Paul Debevec : acteurs numériques photoréalistes et interview

Paul Debevec

Après la conférence, Debevec a bien voulu accorder quelques minutes à 3DVF ; nous lui avons donc posé des questions sur sa vision du secteur (et notamment la question des VFX) mais aussi sur l’avenir de l’infographie.

Nous remercions à nouveau le Paris ACM SIGGRAPH sans qui cette interview n’aurait pu se faire.

 

Paul Debevec

 

3DVF : Vous travaillez régulièrement avec des artistes VFX ; que pensez-vous de la crise qui traverse le milieu, et des solutions à apporter ?

Paul Debevec : Il y a deux grandes idées actuellement : un syndicat formé par et pour les artistes, et une organisation commerciale entre studios. Scott Ross, fondateur de Digital Domain, propose une organisation et tente de la mettre sur pied ; il y a beaucoup de participation. Ca aurait le potentiel, par exemple, de ne plus accepter les devis au montant figé, quelles que soient les modifications du projet ou des délais. C’est sans doute le problème majeur à l’heure actuelle.

Carré vert

3DVF : Une initiative avec le même but (organisation commerciale) avait été lancée il y a quelques années et avait totalement échoué… Les choses seront-elles différentes cette fois-ci ?

P.D. : Je ne connais pas les détails de l’initiative précédente, mais je sais en tous cas qu’il y a eu une réunion samedi dernier [Le 20/04/2013, NDLR], la seconde d’une série de rencontres.
Je pense que les acteurs concernés sont plus sérieux sur ce sujet et que Scott a réussi a intéresser un certain nombre de gens. Il semble que la mise en place d’une organisation soit, à l’heure actuelle, une option réaliste pour régler ce problème.

Le secteur doit aussi gérer d’autres problèmes : l’outsourcing et les crédits d’impôts. Si ces fameux « tax credits » restent en place, ça sera un problème, les studios cherchant à en bénéficier. Mais il faut réaliser qu’il s’agit d’une vision à court terme. Les studios font des choix qui détruisent l’industrie VFX locale. Or une grande partie de ce qui fait les VFX actuels en termes de qualité provient de ce que ces studios ont pu faire par le passé, de leur expertise. Je ne sais pas si l’on peut attendre les mêmes avancées sur la qualité et les possibilités des VFX si les studios ne cherchent pas l’industrie VFX à se développer et ne la soutiennent pas quand elle en a besoin.

J’espère donc que les studios changeront d’approche, auront une vision à long terme et agiront en conséquence.

 

 

3DVF : Rappelons que vous êtes le vice-président d’ACM SIGGRAPH ; que peut-on attendre de l’évènement dans les années à venir ?

P.D. : Je pense que nous allons voir une hausse du contenu au SIGGRAPH, qu’il s’agisse des publications ou des projets d’animation.
Nous devrions aussi voir le SIGGRAPH augmenter sa présence et son implication dans d’autres secteurs, pas seulement dans les VFX et les jeux vidéo (même si je pense que ces derniers seront amenés à prendre de l’importance dans le SIGGRAPH). D’autres domaines sont amenés à être représentés : impression 3D, infographie au service de traitements, agents humains numériques… Il y a de nombreux domaines émergents liés à notre secteur et le SIGGRAPH est très ouvert à ce niveau pour les accueillir. L’augmentation des capacités et la baisse des coûts de l’infographie permettent d’envisager son utilisation dans des secteurs totalement nouveaux.

3DVF : Vous avez indiqué durant votre présentation que Benjamin Button était sans doute le film le plus réussi avec un humain en 3D ; pensez-vous que l’on soit sortis de l’uncanny valley ?
Y a-t-il encore du travail pour s’en libérer définitivement ?

P.D. : Je pense que c’est semblable au fait que nous sommes allés sur la Lune plusieurs fois dans notre histoire, mais sans avoir encore établi de base permanente. Button était Apollo 11, il y a eu quelques réussites depuis… Mais le défi de la prochaine génération est de réussir à créer une base permanente, d’avoir un processus économique, répétable, efficace et fiable. Je pense que l’on s’en rapproche, et j’espère que bientôt davantage de productions (et pas seulement les productions hollywhoodiennnes à gros budget) pourront faire appel à ce type de technique.

 

Paul Debevec

Debevec entouré d’une partie de l’équipe du Paris ACM SIGGRAPH.
De gauche à droite : Thierry Frey, Paul Debevec, Pierre Hénon, Cécile Welker.

3DVF : Durant votre carrière, vous êtes passé d’un sujet à l’autre : image-based modeling, image-based lighting, système light stage et acteurs numériques, affichages 3D… Avez-vous déjà un nouveau sujet en tête ?

P.D. : Pour le moment nous travaillons beaucoup sur les systèmes d’affichage holographique de corps humains complets, et nous voulons être capable de créer un affichage donnant l’impression que vous êtes en face d’une personne réelle. Nous nous intéressons aussi à la question de l’interaction avec ces hologrammes, nous travaillons donc avec des groupes de recherche centrés sur l’intelligence artificielle pour étudier ces questions et créer des personnalités de synthèse qui seront utiles pour différents usages. Le but étant que les gens y croient et ne soient pas rebutés, effrayés par ces personnages.

3DVF : Vous avez donc encore quelques années de travail au moins de prévues sur ce sujet…

P.D. : Je crois que nous avons une bonne vingtaine d’années !

3DVF : Suivez- vous d’autres sujets en lien avec la 3D, même si vous ne travaillez pas spécifiquement dessus ?

P.D. : J’aime l’impression 3D, le domaine évolue beaucoup en ce moment. Nous suivons aussi les algorithmes d’éclairage de peau, d’illumination globale, le rendu 3D temps réel… Autant de sujets qui intéressent l’équipe.

 

Paul Debevec

Paul Debevec après la conférence, lors d’un pot qui a permis au public présent de lui poser de nombreuses questions.

3DVF : Vous êtes toujours le lead developper du logiciel HDRshop, qui permet de créer et manipuler des images HDR, par exemple pour l’image-based lighting.
Comment le produit va-t-il évoluer ?

P.D. : Il y a une nouvelle version 3.1 qui va bientôt sortir. Nous avons un très bon système d’assemblage d’images HDR. Nous portons l’interface utilisateur sur Qt, nous aurons donc des versions Linux et Mac, peut-être dans le courant de l’année. C’est une information qui n’avait pas encore été rendue publique !
Nous allons proposer un certain nombre de nouvelles fonctions et corrections de bugs, un comportement plus robuste du logiciel. Nous l’utilisons d’ailleurs tout le temps au laboratoire, nous sommes donc heureux de pouvoir lancer une nouvelle version.

Pour en savoir plus

– Le site officiel de Paul Debevec. On y trouvera les derniers travaux de recherche auxquels il a participé, mais aussi de nombreuses informations sur l’ensemble de sa carrière.
– Sa Page Youtube.

– Le site du Paris ACM SIGGRAPH, organisateur de la rencontre.

 

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