Image d’entête : Données de l’IGN – données originales téléchargées sur https://geoservices.ign.fr/lidarhd, mise à jour le 9 février 2022
Mise à jour : ajout d’informations supplémentaires sur la technique utilisée, les limitations actuelles et l’export des données, suite à des questions reçues sur les réseaux sociaux, correction d’une erreur sur les dimensions des dalles téléchargées.
En juillet 2021, nous vous présentions le projet LIDAR HD de l’IGN (Institut national de l’information géographique et forestière, affilié à l’Etat français).
Rappelons-en le concept : l’objectif est de numériser en 3D l’ensemble de la France, y compris l’Outremer (à l’exception de la Guyane qui fera l’objet d’un plan spécifique). Le tout grâce à la technologie LiDAR, qui permet de numériser les reliefs du terrain par avion ainsi que les éléments comme la végétation, les bâtiments.
L’IGN a dévoilé un premier bilan de ce programme, avec mise à disposition publique d’une partie des données : vous trouverez en fin d’article un tutoriel pour télécharger et visualiser ces nuages de points, proposés sous licence libre (utilisation commerciale autorisée).
Qu’est-ce que le LiDAR ?
Le principe technique du LiDAR, en bref, se rapproche de celui du radar : il consiste à envoyer des impulsions laser infrarouges vers le sol à haute fréquence (plusieurs centaines de milliers d’impulsions par seconde), puis à enregistrer le temps mis par ces impulsions pour être renvoyées par le sol vers l’avion, ce qui permet d’en déduire la position des points ciblés. Le tout vient alimenter un modèle 3D global du terrain composé d’un très grand nombre de points, d’où le nom de « nuage de points ».
60 millions d’euros, 5 ans de travail
En pratique, la numérisation se fait via un découpage du territoire en blocs de 50 km de côté. En termes de définition, l’ambition est de disposer d’environ 10 impulsions/retours LiDAR par mètre carré au minimum. Le résultat est donc bien plus fin que ce que vous trouverez sur Google Earth, par exemple.
Le tout demandera environ 5 ans de travail au total, 7000 heures de vol, et un budget de l’ordre de 60 millions d’euros. Le financement est issu du Plan France Relance (22 millions d’euros) mais aussi du Fonds pour la transformation de l’action publique (21,55 millions d’euros pour les trois premières années du programme), la Direction Générale de la Prévention des Risques (4 millions d’euros). Des acteurs locaux contribuent également. Enfin, le projet s’appuie auissi sur différents sous-traitants privés.
Pour l’heure, l’objectif est de réaliser une première couverture complète du territoire : se posera ensuite évidemment la question de passes régulières, afin de tenir les données à jour. l’IGN nous a indiqué réfléchir à la suite, mais sans que rien de précis ne soit défini à ce stade. En revanche, ajoute l’IGN, « des solutions sont à envisager selon les zones et besoins » : on peut donc imaginer, par exemple, des campagnes ciblées et avec une fréquence de mise à jour variable.
De premiers résultats encourageants
71 zones de 50km de côté devaient être survolés et numérisés pour 2021 : au final, 50 blocs ont été acquis en intégralité, 4 partiellement, soit une surface de 110 000km² survolée en 6 mois. L’IGN explique que ce rythme lui permettra d’arriver à l’objectif fixé : l’administration avait en fait volontairement prévu un nombre élevé de blocs, afin de « disposer chaque semaine d’un maximum de terrains favorables à l’acquisition aéroportée, celle-ci étant dépendante des conditions météorologiques ».
Voici un aperçu des l’état des acquisitions de données : les blocs en rouge sont ceux qui ont été reportés à cette année.
