Infographiste Québécois indépendant, Jocelyn Simard alias Strob a travaillé sur de nombreux projets, le plus connu étant le court Iron Baby, de Patrick Boivin. |
Nous vous proposons aujourd’hui de revenir sur sa carrière, ses méthodes de travail et son « one man Studio » d’animation et VFX, StrobFX. Il évoque également ses projets récents et sa vision du marché canadien. |
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Bonjour Jocelyn, et merci d’avoir accepté cette interview. Peux-tu te présenter en quelques lignes ? Jocelyn Simard alias Strob : Mon nom est Jocelyn Simard et mon nom de clavier est Strob. Je suis Québécois natif de la ville de Québec que j’ai quittée dans la vingtaine pour la métropole, Montréal, afin de poursuivre une carrière dans l’animation 3D. Ça fait maintenant 20 ans que j’utilise 3DS Max pour créer des effets spéciaux et animations 3D pour la publicité, le jeu vidéo, le cinéma, la télé et le web. Les projets pour lesquels je suis le plus connu sont Iron Baby et, plus localement, une émission de télé Québécoise appelé Phylactère Cola. Sur un plan personnel je suis marié et heureux père d’un petit garçon appelé Yamato ! |
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Quel a été ton parcours avant StrobFx ? Mon parcours a commencé à l’enfance lorsque je me suis mis à dessiner, en particulier des bandes dessinées. Assez jeune j’ai caressé le rêve de devenir bédéiste. Étant enfant, j’ai même photocopié et assemblé mes propres fanzines. Par la suite j’ai rejoint un club de bande dessinée où j’ai rencontré plusieurs artistes aspirants bédéistes avec qui poursuivre ce rêve mais avec un certains groupe d’entre eux, je me suis mis à bifurquer vers le monde de la production vidéo et c’est là que je me suis mis à troquer la plume pour la souris et le clavier et un logiciel appelé 3D Studio 4 sur DOS . J’ai poursuivi des études en design industriel simplement dans le but d’apprendre et de pouvoir utiliser ce logiciel. Car il faut se rappeler qu’à l’époque il n’existait pas vraiment de cours d’animation 3D pour le divertissement. Les premiers cours étaient aussi pas mal chers pour apprendre bien peu de choses tandis que les études en design au niveau collégial étaient pour moi gratuites. Finalement, je n’ai jamais suivi le cours de 3ds max en design industriel car j’ai appris par moi-même avant d’être rendu à ce cours qui ne se donnait qu’en 2e année de design. Le prof m’a tout simplement crédité le cours voyant ce que j’avais fait. C’est donc là que j’ai appris à apprendre par moi-même, ce que j’ai toujours continué intensivement de faire depuis.
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Ci-dessous et plus bas : planches de bandes dessinées par Strob. Une galerie rassemble d’autres planches, en HD. |
Ci-dessus, publicité pour le DVD de Phylactère Cola. Les courts sont visibles sur Youtube. |
Parallèlement à mes études, en 1995, avec mon groupe d’environ 9 bédéistes dès lors doublés de vidéastes, qu’on appelait à l’époque Alliage, nous avons créé une émission de télé appelé Phylactère Cola (voir aussi wikipedia) qui était sensée au départ être une émission informative sur la bande dessinée mais qui est vite devenue une émission à sketchs dans le genre de l’émission de télé britannique Monty Python’s Flying Circus. Une des particularités de cette émission à sketch c’était que tout était fait par 9 artistes (nous étions acteurs, accessoiristes, costumiers, un de nous musicien etc.) Cette émission fut d’abord diffusée sur un canal communautaire pendant une année (nous n’étions pas payés) mais par la suite, après plusieurs années à faire survivre le concept par des événements dans des bars (expositions d’illustrations ou prestations de bandes dessinées improvisées en direct toujours accompagnées de projections vidéo et aussi par la diffusion de bande VHS que nous produisions et distribuions par nos maigres moyens) après quelques déboires, nous réussîmes à obtenir un contrat de diffusion avec un vrai poste de télé (télé-québec) pendant 2 ans, ce qui nous permettra d’établir un véritable studio de cinéma dans un grand garage avec green screen, section costume, décors, maquillage et station de travail 3D et de montage en ligne. Pendant toutes ces années nous avons appris énormément sur la production vidéo et moi sur les effets spéciaux autant 3D que de maquillage avec prothèses de latex et accessoires en créant des centaines de courts métrages. Ce fut en quelque sorte notre université de la production vidéo sauf qu’au lieu de s’endetter comme bien des étudiants, nous étions payés pour apprendre ! L’émission fut aussi vendue et diffusée en Espagne et en Finlande et a aussi gagné quelques prix. Parallèlement à cela j’ai décroché un emploi en animation 3D chez Ubisoft, en 1998, pour la modélisation de décor in-game. J’ai aussi été employé dans une boite d’animation 3D