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Rencontre avec Niels Prayer

Niels Prayer

Ces derniers mois, Niels Prayer a dévoilé plusieurs courts-métrage offrant un style particulier et une volonté de faire passer un sous-texte complexe. Nous avons donc voulu en savoir plus sur ce réalisateur, également art director/motion designer.
Voici donc une plongée dans son univers : Niels Prayer a accepté de revenir pour nous sur plusieurs de ses projets récents, ses méthodes de travail mais aussi sur la musique, une autre de ses passions.

2K17 – Design / Direction REEL from Niels PRAYER on Vimeo.

 

3DVF : Pour commencer, peux-tu nous présenter ton parcours en quelques mots ?

Niels Prayer : Bien sûr 🙂
À la sortie de l’Ecole Méliès en 2013, j’ai commencé à travailler chez Framestore à Londres, en tant que FX TD. De retour en France, j’ai pu travailler chez Illumination Macguff également en FX TD pendant près d’une année avant d’être FX Supervisor chez Supamonks pendant près de deux ans. Ce n’est que récemment que je me suis lancé en freelance, depuis 1 an à peu près, m’orientant plus sur des domaines comme le motion design ou la réalisation ; ramenant de plus en plus d’artistique dans mon paysage de technicien.

3DVF : Tu travailles actuellement en tant que motion designer, réalisateur et art director freelance. Pourquoi cette orientation ?

Venant des FX, j’ai commencé par m’amuser à créer des effets en tous genres, de plus en plus abstraits, et petit à petit, j’ai commencé à y inclure des thématiques ou des messages qui me parlent. Les tests sont devenus des petites séquences, et les séquences des petits courts-métrages ! Terrain de jeu idéal pour pouvoir s’entraîner à la fois, à créer des images et aussi à délivrer un message, créer une vraie identité, une ambiance, le tout en très peu de temps.
Quand on voit les génériques de certaines séries, ou des courts-métrages que peuvent faire les maitres dans ce domaine, je pense à des gens comme Patrick Clair et Ash Thorp ^^, je me dis qu’il y a un véritable potentiel et une nouvelle forme d’expression, de narration, que ce genre de format court permet. On aboutit à des pièces vraiment uniques, qu’un format comme le long métrage ne permet pas forcément…
Je me suis aperçu récemment que pour avoir une certaine liberté créative il faut créer une porosité entre la technique et l’artistique. Du coup, on crée par la même occasion une cohérence autour d’un projet. Le fait de pouvoir réaliser et de savoir comment on fabrique (ou de fabriquer soi-même) permet de faire les bons choix en fonction de ce qu’on veut raconter.
En tous cas, je m’entraîne et je travaille dans ce sens pour l’instant 🙂

WINTER from Niels PRAYER on Vimeo.

 

3DVF : Primitives, Marvelous Machines, Winter… Tu dévoiles régulièrement des courts-métrages avec un sous-texte poétique et une volonté de susciter la réflexion. Comment est venue l’idée de te lancer dans ces projets, et peux-tu nous expliquer cette démarche ?

J’ai toujours été sensible à une certaine poésie, presque une certaine mélancolie, sur la vie. Ce que j’essaie de faire à travers mes petits projets, c’est mettre cette sensation au service de thèmes qui m’affectent et dont j’ai envie de parler. Avec Marvelous machines, je parle d’IA mais en me focalisant sur la conscience et l’évolution. Primitives me permet de parler de technologie et de réel en jouant simplement sur la présence de l’un par rapport à l’autre, à distance, comme un observateur lointain. Et avec Winter, je voulais simplement donner vie à ces petites choses de l’hiver, et les rendre vivantes. Toujours avec ce regard à hauteur d’homme sur les choses qui nous entourent.

3DVF : Comment abordes-tu ces courts-métrages, du point de vue réalisation/direction artistique ? Commences-tu par une idée/un sous-texte, ou bien par imaginer certains plans ?

Le vrai piège lorsqu’on aime fabriquer des images, c’est de penser au visuel avant de penser à ce qu’on raconte. Avec mes derniers projets, je m’oblige à tout écrire. Je suis trop souvent tombé dans ce piège et arrivé à la fin, avec un projet que je ne reconnaissais pas vraiment. Du coup j’écris tout ! Pitch, scénario, note d’intention et note d’intention technique. Ça me permet de savoir ce que je fais et où je vais. Et surtout, la technique et les visuels découlent logiquement des réflexions faites sur papier. Ça me permet d’enlever le superflu et de garder que ce dont j’ai besoin pour raconter mon histoire. D’ailleurs, je m’aperçois que je deviens de plus en plus minimaliste :) ! Ainsi, du film global à l’image de chaque plan, je suis cohérent avec ce que je veux transmettre.

