Retour sur le court-métrage Boko Anana

Boko Anana
3DVF : Pouvez-vous revenir sur le personnage de Colin, en termes de design, rigging et animation ?

Franck s’est occupé du design de Colin. On voulait un design mignon, gentil afin de contraster avec la mascotte Boko.

Le film se passe le matin au petit-déjeuner, Colin vient de se lever et c’est pour cela qu’il porte un pyjama dépareillé et présente cet épi de cheveux caractéristique. Avec Julien, le modeleur nous avons fait de nombreux allers/retours. Nous avons eu beaucoup de chances car il avait comme nous cette volonté d’affiner le personnage dans les moindres détails. Un soin particulier a d’ailleurs été apporté à sa dentition car il devait y avoir un plan où l’on suivait un torrent de lait entraînant les céréales jusque dans le gosier de Colin.
Julien a ensuite créé les blendshapes selon les indications de Franck, puis Cyrill, le rigger, nous a fabriqué un setup aux petits oignons. C’est d’ailleurs sur Colin que Cyrill a pu mettre en place et peaufiner l’autorig qu’il utilise actuellement.

Franck a également pris en charge le design de l’essentiel de l’univers de Colin, que ce soit les props 3D qui remplissent la cuisine, les mattes du décor extérieur, ou encore le design du Robodriguezaure. Cela a permis d’assurer une cohérence dans l’univers du petit garçon.
Nous avons par ailleurs un peu cherché avant de trouver le nom de ce jouet tant convoité, et finalement Robodriguezaure ça sonne du tonnerre !

3DVF : De même, quelle a été votre approche pour Boko, le sanglier ?

Jeremy s’est occupé de la conception graphique de Boko. Nous avions choisi le vaudou parodie de la publicité. Et Boko devait renvoyer l’image de la manipulation, c’est pour cela qu’il a été pensé en « sorcier ». Nous devions faire une mascotte de céréales vaudou et en même temps, cool et attrayante…. Le sanglier était parfait et jamais vu, cet animal est sauvage, poilu griffu et un peu sale, mais comme il est violet ça le rend sympa et magique. Nous avons rajouté des tatouages, un os sur sa tête, de petites feuilles un gros collier et Boko était né.

C’est également Jérémy qui a prêté sa voix à Boko, ce cochon doit vraiment beaucoup à la personnalité et l’énergie de son créateur.

Nous nous sommes partagé les plans d’animation 2D. En matière d’animation, nous avons profité de la liberté de la 2D pour le métamorphoser, le faire disparaître ou apparaître en fumée, le tout accompagné d’effets vaudous et colorés. La difficulté avec Boko est qu’il est très dessiné : il a des tatouages, des dents, des poils, des bijoux et en plus il parle ! Tous ces détails rendent l’animation à chaque fois plus complexe.

Boko est accompagné de personnages secondaires tous designés par Jérémy. Ainsi le ptérodactyle, le lézard à batteur à oeuf, ou même la pinãta, possèdent tous des codes graphiques qui insistent naturellement sur leur filiation. Là encore, confier la création de ces personnages à la même personne permettait d’asseoir l’univers du cochon.
L’animation de tous ces personnages 2D a été un vrai régal.

Boko Anana

 

3DVF : A partir de la 50ème seconde environ, le court-métrage comporte une séquence assez déjantée avec une sorte de grand huit. Pouvez-vous revenir sur ce passage, au niveau technique et artistique ?

Ce plan de « ride psychédélique » est une manière de faire vivre l’expérience « Boko Anana » au spectateur. Boko, le sanglier gave Colin de ses céréales industrielles sucrées, le faisant glisser brutalement dans une autre dimension, son univers tout en 2D et musical, une espèce de monde bizarre,vaudou aux spots colorés. On y voit des céréales qui chantent, des fruits, et des totems Tiki baignant dans un immense bol de lait, puis on retrouve cet immense Boko qui ne fait finalement qu’une bouchée du petit garçon.

