Laval 2016 : retour sur le salon

Laval Virtual

Tables rondes : la VR se cherche encore

Les tables rondes, accessibles directement au sein du salon, sont souvent l’occasion de découvrir quelques projets atypiques, mais aussi d’avoir un bon ressenti de la situation du secteur abordé.

Nous avons pour commencer assisté à la demi-journée « VR@Home », consacrée à l’arrivée des premiers casques de VR autour de plusieurs thématiques : premiers constats et retours, production de contenu, canaux de diffusion.
Voici quelques éléments qui en sont ressortis :

VR : les premiers retours

Cécilia Lejeune, présidente de la Virtual Association (qui fait découvrir et promeut la VR) a tout d’abord souligné qu’une bonne partie du grand public ne fait pas de réelle différence entre un casque type Gear VR et un HTC Vive, malgré la qualité des graphismes supérieure dans le second cas. Pour eux, la VR est de la VR, point.
Un sentiment en partie partagé par Mathieu Muller de Unity Technologies, qui a ajouté que le photoréalisme est beaucoup moins important en réalité vituelle que pour du jeu vidéo classique. Des visuels simples « marchent » tout aussi bien, grâce à la sensation d’immersion.

L’importance de la création d’applications de qualité a été soulignée avec force par Philippe Fuchs, professeur aux Mines Paris Tech et spécialiste de longue date de la VR. Il rappelle que le matériel ne fait pas tout : un jeu en VR mal conçu peut faire vomir n’importe qui en moins de 5 minutes. Il est donc capital de bien gérer la cohérence spatiale entre mouvements réels et VR, mais aussi de prendre en compte la diversité de la population.
Puisque beaucoup ne supportent pas le relief, il peut être intéressant de proposer un mode monoscopique en VR (la même image sera affichée pour les deux yeux, ce qui supprime le relief tout en conservant les autres capacités du casque). Il a également rappelé que notre système sensoriel n’est pas conçu pour gérer les montagnes russes ou le vol dans la vie réelle : il est donc logique que ce type d’application provoque des problèmes en VR.

Cécila Lejeune
Cécilia Lejeune

 

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Philipe Fuchs
Philipe Fuchs

Philippe Fuchs connait bien ces problématiques de santé : il a participé à la mise en place par l’ANSES des recommandations de sécurité autour du relief. Celles-ci préconisent notamment de ne pas proposer de relief aux enfants et jeunes adolescents, car leur système visuel n’est pas finalisé.

Hervé Fontaine de HTC, de son côté, a expliqué que l’équipe HTC Vive forme les développeurs pour éviter ces désagréments. Il a donné quelques pistes : en VR, la téléportation instantanée est bien mieux supportée qu’une translation (qui crée un décalage entre le ressenti et le visuel). Il a aussi souligné l’importance du son spatialisé, qui facilite en prime les interactions.
L’utilisateur type du casque de VR, a-t-il poursuivi, n’est pas celui auquel on peut s’attendre : beaucoup de clients HTC Vive sont situés dans un foyer de type CSP+, avec au moins trois personnes. Si le jeu est évidemment un usage majeur, de nombreux utilisateurs souhaitent utiliser la VR pour visionner des vidéos, voir du sport en étant au plus près de l’action et… Faire du shopping.
Autre point intéressant : alors que beaucoup craignent une isolation liée à la VR, Hervé Fontaine peint une image très différente des usages. Selon lui, de nombreux utilisateurs jouent avec leurs amis ; ces derniers, même sans porter de casque, regardent et commentent. Proposer une copie de la vue VR sur un autre écran (télévision, PC) est donc important.
En bref : la vision de la réalité virtuelle par HTC est tout sauf celle d’un isolement inéluctable.

 

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VR : création de contenus

La seconde table ronde, de même que la keynote « VR émotionnelle » qui a suivi, ont été l’occasion de rentrer plus en profondeur dans la question des contenus.

Emmanuel Forsans, président de l’AFJV (Agence Française pour le Jeu Vidéo) a cadré le coeur du problème : passé « l’effet wow » des premiers essais en réalité virtuelle, un effet « et puis après ? » risque fort de survenir.
Il a souligné un risque important : le portage de jeux sans la moindre adaptation pour la VR, qui conduira à des oeuvres décevantes.

