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Des forêts 3D toujours plus réalistes grâce aux écoclimats #SIGGRAPH2022

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Comme chaque année, le SIGGRAPH est l’occasion pour les scientifiques du monde entier de présenter leurs derniers travaux en matière d’imagerie numérique et de techniques interactives. De quoi, entre autres, se faire une petite idée des outils qui seront mis à disposition des artistes dans le futur.

La publication : Ecoclimates: Climate-Response Modeling of Vegetation en est un bon exemple. Une équipe de recherche (Wojtek Pałubicki, Miłosz Makowski, Weronika Gajda, Torsten Hädrich, Dominik L. Michels et Sören Pirk) s’est penchée sur la simulation de la végétation, un domaine étudié depuis plusieurs décennies et qui permet d’obtenir des environnements naturels en modélisant la croissance des plantes et forêts.
Voici quelques explications sur ce nouveau projet, suivies d’exemples obtenus par l’équipe, d’une vidéo de présentation et enfin de quelques pistes pour les futures recherches.

Application de la méthode proposée, dans le parc du Yosemite (Californie), .

Ecoclimats : la clé du réalisme ?

Ici, l’idée est de s’interesser aux écoclimats, autrement dit aux liens entre les écosystèmes de plantes et la météo/le microclimat. Par exemple, l’humidité varie selon que l’on soit sur une zone boisée ou non du terrain, l’eau de pluie s’écoule en suivant les pentes, les plantes transpirent et créent une humidité, une nouvelle pousse dispose de plus de lumière à l’orée d’un bois qu’en pleine forêt. Autant d’éléments qui jouent, à l’échelle des jours, mois, années, sur l’évolution d’un paysage végétal, en éliminant ou favorisant telle ou telle plante.

En pratique, et sans trop rentrer dans la technique, voici le fonctionnement global du système :

  • en entrée, une personne définit le terrain, les espèces de plantes présentes, l’évolution du climat à grande échelle au fil du temps ;
  • le modèle simule ensuite à la fois la météo locale, le sol et la végétation elle-même, et les interactions entre ces éléments. Les évolutions des nuages sont simulées à l’échelle de la seconde, celles du sol et des plantes à l’échelle du mois, leurs évolutions étant plus lentes (il serait inutile et bien trop long de calculer la pousse d’un arbre minute après minute).
  • En sortie, on obtient donc une simulation dynamique de la végétation et du climat à tout moment.

On notera donc que le climat global d’entrée peut évoluer si on le désire : de quoi simuler l’impact du changement climatique sur une zone géographique précise, avec des plantes qui vont disparaître d’une zone, d’autres qui seront favorisées.
Par exemple, si l’on sait qu’à l’échelle de la France les canicules se font plus fortes et fréquentes au fil des ans, ce modèle permet théoriquement de simuler les effets de ces canicules sur une forêt du Sud de la France, et voir quelles espèces vont se développer ou régresser.

Et en pratique ?

Voici quelques exemples de résultats présentés par l’équipe :

  • un test de déforestation, avec une forêt tropicale (a) qui est en partie rasée (b). Sans plantes, l’humidité et les nuages formés sont perturbés (b). Peu à peu (c, d) la végétation reprend pied sur la zone déforestée, et les nuages se forment à nouveau comme en (a).
  • Comparaisons entre des photos de lieux réels et des simulations réalisées avec le système proposé. Au Niger (a) le climat aride crée des motifs assez caractéristiques de végétation, qui sont fidèlement simulés (b). Même chose avec les tourbières de Sibérie (c et d).
  • Une forêt tropicale est prise comme point de départ (a) avec 4300mm de précipitations par an et 6 espèces de plantes. L’équipe simule l’effet d’un climat global de plus en plus aride (moins de 1000mm de pluie au final) : progressivement, certaines espèces moins adaptées se raréfient, d’autres en profitent pour se multiplier. A mesure que le manque d’eau augmente, les plantes se réfugient dans des zones plus clémentes (c, d) puis seule subsiste une végétation adaptée à un climat sec. Les pentes fournissant une ombre protectrice comportent plus de végétation.
  • Voici également la vidéo de présentation du projet, qui propose d’autres exemples, et des simulations animées.

Bilan… Et demain ?

En simulant les interactions locales entres plantes, sol, atmosphère, l’équipe de recherche montre qu’il est possible de modéliser des écosystèmes complexes de façon réaliste. Le fait de simuler le microclimat (l’impact de la pente d’une colline, du changement d’humidité en bordure de forêt) permet de prendre en compte des phénomènes subtils à des échelles réduites.
L’approche présentée pourra ainsi s’avérer très utile pour simuler l’impact, à l’échelle locale, des effets du changement climatique.
Autre point fort, la simulation peut se faire de façon interactive : sur les différents exemples présentés, simuler une année d’évolution ne prend que de 0.6s à 8s de calcul selon le cas, avec une configuration assez modeste (Intel Core i5, 4 x 2.5GHz, 6Go RAM, NVIDIA Geforce GTX 1050). Cette rapidité de simulation facilite les manipulations et permet d’envisager un usage dans des logiciels de création de végétation/VFX, voire dans des jeux vidéo.
Pour ces usages, on notera aussi que comme la méthode modélise aussi la couverture nuageuse, on peut imaginer utiliser ces données pour disposer d’une météo réaliste.

En revanche, des limitations sont présentes : le cycle jour-nuit (avec les variations de température associées) ou les variations saisonnières de la direction de la luminosité ne sont par exemple pas prises en compte. Autant d’éléments évoqués par l’équipe pour améliorer le modèle à l’avenir. La publication suggère aussi d’étendre la méthode pour tester des hypothèses sur l’écoclimat et les valider par d’autres observations empiriques et analytiques.
Autres pistes : l’extension de la méthode en la combinant à des modèles de la pédosphère (couche externe de la croûte terrestre) et la cryosphère (zones comportant de l’eau à l’état solide, comme les glaciers, le permafrost, les lacs gelés).

En attendant de futurs projets de recherche qui se pencheront sur ces différentes idées, nous vous invitons à consulter la page de la publication qui vous donnera accès au pdf complet.
Ecoclimates: Climate-Response Modeling of Vegetation est une publication de Wojtek Pałubicki, Miłosz Makowski, Weronika Gajda, Torsten Hädrich, Dominik L. Michels et Sören Pirk de l’Université Adam Mickiewicz (Pologne), de l’Université des sciences et technologies du roi Abdallah (Arabie Saoudite) et d’Adobe Research.

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