Nous avons commencé à écrire ce ride, le conceptualiser, nous avons fait beaucoup de concepts couleur, et regardé énormément de vidéos de roller-coasters.

Nous avons dû faire le plan du ride, des maquettes 3D… Puis nous l’avons présenté à Walter, un de nos amis animateurs, très doué pour les décors animés en 2D. Nous lui avons expliqué notre vision et présenté nos concepts, il les a digérés et nous a rendu ce plan fou. Nous souhaitions vraiment dédier ce plan à une personne différente car il nous fallait une ambiance différente de ce que nous avions déjà dans le reste du film.
C’est un plan à regarder image par image. On y voit même passer la tête de Jérémy sur quelques frames.
C’est Franck qui a assuré le compositing de ce plan monstreux. Là encore un travail de titan, Walter ayant animé plus d’une centaine d’éléments, la plupart du temps séparés sur plusieurs calques.
Ce plan aura demandé à lui seul près de deux mois de travail à Walter et pas loin de deux semaines de compositing.

3DVF : Quelques mots sur la partie rendu/compositing ?

Pour ce qui est du Rendu, la tâche a été partagée entre Romain, Guillaume et Franck. Pour le rendu du film, nous sommes restés assez proche des grands standards Pixar mais aussi de Meindbender. Pour la première partie, la partie « jour », nous avons voulu que l’image soit assez chaude, colorée et douce. Ensuite pour l’arrivée de Boko nous avons dû trouver des solutions techniques pour rendre l’ambiance « cabaret vaudou fluo » que nous désirions. Le travail de Benoit Debie sur « Spring Breakers » a été une de nos inspirations. Romain qui a posé l’essentiel des lights 3D a su brillamment transposer en 3D le colorscript de Franck.

C’est Guillaume qui s’est chargé des plans « pack shot » et « vague de céréales ».

Le plan packshot était un des plans clés car nous voulions vraiment que ce plan donne envie au spectateur de gouter aux céréales « Boko anana » ! Guillaume a fait un si bon boulot, que beaucoup nous demande si et où ils peuvent en acheter. Pour la « vague de céréales » Guillaume a dû créer deux réservoirs contenant des millions de céréales qu’il a fait se déverser dans la cuisine emportant Colin dans un autre monde. Ce fut un des plans les plus gourmands en ressource et des plus compliqués à rendre.

Franck a ensuite récupéré les rendus et compositings de Romain et Guillaume pour y incruster toute la 2D. Il en a profité pour affiner les détails et la colorimétrie, ajouter des spots dans la séquence de nuit…. Etant la dernière personne à travailler sur le film il a aussi dû réparer au compositing tous les minuscules petits détails qui avait échappé à notre vigilance jusque là : les bugs de pénétration dans la 3D, les sautes de cloth, de hair, les effets oubliés, les éléments voire les fichiers manquants, les trous dans la colo 2D…
Un travail méticuleux qui demande beaucoup de patience et d’amour !

Un exemple : sur un des plans, les sourcils de Colin ne voulaient absolument pas sortir proprement ; après de multiples essais, Franck a tout simplement fini par les animer en 2D sous TvPaint, et on n’y voit que du feu.
Franck a aussi apporté une vision « 2D » sur le compositing global.
Par exemple lorsque Boko commence à envahir l’univers de Colin en apportant son ambiance vaudou colorée, les lumières ont été partiellement traitées en 2D, peintes par Franck à même le plan.
Cela apporte une touche 2D dans l’univers 3D de Colin, qui souligne un Boko tentant de s’immiscer dans l’univers du petit garçon.
Même les céréales ont été « tatouées » de motifs vaudous durant la postprod 2D, laissant filtrer un peu plus l’univers 2D de Boko !

 

Boko Anana

 

3DVF : Quelles ont été les plus grosses difficultés rencontrées durant la production ?

La plus grosse difficulté que nous ayons rencontré a été le financement. Au début, nous avons tenté de passer par un financement classique, CNC, Cinéma 93, aides diverses… Nous avons reçu une aide de la mairie de Puteaux. Puis nous avons décidé de tenter le crowdfunding, via le site Touscoprod. Finalement 88 coprods ont crû au projet et aidé à financer le film.

