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MOI – Moment of Inspiration



Présentation de Moment Of Inspiration
( MOI )



 

 

 

Deux univers

Il existe deux grandes familles de création en 3D. La première famille est la famille polygonale, que nous connaissons tous et utilisons régulièrement. Un modèle y est décrit en terme de faces, arêtes et sommets. Les maillages produits apportent une grande souplesse car il est possible de modifier individuellement la position des facettes, leur orientation ou leur taille.

 

 

   La seconde famille est la famille des NURBS, beaucoup moins connue des utilisateurs de logiciels polygonaux. Cette famille travaille à partir de courbes et de surfaces produites mathématiquement. On n’y trouve aucune facette, mais une description paramétrée de surfaces et de solides. Les logiciels dits « CAD » se taillent la part du lion dans les domaines liés au design ou à la création de prototypes. En effet, ils permettent des prouesses que sont incapables d’accomplir les logiciels polygonaux : courbes harmonieuses sans facettage, booléens et congés parfaits, rapidité de création liée à des historiques de construction.

Le problème est que ces deux familles sont peu compatibles entre elles. Leurs philosophies très différentes de description des modèles font que la conversion d’un type de modèle à l’autre est très délicate à réaliser. En général, les programmes de CAO proposent ainsi un export polygonal triangulé chaotique, peu adéquat, et sans aucune coordonnées UV. Quant à la transformation polygones vers NURBS, elle n’est tout simplement pas exploitée ( à l’exception peut-être du pionnier qu’était Amapi Pro ).

 

 

Pourquoi un tel manque de communication ? Tout simplement parce que nos deux familles exploitent deux domaines très distincts de la 3D. Lorsqu’on travaille avec un logiciel comme Rhino ou Solidworks, l’export polygonal est presque accessoire ( excepté peut-être dans le domaine de la stéréolithographie ), car le logiciel est souvent en communication plus ou moins directe avec les machines de prototypage.

Nous manquons donc, encore aujourd’hui, de logiciels permettant de concevoir en NURBS des objets destinés ensuite à être exportés en polygonal. C’est bien dommage, car aucun programme ne peut actuellement rivaliser avec les NURBS en ce qui concerne la production de modèles mécaniques ou design.



 La grande force et l’originalité de MOI est d’introduire chez les fanas de polygones une alternative simple et efficace à la création de modèles. Ce logiciel est plus qu’une bouffée d’air frais, c’est une véritable passerelle entre deux mondes que tout oppose.

Revue d’un logiciel qui pourrait bien changer votre vision des NURBS et de la modélisation. Rien que ça…

 

L’interface

Il y a de cela pas mal de temps, un logiciel naissait, qui voulait proposer les NURBS aux concepteurs de manière démocratique. L’équipe embaucha un stagiaire, qui leur fournit une interface ergonomique et un format de fichier devenu depuis le temps ultra-populaire : le format 3DM. Ce jeune stagiaire se nommait Michael Gibson, et le logiciel en plein développement…
Rhino. Autant dire que le sieur Gibson n’a rien d’un débutant, et lorsqu’il affiche la volonté de mettre à portée de chacun la puissance et la souplesse des NURBS, on a tendance à l’écouter.

L’interface de MOI est un modèle de simplicité. Passé l’impression de « jouet », elle se révèle compacte et très rapide à assimiler. Chaque groupe de fonctions est rangé dans une boîte dédiée : courbes, solides, édition, construction… Cliquez sur une fonction générique : aussitôt, les boutons se réarrangent et les sous-fonctions apparaissent. En haut de l’écran surgissent alors les différentes options et le modus operandi de la fonction sélectionné. Simple, clair, efficace.

 

 

 

L’interface de MOI fait la part belle aux fenêtres de vue.
1
-Deux onglets de fonctions, Construct et Transform
2– En cliquant sur Rotate, les boutons se réarrangent pour faire apparaître les variantes possibles

 

 

 

Dans la mesure où le développeur a participé au développement de Rhino, il a repris les idées qui ont popularisé son grand frère. Ainsi, un clic droit permet de rappeler la dernière fonction utilisée ou de valider un choix. Autre exemple : vous pouvez créer vos courbes en passant, au cours d’un même tracé, indifféremment d’une fenêtre à l’autre. Michael a privilégié la légèreté et l’ergonomie pour que n’importe quel utilisateur n’ayant jamais eu affaire aux NURBS puisse rapidement prendre ses marques. Ce qui ne l’empêche pas de creuser des sillons originaux : ainsi le logiciel peut se piloter entièrement au stylet et à la palette graphique. L’artiste peut donc tracer des courbes à main levée et conserver la spontanéité de son sens artistique. Un système de pavé numérique permet même d’entrer n’importe quelle valeur sans avoir à aucun moment besoin du clavier.