Un long processus de traitement
Une fois les données acquises, reste à les vérifier et les traiter. Un processus qui se déroule en plusieurs étapes, indique l’IGN :
- validation de l’acquisition : l’idée est notamment de vérifier que l’on a bien 10 impulsions et retours par mètre carré au minimum, et donc que l’on n’a pas de zones mal définies. Les blocs vert foncé sur la carte ont passé cette étape ;
- validation du nuage après géoréférencement, élimination des artefacts : en sortie, on obtient un nuage de points LIDAR brut ; une quinzaine de blocs ont passé cette étape ;
- enfin, il s’agira de classer les données : on peut en effet analyser les nuages de points pour différencier les différents éléments, par exemple pour isoler la végétation. De quoi élargir considérablement les usages, que l’on souhaite obtenir le terrain nu, évaluer la densité d’une forêt, récupérer uniquement les routes ou constructions dans une ville, etc.
Quelles sont les données déjà disponibles ?
S’il faudra donc patienter encore avant d’explorer en détail les données, il est déjà possible d’en avoir un avant-goût.
Plusieurs zones sont en effet disponibles au téléchargement, gratuitement, dans les alentours de Montpellier, Nîmes, du Parc naturel régional des Grands Causses. Vous pourrez par exemple y trouver les arènes de Nîmes, le Pont du Gard, des zones en bord de mer, des aéroports et ports.
Pour les télécharger :
- rendez-vous sur la page dédiée ;
- cliquez sur la dalle (le carré) qui vous intéresse, un lien s’affichera sur la droite avec la taille du téléchargement. Les dalles font 2km de côté, ce qui permet d’éviter d’avoir des téléchargements trop massifs (comptez de 200 à 2Go environ par dalle) ;
- téléchargez les données, qui sont au format .7z et décompressez-les avec un outil d’archivage comme 7-Zip (gratuit). Pour chaque téléchargement, vous obtiendrez quatre fichiers : les dalles de 2x2km sont subdivisées en fichiers couvrant 1km² ;
- ouvrez-les avec un outil capable de gérer les données issues de LIDAR (format .laz), comme CloudCompare qui est utilisable gratuitement et disponible sous Windows, Linux, MacOS.
Comment visualiser et convertir les nuages de points ?
Nous avons préparé un tutoriel vidéo qui vous montrera comment, après avoir téléchargé des données brutes, vous pourrez les visualiser efficacement et, si vous le souhaitez, les exporter dans un autre format 3D, afin de les exploiter dans votre logiciel favori.
Un point non mentionné : en utilisant le menu Edit > Scalar Fields > Convert to RGB, vous pourrez incorporer la couleur de visualisation aux points, et donc exporter le nuage coloré et non le nuage brut.
Enfin, si vous souhaitez convertir le nuage de points en modèle 3D, vous pourrez soit utiliser les fonctions intégrées de CloudCompare (menu Edit > Mesh > Delaunay), soit utiliser un outil tiers, par exemple Meshlab (voir ce tutoriel par exemple) ou un logiciel de photogrammétrie (Metashape, RealityCapture, etc) qui dispose de fonctions automatisées de conversion de nuage de points en mesh classique.
Les données étant proposées au format Etalab 2.0 (détails sur le site gouvernemental officiel), vous pouvez réutiliser ces données très largement : reproduction, modification, exploitation commerciale sont autorisées, sous réserve de mentionner la paternité et la date de dernière mise à jour, par exemple sous la forme « Données de l’IGN – données originales téléchargées sur https://geoservices.ign.fr/lidarhd, mise à jour le 9 février 2022″.
Quelques trous prévisibles
Bien entendu, on pouvait se demander si en pratique certaines zones sensibles (bases militaires, centrales nucléaires…) ne seraient pas délibérément floutées, comme c’est le cas pour la photo satellite. Un examen des données disponibles le confirme : ci-dessous, la maison d’arrêt de Nîmes a été soigneusement supprimée.
Un choix qui est évidemment logique au regard de la législation et des questions de sécurité.
Ne vous attendez donc pas à pouvoir visualiser en détail l’Elysée ou la base navale de Toulon.