Lorsque l’on a peu de budget, le film devient plus familial, on s’entraide… Mais on doit surtout se plier aux disponibilités de chacun. Nous avons été confronté à la règle « pas de budget, pas de deadline ».

Mais nous avons fait le maximum par nous-même, et donc nous avons dû multiplier les casquettes !

Nous avons aussi choisi de faire toujours au mieux pour le film, sans se soucier des difficultés techniques. C’est par exemple pour cela que le rythme du film repose entièrement sur la musique endiablée d’Olivier. Mais c’est aussi pour cela que le film mélange 2D et 3D, que les personnages parlent tous les deux, qu’il y a plusieurs ambiances, des vagues de particules et même un ride en 2D, ajoutant à chaque fois des difficultés supplémentaires.
Et c’est finalement toute cette richesse qui rend le film aussi unique et intéressant.

Présentation du projet « Boko Anana » from Boko Anana on Vimeo.

 

3DVF : Pour financer le court, vous avez lancé une campagne Touscoprod (dont la vidéo de présentation est visible ci-dessus), qui a rapporté près de 7800€. Comment avez-vous géré cette campagne ? Quels conseils donneriez-vous à d’autres artistes qui envisagent le financement participatif ?

Il faut avant tout que vous ayez bien conscience que, durant la campagne, vous n’allez faire que cela.
La communication autour de votre projet demande beaucoup de temps, présenter votre projet, envoyer des mails, poster sur des forums, créer des vidéos, des visuels…
Nous conseillons aussi d’aller aux réunions organisées par le site hébergeant la campagne. Elles sont très bien faites et les gens sont cools. Avant de faire une liste folle de contreparties, prenez le temps de bien tout chiffrer (coût et temps nécessaires à leur fabrication et leur envoi…)  et commencez à réfléchir à la façon dont vous aller concrètement réaliser ces contreparties. Dans le budget, n’oubliez pas non plus de prendre en compte la rémunération du site internet.
La première majorité des sponsors sera votre cercle proche (vos amis, votre famille…), ensuite cela passera par le bouche à oreille, et vous toucherez de nouvelles personnes en fonction de votre projet et de la qualité de votre communication.
C’est très dur de toucher les gens extérieurs à ce premier cercle, surtout pour un dessin animé. Les gens qui ne sont pas dans le milieu n’imaginent pas les budgets nécessaires à la production d’un film.

Prenez également le temps de bien choisir le site qui hébergera votre campagne de crowdfunding. Ce choix s’effectue essentiellement en fonction des tarifs, et des prestations offertes, mais également en fonction de la visibilité/fréquentation de la plateforme et de sa ligne éditoriale.

Avec cette campagne de crowdfunding, nous avons plus encore dû assumer plusieurs rôles : Nous n’étions plus que de simples réalisateurs, nous avons dû apprendre à êtres chargés de communication, et pour la réalisation des contreparties nous avons aussi dû apprendre à démarcher des prestataires, maquetter un ArtBook ou encore créer un DVD. Tout cela demande encore une fois beaucoup de temps.

Finalement  la campagne nous a appris à communiquer sur un projet et surtout nous a permis de commencer à faire connaître « Boko Anana ».
Nous sommes encore en train de finaliser les dernières contreparties, mais certaines personnes ont déjà un livre « Art of Boko Anana » dans leur bibliothèque ou encore un bol « Boko Anana » pour le petit dej’. Et toutes en sont très heureuses.
La force du crowdfounding c’est de fédérer des gens autour d’un projet.

 

3DVF : Pour finir, quels sont projets actuels ou à venir ?

Après cette longue aventure en binôme, nous avons tous les deux des projets plus personnels que nous aimerions maintenant réaliser.
Franck aimerait sortir un album de bande dessinée et s’intéresse de plus en plus au mélange de techniques. De son côté Jérémy commence à réfléchir à d’autres réalisations.
Mais nous restons ouverts à toute proposition !

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