 

Les tracés

 

On pourrait se laisser berner par l’apparente simplicité de l’interface et décider que MOI n’est qu’une amusette, un de ces sharewares vous permettant de vous « mettre » à la 3D. Il n’en est rien. Certaines fonctions sont très puissantes, d’autres absentes de logiciels NURBS haut de gamme, tel la redoutable exportation polygonale.

Parlons tout d’abord des courbes : MOI propose des tracés de courbes par points de contrôle ou par points directs, de même que la création de polygones ou de courbes à main levée. La création de cercles, d’ellipses et d’arcs s’effectue par l’intermédiaire de nombreuses options : cercles par 2 points, 3 points, par le centre ou tangents. Des outils de tracé très pratiques permettent de limiter une courbe par une autre, ou au contraire d’en employer une comme limite au prolongement d’une autre. A tout moment, il est possible de basculer entre un affichage complet des points d’une courbe, et un affichage lissé, sans point. A noter que ce lissage de grande qualité, grâce à un anti-aliasing poussé, fait beaucoup pour le confort et l’agrément d’utilisation du logiciel.

 

 

Un tracé réalisé dans MOI. Notez la qualité de lissage des formes.

 

 

 

Bien entendu, un logiciel CAD ne serait pas complet sans les fameuses accroches, sortes d’aides intelligentes vous indiquant si vous vous trouvez sur une ligne, au milieu de celle-ci ou à son extrémité. Mieux encore, au moment de tracer une autre courbe, promener le pointeur aura pour conséquence d’afficher automatiquement les endroits remarquables où débuter un tracé : perpendicularité, le long d’un axe, etc… Il devient alors très simple de créer rapidement des esquisses complexes… sans compter la possibilité d’importer et exporter en standard au format Illustrator. De nombreux graphistes désirant créer précisément et rapidement des schémas 2D font régulièrement appel aux logiciels CAD, dont MOI.

Une fonction très utile est apportée par les lignes de construction. Lorsqu’une fonction quelconque est sélectionnée, ces lignes permettent de créer rapidement des aides au tracé. Il suffit pour cela de cliquer et glisser : une ligne de construction apparaît en pointillés, qui répond aux mêmes accroches que les courbes classiques. Vous pouvez en dessiner autant que vous le désirez et vous en servir pour effectuer des tracés complexes, car elles peuvent aussi être déplacées ou réorientées vers un point donné. Dès que vous quittez la fonction, les lignes disparaissent pour ne pas surcharger les fenêtres de vue.

 

 

Les lignes de construction en action. Pour relier ces deux droites, je trace une ligne de construction en pointillés,
puis je relie les deux droites grâce aux nombreuses accorches disponibles ( ici, Fin, Intersection et Perpendiculaire ).

 

 

 

Les surfaces

Je passerai rapidement sur les primitives, classiques, en signalant simplement la possibilité de générer du texte à partir de n’importe quelle police. Les fonctions de création de surface sont nombreuses : outre l’extrusion et la création par rotation de courbes autour d’un axe, MOI propose la génération de surfaces tendues à partir de courbes. Il n’oublie pas non plus les surfaces de Gordon et de Coons que vous créez en cliquant sur des courbes interconnectées… ou non, car MOI n’exige pas une parfaite conojnction des courbes. Celles-ci peuvent même se trouver fort éloignées les unes des autres. Une fonction de joint très puissante permet de raccorder différentes courbes entre elles, une autre dite de tubage permet de translater une forme de base en suivant un ou plusieurs rails. La projection d’une courbe sur un plan n’est pas oubliée, pas plus que la création de coques depuis un volume, ou la création d’une intersection entre deux surfaces.

 

 

La fonction Tubage possède de nombreuses options, dont la création de formes suivant un rail.
( Crédit image : Pilou )

Création d’une surface de Gordon sans que les courbes soient jointes !
( Crédit image : Pilou )

 

 

 

Les booléens sont en général les grandes vedettes des logiciels NURBS car ceux-ci donnent des résultats très propres, à l’opposé du fouillis proposé par les logiciels polygonaux.

MOI ne fait pas exception à la règle, et les outils proposés sont très versatiles : avec une même fonction, on peut réaliser des actions sur des types d’éléments différents. Un exemple : la fonction Soustraire fonctionne aussi bien sur des volumes que sur des courbes, ou même sur un mélange volumes/courbes. Vous pouvez ainsi effectuer un « trim » grâce à des courbes sur un solide, et obtenir un solide découpé en plusieurs morceaux. L’intersection est elle aussi très puissante, puisque au-delà de l’utilisation de la fonction entre deux volumes, vous pouvez très bien créer deux courbes sur deux plans distincts, et obtenir un volume grâce à leur Intersection ! Derrière la fonction Coupe, enfin, se trouve en fait la création de Manifold, ou volume fermé produit à partir de l’intersection de plusieurs surfaces entre elles. On le voit, MOI entre avec cette première version directement dans la cour des grands en ce qui concerne la palette d’outils proposés.