Il souhaite voir émerger des concepteurs complets, qui ne seraient pas uniquement spécialistes VR ou spécialistes en jeu vidéo ou serious game, mais les deux à la fois. Il met toutefois en garde contre la possibilité de formations centrées sur la réalité virtuelle : le risque serait de créer une offre bien trop importante par rapport au marché des quelques années à venir. Il se prononce davantage en faveur d’une expérience en VR au sein des écoles, dans des formations non spécialisées.

Du côté des jeux vidéo, Mathieu Muller de Unity Technologies a souligné que la VR est reine en matière de ressenti : vertige, intimidation, claustrophobie fonctionnent parfaitement. Il a même ajouté que les gens ont tendance à « respecter » les contenus, davantage que dans les jeux classiques : les utilisateurs éviteront les trous, contourneront les meubles, ne s’approcheront pas d’un incendie virtuel.

 

 

La société Diakse a mis en avant sa propre solution : cette jeune start-up parisienne se propose de mettre en situation des produits au sein d’environnements panoramiques, par exemple un appartement dans lequel on trouvera des meubles à acheter. L’entreprise vise donc l’e-commerce, et plus particulièrement les secteurs du luxe, de l’habitat, de l’art.

Pour Julien Berthomier, CEO/fondateur de l’entreprise, il ne s’agit surtout pas de recréer en VR des magasins classiques : vouloir générer des doubles virtuels de supermarchés ou centres commerciaux n’a strictement aucun intérêt pour le client final (même si cette approche peut avoir du sens en amont de l’aménagement d’un magasin physique). En revanche, les utilisateurs peuvent avoir envie de dépaysement : acheter des meubles sur mars ou des oeuvres d’art dans un environnement totalement imaginaire est possible. De même, de nouveaux mécanismes (téléportation, étagères quasi infinies) peuvent transformer la façon dont le commerce est géré.

La vidéo a également été évoquée. Pour Emmanuel Forsans, la vidéo VR grand public ne va pas aboutir à de la « vraie » VR de qualité, mais permettra de démocratiser la technologie et favorisera les ventes de casques.

Un point de vue partagé par OKIO Studio, société justement spécialisée dans la création de films en réalité virtuelle déjà évoquée dans ce dossier. La grammaire de la VR est naissante, et bien des procédés restent à découvrir : les constats d’aujourd’hui seront sans doute à revoir dans trois ans. L’entreprise a notamment conseillé de travailler au avec des caméras fixes, qui posent pour de problème de ressenti.
Le studio a également insisté sur la difficulté de monter un film en VR : si lors d’une coupe l’action se situe derrière le spectateur, il y a un réel problème. Il faut donc prévoir le montage dès l’écriture.

Face aux dérives potentielles, à de la « mauvaise VR » qui pourrait dérouter le grand public comme ont pu le faire des films au relief mal géré, la tentation est évidemment de standardiser les créations via des chartes ou labels.
Chez Unity Technologies, on préfère éviter cette approche au profit de simple conseils, sous forme de guidelines. Même réfléxion pour Emmanuel Forsans, qui voit dans les labels un risque de formatage du contenu. En revanche, les guidelines pourront servir de guide utile aux créateurs, qui auront la garantie d’aller dans la bonne direction.

 

Erik Geslin

 

Erik Geslin, Senior Game Producer et doctorant dans le domaine des jeux vidéo et de l’émotion, a présenté dans sa keynote quelques conseils adaptés au jeu vidéo mais qui pourront aussi servir en vidéo.
Il recommande en VR le format épisodique court, plutôt que de trop longues sessions. Il a aussi et surtout souligné l’intérêt de « Bernardo Agents » : des personnages non jouables qui ne sont pas le centre de l’attention, mais invitent le joueur à regarder dans la direction souhaitée par les créateurs du projet. Ses émotions, son regard, sa posture et ses gestes aident à guider le joueur.

Une prochaine étape, dans quelques années, sera de créer des agents numériques capables de savoir ce que ressent le joueur, à l’aide de tracking du regard, des expressions faciales du joueur, de son rythme cardiaque, etc.
Enfin, il déconseille les cutscenes pour le jeu en VR : selon lui, le passage soudain de la première à la troisième personne favorise les malaises sensoriels.

Ci-dessous : conférence du NIFF au cours de laquelle Erik Geslin aborde la notion de Bernardo Agent.

 

 

 

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