Un potentiel colossal
L’IGN va progressivement mettre en ligne davantage de données : n’hésitez pas à suivre la page officielle du projet, que nous aurons l’occasion d’aborder à nouveau prochaînement. Une carte (capture ci-dessous, faite le 10 février 2022) permet par ailleurs de suivre l’avancée des acquisitions.
Le potentiel du projet est énorme : qu’il s’agisse de suivi des forêts, de production agricole, d’implation de panneaux solaires ou éoliennes, d’aménagement urbain, de gestion des risques (prévision des risques associés aux inondations, par exemple), d’archéologie, de films, séries, jeux vidéo mettant en scène des environnements réels, de culture, d’archéologie, de suivi du réchauffement climatique… D’innombrables domaines et initiatives vont pouvoir récupérer et utiliser ces données.
Rendez-vous dans quelques années pour voir les fruits de ce travail titanesque.
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16 commentaires
Excellent article et super la petite vidéo.
Une question qui me taraude et j’ai la flemme de chercher, peut-être quelqu’un aura la réponse: comment font d’autres, avec lidar, pour éviter la végétation (exemple d’architectures villes mayas/aztèques sous la jungle)?
Merci !
Pour la végétation et en très bref, en fait comme tu envoies beaucoup d’impulsions, certaines réussissent à arriver au sol (un peu comme la lumière du jour reste présente dans une forêt, même si elle est atténuée). En filtrant les données selon le temps de retour, on a donc le relief nu.
En pratique le processus passe aussi par le timing entre les impulsions, tu as plus de détails ici.
[URL unfurl= »true »]https://lidarradar.com/info/how-does-lidar-see-through-trees[/URL]
Ce contenu est à prendre avec des pincettes : l’auteur mélange allègrement les notions de fréquence d’impulsion et de retours laser, jusqu’à inventer carrément le concept de collision d’impulsions laser en plein air (!), c’est sans doute « la licence artistique » mais ça ne rend guère service.
De fait, une simple impulsion laser peut intersecter plusieurs objets et faire l’objet de plusieurs retours successifs : cela s’explique par l’ouverture du rayon qui, aux distances typiques de relevé aérien, atteint a peu près le diamètre d’une assiette à deux mille mètres de distance. Ainsi en milieu forestier, pour une simple impulsion on pourra avoir des retours sur la canopée, puis des branches ou des troncs, puis le sol. Il suffira d’extraire le dernier point de la séquence pour avoir une idée du terrain sous couvert végétal.
Augmenter la fréquence des impulsions laser (la cadence de tir, pour simplifier) a pour objectif de densifier la couverture laser et au final, d’augmenter les chances d’avoir des retours au sol. Du coup, on peut envoyer des impulsions sans attendre le retour de la première, mais ceci induit des contraintes de distance à l’objet mesuré, sous peine de se mélanger les pinceaux à calculer quel retour appartient à quelle impulsion.
Cool. Merci
D’ailleurs je suis curieux de voir les usages archéo. Sur Twitter, quelqu’un du secteur m’a indiqué que ça aura de l’intérêt économique : le LiDAR coûte cher pour des petits projets, donc ça permettra soit d’en disposer s’ils ne pouvaient pas se le permettre, soit d’utiliser ces données et de dépenser l’argent ailleurs.
Excellent, mais il y a un probleme avec leur integration open maps. J ai galere a trouver ma maison a cause d un decallage de bien 1k vers le nord.
Tu as fini par trouver quand même ?
oui, bon c est pas super precis, mais c est sympa, enfin si, c est precis pour les deniveles, les arbres etc .. c est domage que le LIDAR prenne pas la couleur … ca ferait de super nuages de points realistes.
Il est tout à fait possible de coloriser les nuages de points avec une orthophoto, et ça se fait déjà couramment, mais il vaut mieux une ortho vraie pour ne pas avoir de bavures au niveau des dévers de bâtiments. Sinon dans la garrigue ça rend déjà très bien.