 

 

A gauche : en haut, les formes originales. En-dessous, résultat de la fonction Intersection. En bas, résultat de la fonction Coupe.
A droite : en haut, les deux courbes d’origine. En-dessous, la fonction Intersection génère un volume à partir de l’intersection des deux courbes !
En bas, il suffit de modifier l’une des courbes pour que le volume résultant soit aussitôt mis à jour.

 

 

 

Je l’ai déjà dit, cette versatilité des booléens se retrouve de manière générale. Quelque soit la fonction employée, l’effet produit sera différent suivant les éléments sur lesquels vous la réalisez. Afin de découvrir toutes les subtilités du logiciel, vous devrez donc à un moment ou à un autre vous plonger dans la lecture détaillée du manuel d’utilisation. Celui-ci, au demeurant fort court et en français ( merci à Frenchy Pilou pour son gros travail de traduction sur la documentation et l’interface ), vous permettra de vous extasier devant tel ou tel outil : ça alors, je pouvais utiliser cette fonction pour faire ça !
Bien entendu, vous trouverez aussi ce qui contribue à la popularité des NURBS, à savoir les congés et autres chanfreins parfaits.

 


Historique, masquage, sélection

 

Les fonctions permettant de créer des surfaces à base de courbes ont en commun de posséder un historique : il vous suffit de modifier la forme d’une courbe pour qu’aussitôt la surface soit recalculée en temps réel. On pourrait baptiser cette interactivité « historique restreint », dans la mesure où elle ne s’effectue pas sur tous les éléments construits à l’instar d’un Solidworks ou d’un Shark. Mais elle existe, elle est efficace et consomme peu de ressources. C’est le même type d’historique que l’on trouve dans des logiciels plus évolués tels que Rhino 4. Notez que vous pouvez d’ailleurs à tout moment activer ou désactiver cette fonctionnalité.
Côté affichage, un interrupteur permet de masquer ou d’afficher les éléments sélectionnés à l’écran. Ce système est simple et facile à employer. Hélas, il trouve vite ses limites dans le cas de modèles complexes, et l’on se retrouve vite à tenter vainement de jongler entre les deux seuls états Visible ou Masqué. Un système de calques aurait été le bienvenu, mais Michael y travaille pour la version 2, ainsi que sur d’autres fonctions avancées qui devraient propulser le logiciel à un niveau de qualité supérieur.
Côté sélection, en revanche, le système est un modèle d’ergonomie. Cliquez d’abord sur un objet pour le sélectionner : vous avez alors accès aux différents éléments le constituant, courbes et surfaces. Ceux-ci apparaissent surlignés au moment où vous les survolez avec le pointeur. Difficile de faire mieux. Dans le même ordre d’idée, MOI emploie un système de sélection différentiel. Derrière ce mot un tantinet pompeux se cache une astuce très simple : en dessinant une fenêtre de sélection depuis la gauche vers la droite, vous sélectionnerez uniquement les éléments entièrement présents dans la fenêtre. De la droite vers la gauche, en revanche, il vous suffira d’englober une partie des éléments pour les sélectionner.

 

Fonctions diverses

 

MOI permet de fermer facilement des ouvertures sur les modèles ou de créer un plan entre différentes courbes, tout ceci grâce à une même fonction. Il permet aussi de charger une image de référence dans n’importe quelle fenêtre de vue, et même plusieurs images dans plusieurs fenêtres. La mise en place de ces images est un modèle d’ergonomie, vous pouvez même à tout moment manipuler telle ou telle image directement dans la vue pour la déplacer ou la redimensionner. Vous pouvez aussi choisir de montrer l’image devant ou derrière les objets, ou même de régler leur niveau de transparence !

 

 

Des images de référence à gogo !
En haut à droite, les fonctions permettant de gérer un nombre quelconque d’images, de les cacher, les afficher, régler leur transparence

 

 

Enfin, les options de manipulation et de réplication sont complètes, avec la possibilité de créer des réplications polaires, rectangulaire ou selon une courbe. De même, une même fonction permet d’aligner points ou objets 3D de manière interactive, le tout s’accompagnant de plusieurs options.

 

 

Exportation

 

Les options d’import/d’export de MOI, d’un point de vue CAD, sont tout ce qu’il y a de plus classiques : 3DM et IGS.
En revanche, là où le logiciel force le respect est dans ses possibilités d’exportation en maillage polygonal. Certes, il ne brille pas par la quantité de formats supportés ( OBJ, STL, 3DS et LWO ), mais par l’excellente qualité du maillage produit. Le plus souvent, en CAO, les possibilités d’exportation sous forme de triangles sont purement anecdotiques. Les maillages produits sont de piètre qualité, avec un assemblage de triangles accolés au petit bonheur, sans ordre, les plus grands côtoyant les plus petits sans que l’on puisse discerner une logique de création. Dans ces conditions, il devient très difficile, voire impossible de retoucher ou modifier dans un logiciel 3D classique ces modèles qui n’ont de polygonal que le nom.