pour la pub télé à Québec appelé Interstation. Après les 2 années de l’émission Phylactère Cola à télé-Québec, travail qui m’avait fait quitter Ubisoft Montréal pour revenir à Québec, et bien je suis retourné à Montréal encore chez Ubisoft mais cette fois dans le département de cinématique qui comptait environ 70 personnes à l’époque. Là j’ai travaillé sur les cinématiques de jeu comme Prince of Persia et Myst IV. J’ai beaucoup appris pendant mes quelques années chez Ubisoft qui était un véritable nid de gens talentueux. Par contre les salaires étaient très bas ! J’adorais les cinématiques de Jeux et la 3d stylisée qu’elles permettaient mais étant passionné de cinéma je voulais vraiment travailler sur des effets spéciaux pour des films au grand écran. J’ai donc quitté Ubisoft pour travailler dans quelques boites où il était parfois possible de toucher à quelques effets pour le cinéma entre deux séries télé. Je me suis rendu compte que lorsqu’on travaille sur des projets de cinéma il faut vraiment aimer le projet en question car on peut passer énormément de temps à peaufiner les plus infimes détails. Et il y a environ 7 ans j’ai démarré mon propre studio à domicile. Sans même faire de publicité à part mon site web, j’ai réussi à très bien gagner ma vie de cette façon depuis ce temps. Je travaille surtout sur des projets de publicité dont je préfère le rythme. Des contrats des quelques semaines parfois quelques mois. Et de temps en temps, j’ai même la chance de travailler sur des courts métrages purement artistiques pour mes amis réalisateurs. |
Ci-dessus et ci-dessous : les locaux de StrobFX. |
StrobFx est ton « one man VFX Studio » basé à Montréal. Au fil des années j’ai travaillé dans plusieurs endroits différents mais après 1 an ou deux au même endroit je n’étais jamais satisfait et j’avais le goût du changement qui me trottait toujours dans la tête. C’est vraiment par pur goût personnel que j’en suis venu à m’établir à mon propre compte. Cela rejoint mon ancien rêve d’être bédéiste : le côté hermite de l’emploi m’attirait. Ce n’est pas que je n’aime pas les gens au contraire ! J’adore voir du monde dans mes loisirs mais j’aime travailler en solitaire comme le disait Picasso « Sans grande solitude aucun travail sérieux n’est possible ». Ce que j’aime le plus avec mon propre studio c’est de pouvoir choisir mes outils de travail, mes logiciels, aménager mon propre espace et avoir mon propre équipement dédié. Lorsqu’il y a un problème je n’ai pas à soumettre de requête à un autre département et attendre 3 mois que le budget soit approuvé et que ce soit réglé, je règle plutôt la chose dans l’heure. J’aime bien aussi assumer tous les rôles et toucher un peu à tout. J’assemble moi-même mes stations de travail et ma ferme de rendu en choisissant méticuleusement chaque pièce et surtout je crée mes animation du début à la fin parfois du design au compositing. J’aime toucher à tout et je déteste la routine. Le seul point négatif est la perte de contrôle qu’on peut avoir parfois sur le nombre d’heures à mettre dans un projet, les clients étant souvent imprévisibles et n’ayant la plupart du temps personne d’autre sur qui compter pour terminer l’ouvrage. Ce qui fait que souvent on se retrouve à ne plus pouvoir dormir et à n’avoir aucune vie à part le travail. Mais c’est souvent la même chose au sein des studios sauf qu’à domicile on fait nos heures supplémentaires chez-soi et pour moi ça fait toute la différence. La chose que je détestais le plus lorsque j’étais employé était de ne pas pouvoir rentrer chez-moi pour le repas du soir ! Enfin je me suis lancé dans cette démarche dès que j’ai eu la possibilité de le faire. J’ai eu l’opportunité d’avoir un premier long contrat avec le court métrage I, Pet Goat II et les autres ont suivis sans arrêt depuis. Il faut dire aussi que la technologie avait évolué assez pour qu’une personne seule, polyvalente et bien organisée puisse entreprendre des projets tout de mêmes très sophistiqués en un laps de temps très compétitif. Aussi le coût du hardware permettait à une personne qui sait magasiner et mettre la main à la pâte de se monter un render farm très respectable. |
Quels services proposes-tu, quelles sont tes spécialités ? Je propose des services d’artiste 3D à tout faire : animation 3D et effets visuels pour la pub le jeu vidéo, cinéma et web. Je fais tout du modeling au compositing, en passant par la simulation de fluide, particules, eau , feu fumée, supervision de set et photo HDRI 360 sur les sites de tournages. J’offre aussi mon render farm lorqu’il est disponible. |
Lorsque j’étais employé dans les studios on me plaçait souvent au département de FX : simulation de fluide et particules pour la simple raison que c’était le poste le plus difficile à combler. Mais j’adore aussi modéliser, rigger, animer, compositer et alterner d’un à l’autre pour fuir la routine. |