La colorisation peut aussi se faire en cours d’acquisition avec une caméra, mais vu l’étendue du chantier il n’est pas souhaitable de rajouter une contrainte d’éclairage de jour si on ne veut pas que ce chantier dure quinze ans.
biensur, t as raison 🙂
[USER=61675]@Philbd[/USER] Effectivement, tripler la durée totale du projet n’est sans doute pas souhaitable !
Il faudra que j’expérimente davantage sur la coloration de points et les outils (Qgis, CloudCompare…).
L’outil lascolor de Lastools dispo dans les extensions QGIS (mais qu’il faut quand même télécharger et installer à part) est ce qu’il y a de plus simple. Se procurer l’ortho est possible avec les services web experts du site géoservices de l’IGN.
[QUOTE= »Philbd, post: 350101, member: 61675″]
Ce contenu est à prendre avec des pincettes : l’auteur mélange allègrement les notions de fréquence d’impulsion et de retours laser, jusqu’à inventer carrément le concept de collision d’impulsions laser en plein air (!), c’est sans doute « la licence artistique » mais ça ne rend guère service.
De fait, une simple impulsion laser peut intersecter plusieurs objets et faire l’objet de plusieurs retours successifs : cela s’explique par l’ouverture du rayon qui, aux distances typiques de relevé aérien, atteint a peu près le diamètre d’une assiette à deux mille mètres de distance. Ainsi en milieu forestier, pour une simple impulsion on pourra avoir des retours sur la canopée, puis des branches ou des troncs, puis le sol. Il suffira d’extraire le dernier point de la séquence pour avoir une idée du terrain sous couvert végétal.
Augmenter la fréquence des impulsions laser (la cadence de tir, pour simplifier) a pour objectif de densifier la couverture laser et au final, d’augmenter les chances d’avoir des retours au sol. Du coup, on peut envoyer des impulsions sans attendre le retour de la première, mais ceci induit des contraintes de distance à l’objet mesuré, sous peine de se mélanger les pinceaux à calculer quel retour appartient à quelle impulsion.
[/QUOTE]
Effectivement, le lien que j’ai posté plus haut dans les commentaires n’est pas forcément ce qu’il y a de plus clair et précis sur le sujet. Merci pour les précisions sur la manière dont le Lidar peut percer le feuillage !
Merci aussi pour lascolor, je vais me pencher dessus.
[QUOTE= »Philbd, post: 350101, member: 61675″]
Ainsi en milieu forestier, pour une simple impulsion on pourra avoir des retours sur la canopée, puis des branches ou des troncs, puis le sol. Il suffira d’extraire le dernier point de la séquence pour avoir une idée du terrain sous couvert végétal.
[/QUOTE]
Fascinant. Même si je ne comprends que le quart: j’ai du mal à piger comment une onde lumineuse puisse être traversante . Est ce que c’est lié à la texture translucide des feuilles? Et puis comment on différencie dans une séquence un tronc du sol? Et comment le signal passe « à travers » tout ça? Dingue
En fait le laser ne traverse pas, c’est juste une partie du rayon qui arrive à travers les interstices de la végétation. C’est pour cela qu’on préfère faire du lidar en hiver quand il y a moins de feuilles qu’en été.
Après, pour la jungle d’Amérique centrale avec son feuillage persistant, c’est assez compliqué mais on peut aussi orienter le faisceau plus en diagonale pour espérer collecter des retours au sol.
Dans une seule séquence d’une impulsion laser, on ne peut pas faire la différence entre les objets. Mais dans un ensemble de plusieurs millions de points, on peut déduire une surface à partir des points les plus bas, qu’on estimera être le sol. Pour automatiser la tâche, il y a des algorithmes qui font ça assez bien, mais qui nécessitent quand même une part de contrôle visuel à la fin. Cette étape dite « classification » tient plus de la statistique que d’une science exacte.
Excellent Merci