme Artella. |
3DVF : Justement, revenons sur ce point. Vous avez donc choisi d’utiliser la plateforme collaborative Artella, qui soutient le film : étant donné le caractère décentralisé de l’équipe, l’outil est au coeur du projet. En pratique, est-ce qu’Artella correspond à vos attentes ? Y a-t-il des fonctions qui vous ont surpris positivement, ou au contraire des éléments qui mériteraient d’être améliorés ? Jenny Harder : Artella a été en phase de beta pendant près d’un an, et s’est constamment améliorée en termes de fonctionnalités. Son fondateur Bobby Beck est très accessible et lui et son équipe ont géré très rapidement tous les soucis que nous avons pu rencontrer. Ils ont aussi rajouté des fonctions comme les outils de reviewing video, et ils travaillent sur l’arrivée prochaine du support de la gestion d’une renderfarm. Les membres d’Artella peuvent rejoindre la formation d’un spécialiste pour découvrir en profondeur la puissance de la plateforme. Avoir un ou deux de ces spécialistes dans le projet a beaucoup aidé !Edouard Sisternas, superviseur lighting du projet, key lighter chez Illumination Mac Guff : J’avoue avoir été impressionné par Artella. Elle rassemble beaucoup de fonctionnalités présentes dans l’asset manager de gros studios (comme à Illumination Mac Guff par exemple). En pratique cela permet vraiment de versionner, locker et publier les assets et donc eviter les problèmes de pipe, encore plus quand tous le monde est à distance. De plus, comme je travaille sur plusieurs projets sur Artella, j ‘ai constaté que le passage d’un projet à l’autre se fait avec une facilité déconcertante. Il suffit d’installer le plugin Artella et les scènes dans Maya s’ouvrent par le système de navigation internet dédié ; au passage les variables d’environnement sont settées à la volée selon le projet sélectionné sur le site. Pour les mauvais points, je dirais qu’arrivé au rendu, il n’est pas encore complètement transparent niveau pipe avec la renderfarm et certain plugins (comme XGen par exemple). Un peu de dev en interne a été obligatoire. |
3DVF : Jenny Harder, en tant que réalisatrice comment gérez-vous le projet au quotidien ? Avec une équipe dispersée et qui travaille sur son temps libre, on imagine que la tâche n’est pas de tout repos..
Jenny Harder : C’est loin d’être reposant. Je travaille généralement le matin ou le soir, à côté de mon travail classique. Ainsi que durant le week-end. Edouard Sisternas : Jenny Harder est impressionnante. Disponible presque tous le temps, elle garde toujours le sourire et fait tout pour notre confort et notre bonne humeur. Résultat, l’implication et le professionnalisme des membres n’en est que plus fort, ce qui est vital pour arriver à faire un court à distance. |
3DVF : Quel est votre pipeline ? Quels outils logiciels avez-vous choisis, et quels critères ont déterminé vos choix ?
Jenny Harder : Nous utilisons Maya, Arnold et XGen (pour le hair). Les deux premiers sont parfaits, mais nous avons eu beaucoup de problèmes avec XGen et son pathing sous Artella, donc nous ne le recommanderions pas. Edouard Sisternas : Oui, XGen c’est une douleur sans nom ! L’équipe l’a choisi car il est gratuit, ultra puissant niveau look dev, c’est quand même développé par Disney à la base, mais niveau pipe, sans dev et des connaissances sur plusieurs domaines, il est tout simplement horrible. Pour ce qui est de ma partie, cela m’a mis 3 mois de retard pour tout fixer jusqu’à la farm et la méthode choisie au final l’a été par dépit : dans la scène de simulation, j’exporte un cache procedural .ass d’arnold et viens le lire par la suite dans mes scenes de lighting à travers les Stand-In d’Arnold. Cela permet de baker chemin de texture, look dev, shader et simulation, par contre bah… Il faut de l’espace de stockage quoi. Pour le coup, être à plein temps dessus aurais sûrement permis de trouver une approche beaucoup plus agréable pour le rendu.
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3DVF : Pour le rendu, allez-vous utiliser une renderfarm classique ? Une approche cloud/décentralisée ?
Jenny Harder : notre producteur Randy est en discussion avec quelques renderfarms, mais pour le moment c’est notre superviseur lighting Edouard Sisternas qui gère le rendu sur sa propre farm, ce qui aide énormément. Avec les fonds issus de la campagne nous espérons pouvoir financer le rendu complet du film. Edouard Sisternas : Il faut savoir que Bobby Beck, le boss d’Artella, faisait son projet de court dans le même temps. J’ai eu la chance de travailler dessus aussi et de comprendre ses ambitions pour Artella. Il a mis en priorité son equipe de dev Artella sur la compatibilité renderfarm cloud. Cependant il faut savoir que cela n’est certifié fonctionnel (pour l’instant) qu’avec les deux sociétés de cloud, celles dont son court métrage est client. L’inconvenient est que soit il faut accepter leurs tarifs, ou alors ils font un bon prix mais vous êtes très très basse priorité vis à vis des autres clients…. Par ailleurs, si on cumule le plugin Artella et ses spécificités ainsi que le pipeline d’XGen très volatile, je ne me sentais pas de devoir debugger à distance la farm dans une autre compagnie cloud, surtout avec les problemes de fuseau horaire, droits administrateur et le coût de rendu. Résultat j’ai opté pour de la renderfarm classique. La société NISC (un de nos sponsors) m’a trouvé des lames d’occasion sur mesure à des prix imbattables. J’ai installé les 12 nodes chez moi, j’ai une meilleur réactivité, un pipe fonctionnant avec Artella et XGen, pour un coût plus intéressant qu’avec les sociétés de cloud actuellement compatibles Artella. A noter qu’à partir de debut 2018, Artella devrait annoncer officiellement son partenariat avec ces deux sociétés de cloud et par la même occasion proposer une meilleure implémentation et un tarif préférentiel. |
3DVF : Quelques mots sur le character design, et en particulier celui du personnage principal, Embry ?
Jenny Harder : Comme je le disais en début d’interview, Embry est mi allemande, mi écossaise. Elle a passé la majeure partie de sa vie en Allemagne et est passionnée de slam, forme de poésie orale. Récemment, sa mère les a fait redéménager à Édimbourg, ce qui a conduit Embry à se sentir perdue, déconnectée de son ancien univers. Dans un acte de rébellion, elle décide de fuguer et rentrer vers ce qu’elle considère être chez elle, mais elle ne se doute pas qu’elle sera accompagnée par Mal et Ava.
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3DVF : Comment avez-vous abordé l’animation d’Embry ?
Jenny Harder : Notre Superviseur Animation Albert Barba a rejoint le projet très tôt. De cette façon il a pu aider à trouver les bons animateurs pour nous soutenir, et à assurer une qualité élevée de production. Albert Barba : Nous avons commencé à faire des essais d’animation en pré-production avec les animateurs, pour déterminer la personnalité de chaque personnage, y compris Embry. Nous avons découvert comment animer certains moments ou émotions, puis nous avons appliqué ces idées dans la production. Jenny Harder : Son feedback a été vital pour le style d’anomation choisi. Nous avons la plupart du temps fait 7 à 10 itérations sur chaque plan. |