 

 

Une création architecturale dans MOI…

 

 

 

Vous l’avez compris, MOI change totalement la donne, au point de faire figure de premier vrai logiciel passerelle entre les univers CAD et polygonaux. Ici, non seulement les maillages sont propres et les triangles convenablement et régulièrement générés, mais le logiciel se permet de proposer en standard des options pour créer des quadrangles et des N-Gons ! En d’autres termes, lorsque vous disposerez par exemple d’un couvercle possédant 8 côtés, MOI ne produira pas une multitude de triangles mais bel et bien un seul polygone à 8 côtés.
Il est alors très simple de retravailler et modifier les maillages produits dans n’importe quel logiciel polygonal. Même des logiciels comme Rhino, ou très hauts de gamme comme Solidworks, ne présentent pas un tel niveau de qualité dans les objets exportés. Rien que par ce filtre CAO/polygonal, MOI se pose en outil idéal de passage entre les deux standards. Des logiciels professionnels tels que Shark FX ont bien compris l’attrait de posséder de tels filtres de conversion puissants et marchent à leur tour sur les pas de ce petit surdoué.

 

 

… et son rendu dans Cinema 4D. Splendide !

 

 

Communauté

 

Encore restreinte mais en plein essor, la communauté de MOI s’organise autour de M. Gibson, exemplaire en terme de réactivité et de convivialité. On sent que MOI est son bébé, et qu’il met tous ses efforts à améliorer l’expérience des utilisateurs. Que ce soit par mail ou sur le forum, Michael écoute, propose, discute, et met en application dans son logiciel les demandes des utilisateurs. Rarement une société aura été autant à l’écoute de sa communauté.

 

 

Conclusion

 

Au terme de 4 ans de développement, et derrière l’enseigne Triple Squid Software derrière laquelle officie un seul homme, Michael Gibson nous propose un produit robuste, souple, accessible. Certes, cette première version n’est pas à prendre comme un foudre de guerre du niveau de Solidworks, mais il est porteur de suffisamment de fonctionnalités pour vous permettre de mener à bien des projets de complexité moyenne. Plus que tout cela, le potentiel d’évolution du logiciel est parmi les plus importants qu’il nous a été donné de voir récemment. En bref, cette version 1 augure du meilleur pour les versions suivantes et constitue d’ors et déjà un petit bijou d’ergonomie.

 

 

Les domaines d’utilisation de MOI sont très nombreux, allant de la conception urbaine…
… à la joaillerie !

 

 

 

La révolution que propose MOI n’est pas technique, car d’autres logiciels plus onéreux le dépassent sans peine. Elle est de l’ordre de l’accessibilité, et ce à trois niveaux.

 – Au niveau facilité d’accès, MOI est incontournable si vous souhaitez vous initier au monde des NURBS.

– D’un point vue communication, MOI lance un formidable pont entre les univers polygonaux et NURBS, et l’on rencontre de plus en plus d’utilisateurs polygonaux qui utilisent MOI pour créer rapidement des objets design ou des éléments mécaniques.

– Enfin, troisième point, MOI est accessible d’un point de vue financier. Il occupe à lui tout seul une niche inexistante dans le monde du CAD, et fait de plus en plus figure de petit musclé parmi les grands, à l’instar d’un Silo au rapport qualité-prix imbattable. Si un jour l’interopérabilité entre polygonal et NURBS devient une réalité, si un jour les créateurs et artistes utilisent les logiciels CAD pour certaines tâches comme ils le font pour les logiciels polygonaux, MOI y aura sans aucun doute été pour quelque chose. Car ce petit logiciel qui a tout d’un grand fait plus que mettre à la portée de chacun un domaine réputé complexe : il ouvre une porte entre deux philosophies 3D opposés.

 

 


Plus :
– Facilité d’utilisation
– Grande qualité des modèles polygonaux exportés
– Puissance et souplesse des fonctions
– Temps d’apprentissage très court
– Prix bas (139 euros HT)

Moins :
– Absence de calques pour la manipulation de scènes complexes
– La librairie NURBS employée par le logiciel n’est pas exempte de bugs, dont MOI est la victime indirecte

 

Plus d’informations sur Moment Of Inspiration :
https://moi3d.com/

 

Rédigé par Alexis Flamand
Remerciements : Frenchy Pilou pour sa relecture,
Steph 3D pour ses modèles

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