Cet article est également disponible en: English
IGN a publié une longue enquête sur la part d’ombre de Vice-Versa 2.
Côté pile, le film est un immense succès commercial et critique, devenant le plus gros film d’animation de tous les temps (sans compter l’inflation), et permettant à Pixar de revenir sur le devant de la scène.
Côté face, la situation est plus sombre. IGN s’est entretenu avec 10 anciens artistes des studios affectés par les licenciements du printemps dernier qui ont touché 175 personne, soit environ 14% des effectifs. Et leurs propos ne sont pas rassurants.
Crunch, primes et licenciements
Certains ex-employés évoquent des conditions de travail très difficiles, avec des périodes de crunch « sans précédent ». Un témoignage fait état d’un ou deux mois à travailler 7 jours par semaine, de personnes à qui l’ont confiait des tâches pour lesquelles elles n’avaient quasi aucune expérience. D’autres témoignages parlent plutôt de 4 mois de rush en fin de production. D’autres enfin n’ont pas ressenti ce problème : manifestement, tous les départements n’ont pas été logés à la même enseigne.
IGN évoque d’ailleurs des témoignages de personnes qui constataient des décalages entre artistes : certains attendaient de recevoir du travail, tandis que d’autres trimaient des heures durant.
Cette production à marche forcée serait en partie lié à la pression qui reposait sur les épaules du studio : après l’échec du film Buzz L’Eclair, le sentiment au sein des équipe était que le studio ne pouvait se permettre d’échouer. Même s’il est loin d’être certain que le studio lui-même était en réel danger, cette idée était manifestement présente chez certaines personnes.
La pression s’est par ailleurs accentuée du fait de problèmes et calendrier et de gestion de production, ajoute IGN.
L’article revient aussi sur l’impact financier des licenciements : les personnes concernées n’ont pas touché de bonus suite au succès du film. En cause, le fait de ne pas avoir travaillé suffisamment sur le projet pour y avoir droit. Problème : les artistes expliquent que leurs salaires ne sont pas si élevés que ça compte tenu de la situation géographique du studio (Emeryville, Californie), et les primes sont un élément clé de leur rémunération. Le choc financier a donc été assez violent dans certains cas.
En outre, les licenciements se sont fait de manière assez brutale : interdiction de retourner à son bureau chercher ses affaires, par exemple. Des pratiques classiques aux USA mais inédites chez Pixar. Les personnes renvoyées en gardent donc une certaine amertume.
Backlash et gestion de production plus que perfectible
L’article dépeint un studio dont la gestion semble hasardeuse, fortement dépendant de Pete Docter qui aurait débordé de son rôle de producteur pour devenir un co-réalisateur non crédité. Si le talent de celui-ci n’est pas remis en question, IGN dépeint un studio qui, après une phase d’ouverture à de nouvelles têtes pour la réalisation (dont Kelsey Mann pour Vice-Versa 2), s’est détourné des expérimentations suite à l’échec de Buzz L’Eclair. La direction du studio aurait pointé du doigt la présence d’un baiser lesbien comme cause majeure de l’échec, et aurait cherché à éviter à tout prix le moindre élément pouvant se rapprocher de thématiques LGBT dans Vice-Versa 2, avec des modifications apportées à la relation entre Riley et Val afin de supprimer tout élément pouvant laisser penser que leur relation n’était pas purement amicale et platonique. Les artistes interrogés par IGN évoquent des changements de lighting, de tonalité effectués pour dissiper toute interprétation en ce sens. L’article en profite aussi pour rappeler que le film Buzz L’Eclair avait de multiples faiblesses, et que l’interprétation de la direction du studio est du coup assez hasardeuse.
En outre, Vice-Versa 2 a connu de nombreux revirements en termes de scénario et d’éléments créatifs. D’où un retard qui a conduit à une période très tendue en fin de production, un décalage de la sortie en salles étant exclu.
Ces éléments permettent d’éclairer la période de crunch : finalement, explique IGN, les témoignages sont peut-être moins le reflet d’une charge de travail inhabituelle à l’échelle du studio que de problèmes de management, les changements imprévus et la répartition désastreuse des tâches créant des situations dramatiques pour certaines personnes. Cela n’en reste pas moins assez inquiétant, à la fois pour le bien-être des équipes, et pour le studio lui-même. D’autant que Pixar, au vu du succès de Vice-Versa 2, souhaiterait réutiliser cette même approche pour son futur film d’animation Elio.
Pour en savoir plus
Pour l’heure, Disney et Pixar n’ont pas commenté ces révélations. On peut d’ailleurs douter qu’ils le fassent.
A défaut d’une réaction officielle, nous ne saurions trop vous conseiller de vous plonger dans l’enquête complète menée par Alex Stedman pour IGN.