Interview avec Hugo Cierzniak , réalisateur du court-métrage Dip N Dance

3DVF – Ce parti-pris a-t-il aussi eu une influence à d’autres niveaux, notamment sur le rendu ?

Hugo Cierzniak : Nous avons longtemps essayé de rendre cet effet « peint à la main » directement en 3D en explorant plusieurs pistes, mais je me suis vite rendu compte qu’on n’y arriverait pas. Il aurait fallu prendre le temps de développer un plug-in, ou je ne sais quoi qui interpénétrerait des informations extraites du logiciel, etc. Vu que l’on n’avait pas le moindre budget et pas vraiment de temps de s’y consacrer, après un rapide test, j’ai opté pour le rotopaint. 

Cette décision a aussi eu une influence sur les décors, qui sont essentiellement des mattes-painting, parfois camera mappés lorsqu’il y avait un mouvement de camera un peu compliqué. Cela a permis d’intégrer facilement et de manière cohérente la pléiade d’effets spéciaux créés en 2D , qui auraient été interminables à faire en 3D. Cette technique nous a permis aussi d’intégrer le chien, qui est entièrement animé en 2D. En effet, la création d’un chien en 3D pour un plan 10 secondes n’aurait pas été très pertinent, mais ce rendu graphique nous a permis d’intégrer deux personnages conçus complètement différents (l’un en 2D, l’autre en 3D) sans que cela se remarque à l’écran.

La chose à laquelle je n’avais pas forcément pensé à la base, c’est de devoir composer avec les « styles » de chacun. C’est-à-dire que chaque graphiste avait plus ou moins sa manière de travailler et qu’il n’était pas évident de se conformer au style graphique du film quand il s’agissait de repeindre image par image. Ce qui fait qu’on peut parfois sentir quelques différences d’un plan à l’autre et qu’il a fallu sélectionner les graphistes en fonction de leur façon de travailler et des besoins du plan. Mais dans l’ensemble, je trouve le résultat plus que satisfaisant.

 

 

3DVF – La direction artistique est très colorée dans l’ensemble, avec des teintes souvent assez vives.
Pourquoi ce choix ?

Hugo Cierzniak : Pour ce qui concerne la première partie du film, qui présente le personnage ainsi que le décor dans lequel il évolue, l’idée était de montrer le luxe et la stabilité. J’avais donc penché pour des teintes chaleureuses, tirant vers les jaunes, ocres et rouges. Ensuite, le choix des couleurs vives pour les différentes musiques se justifiait par le choix des musiques. Les teintes un peu sépia pour l’électroswing, le rose bonbon/violet pour le striptease cabaret, le rouge-noir-jaune pour le flamenco et l’ambiance un peu arena battle dans les tons marrons pour le breakdance… Tous ces choix coulaient de source.

 

Ensuite, pour la séquence onirique où tout le mobilier se rebelle contre le personnage, les changements de couleur vives permettent de faire des ellipses pour passer facilement d’une scène à l’autre, de dynamiser la mise en scène et d’exacerber les émotions du personnages. Un peu comme quand dans une case de BD, on peint toute la case en rouge pour montrer qu’il a mal, ou en vert pour montrer qu’il est nauséeux. De toute façon, il était défini dès la base du scénario que le personnage allait en voir de toutes les couleurs !


 

3DVF – Y a-t-il eu d’autres sources d’inspiration pour le court ?

Hugo Cierzniak : Visuellement, en dehors de Reflexion des Planktoon et de Yoshi Tamura, il y a aussi les films d’Alexandre Petrov, et notamment le vieil homme et la mer.  Il y avait une super pub réalisée par Psyop pour Twinings  avec deux sœurs jumelles rousses qui offrait aussi une esthétique peinte très séduisante. « Omar end Titles » de Yasmeen Fanari m’avait beaucoup impressionné, ainsi que le générique de « The Pillars of Earth » ou encore les travaux de Em Cooper qui prouvent bien que de chouettes résultats peuvent être obtenus, pour peu que l’on fasse preuve d’un peu de patience et de beaucoup de talent !

Pour le personnage, côté hautain, orgueilleux, narcissique et vaniteux, il y avait bien entendu l’excellent « Loves Me Loves Me Not « de Jeff Newitt et vous l’aurez tous deviné, « Presto » de Doug Sweetland. Pour l’animation, j’ai dû faire d’énormes recherches de références pour les danses. Et pour l’acting du personnage qui doit agir contre sa volonté, on peut citer Ratatouille, lorsque Linguini est sous l’emprise de Rémi, ou encore la séquence du joueur de flûte dans Shrek 4 et le clip de Fatboy slim « Push the tempo » qui résume bien l’idée.

 

3DVF – Si le film ne compte qu’un seul personnage, le travail d’animation n‘en resta pas moins conséquent puisque celui-ci danse beaucoup! Parle-nous du rigging et de l’animation, que ce soit pour le corps ou le visage.

Hugo Cierzniak : Étant moi-même animateur et voulant mettre un point d’honneur à l’animation sur ce film, j’ai fait appel à deux excellents amis graphistes pour la création du personnage. Mathieu Navarro, modeleur d’excellence qui sévit actuellement en tant que superviseur chez Nwave et qui a assuré la modélisation du personnage principal du film, et Cédric Nicolas, que l’on ne cite plus et qui sévit pour sa part un peu partout dans le monde et qui a assuré le rigging et le skinning du personnage en partie grâce à son autorig Puppet Soul. J’ai géré moi-même les blendshapes afin d’obtenir exactement les expressions que je voulais, et grâce à ce travail commun, j’ai eu l’occasion d’avoir le personnage dont je rêvais dans les mains et ce fut un véritable régal à animer.

3DVF – La musique a un rôle central dans le film. Comment et quand a-t-elle été composée et enregistrée ?

Hugo Cierzniak : Quasiment toutes les musiques ont été composées pour film et en amont de l’animation par Patrick Martens. Il n’était pas imaginable de faire danser le personnage sans avoir les musiques définitives. Le rapport entre l’image et la bande-son est effectivement très important sur ce film. Il y a néanmoins de rares séquences – notamment la séquence d’introduction où l’on présente le décor et le personnage – pour lesquelles la musique aura été finalisée après l’animation, mais il y avait toujours une base solide sur laquelle commencer à animer.

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