PRIMITIVES from Niels PRAYER on Vimeo.

 

3DVF : Le dernier court-métrage mis en ligne, « Primitives », évoque l’évolution du monde virtuel au sein du réel. Quel message souhaitais-tu faire passer ?

Primitives est une sorte de constat. À travers chacun des plans, l’élément graphique représentant le virtuel, étant lui-même quelque chose de virtuellement créé, prend de plus en plus de place au sein du shot, tourné en prises de vue réelle. On commence par ne voir qu’une silhouette à travers la forêt, d’une manière assez confuse. La contre-plongée nous permet de magnifier cela, où on lui donne un aspect presque religieux. Comme pouvait l’être la technologie à ses débuts. Puis elle devient aussi grosse qu’une montagne, puis qu’une vallée et enfin, prenant de plus en plus de place, ça devient une ombre gigantesque qui plane littéralement « sur nos cultures » avec une notion un peu plus négative dans le dernier plan. On ne distingue que ses contours mais on ne voit pas comment elle est fabriquée. (par exemple dans le plan de la montagne enneigée, où l’on peut voir sa structure, encore accessible)

3DVF : Sur le plan technique, comment as-tu travaillé, et quels ont été les points les plus délicats ?

Tout d’abord, je voulais le produire rapidement, et j’aime être efficace lorsque je commence un projet. Sachant que je n’avais pas le temps de tourner, j’ai passé beaucoup de temps à chercher des footages qui correspondaient à ma vision des plans. Il fallait que les compositions soient impeccables. Une fois les rushes trouvés, il y a une partie de tracking 3D, faite dans Nuke, puis j’exporte les scènes pour Houdini. En parallèle, je teste les différents éléments que je vais y intégrer, d’abord à part, puis dans les scènes. Je me crée des sortes de HDRi en fonction des rushes que j’ai et je passe beaucoup de temps à recréer le lighting pour que cela matche. Le rendu se fait dans Mantra, et enfin je composite dans After Effects. Pour ce projet-ci, il n’y avait pas vraiment de points délicats, j’avais une très claire idée de ce que je voulais, pour chaque étape, et tout s’est passé sans encombre. La partie tracking, peut-être, m’a pris plus de temps, car elle doit être faite avec soin, sinon la magie n’opère pas.

Marvelous Machines from Niels PRAYER on Vimeo.

 

3DVF : « Marvelous Machines », de son côté, utilise les thématiques de la conscience et de l’évolution, là encore au travers d’un fort symbolisme visuel. Peux-tu revenir sur ce projet, et notamment sur les plans visibles vers 1 min 24 s/1 min 50 s ?

Marvelous Machines brasse plusieurs idées. D’abord je trouvais intéressante l’idée qu’une machine puisse un jour trouver une limite à sa propre conscience. Une limite à la conscience globalisée, toute puissante. On assiste à leur opération pour créer artificiellement une évolution à leur condition, et résultant, dans la fabrication d’une âme au visage humain ; qui ici symbolise plus l’individu que l’être humain à proprement parler. Toute la mise en scène ramène cette idée de groupe aseptisé se faisant, au fil des plans, dépassé par l’entité qu’ils sont en train de créer. Bien entendu, l’idée du monolithe renvoie directement à 2001 : a Space Odyssey de Stanley Kubrick, où lui, se servait de celui-ci pour montrer ou activer une évolution radicale.

Je récupère ce code visuel, implanté dans notre culture populaire pour activer de manière inconsciente l’idée qu’on parle bien d’Evolution, chez les spectateurs.

Les inserts beaucoup plus conceptuels et abstraits représentent l’état d’avancement de conscience de la nouvelle entité créée. On commence simplement avec une ombre qui se détache du « rien », puis on retrouve une structure passive en standby, perdu dans les brumes de l’esprit, puis elle analyse son environnement (et d’ailleurs, c’est à ce moment que le monolithe se recouvre d’une sorte de peau : il devient sensible à ce qui l’entoure, de manière physique), puis enfin, atteint un niveau de conscience stable, complexe, avec des connexions, à la fois organisées mais très organiques, à l’instar d’un être humain. Tout ceci est très interprété mais c’est l’idée qui se cache sous tous ces plans.

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