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Conditions de travail dans les VFX : une étude dénonce une industrie en crise

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L’International Alliance of Theatrical Stage Employees (IATSE), syndicat Nord-américain majeur du secteur du divertissement (et notamment le cinéma, la télévision), dévoile une étude sur les salaires et les conditions de travail de l’industrie des effets visuels.

L’entité frappe fort, et évoque ouvertement « une industrie en crise », tout en mettant en avant des chiffres alarmants.
Si les données recueillies s’appliquent essentiellement aux USA et au Canada, elles restent pertinentes pour d’autres pays. En effet, les conditions de travail sur ces territoires (et notamment les salaires, donc les budgets) auront un impact sur les autres pays, d’autre part de nombreux artistes (et notamment français) vont travailler dans les studios américains ou canadiens.

Un secteur en crise

Voici les conclusions principales de cette enquête, qui s’intéressait aux artistes VFX aux USA, Canada mais aussi au-delà :

  • Plus des deux tiers des personnes interrogées considèrent qu’une carrière dans les effets visuels, dans les conditions actuelles, n’est pas viable sur le long terme.
  • En ce qui concerne les personnes du secteur VFX directement employées par les productions (côté studio de cinéma et non studio VFX, donc), « seuls 12% bénéficient d’une assurance maladie qui s’applique d’un emploi à l’autre, et seuls 15% déclarent une quelconque contribution de l’employeur à un fonds de retraite ».
  • Les heures supplémentaires impayées sont un problème qui touche une large majorité de personnes interrogées : « 70% des travailleurs du secteur VFX déclarent avoir effectué des heures supplémentaires non compensées pour leur employeur ».
  • Au-delà de ce travail gratuit impayé, beaucoup signalent des pauses non respectées : « 75% des travailleurs du secteur VFX ont déclaré avoir été contraints de travailler pendant les pauses repas et les périodes de repos imposées par la loi, sans compensation ».
  • Pour les artistes qui travaillent sur les plateaux de tournage, la sécurité est un problème : « la majorité des travailleurs VFX sur le plateau de tournage ont déclaré travailler dans des conditions où ils ne se sentaient pas en sécurité. En outre, 75% des travailleurs VFX employés par les grands studios de cinéma n’avaient accès à aucune formation ou ressource éducative fournie par l’employeur ».
  • Enfin, l’espoir d’une amélioration semble maigre chez les artistes : « Seul un travailleur du secteur VFX sur dix se sent capable de négocier individuellement des solutions viables à ces défis avec son employeur ».

L’IATSE évoque des résultats « alarmants, mais pas surprenants », et souligne que malgré la forte croissance du secteur et la demande très forte en main d’oeuvre, les conditions de travail restent déplorables : salaires trop bas, protection sociale insuffisante, longues heures de travail.

Et les salaires ?

Outre les conditions de travail dans les VFX, l’enquête du syndicat permet d’avoir des informations sur les salaires actuels.

Pour comprendre les graphes qui suivent : la barre grise représente la répartition des salaires dans son ensemble, la barre bleue la moitié inférieure de la fourchette moyenne, la barre verte la moitié supérieure, et l’interface entre barres bleues et vertes est la médiane : la moitié des personnes gagnent plus que ce chiffre, l’autre moins.

L’enquête a distingué les salaires « client-side » (personnes employées directement par le studio de cinéma, et donc typiquement aux côtés de personnes d’autres branches déjà syndiquées) et « vendor-side » (côté studio d’effets visuels, engagés par les studios de cinéma).
Le taux horaire est calculé sur la base de semaines de travail de 60 heures sur 5 jours.

Les points à retenir :

  • l’absence de salaire minimum standardisé selon le titre du poste occupé. D’où une absence de référence et des écarts massifs pour un même poste.
  • le syndicat IATSE souligne aussi que si l’on prend en compte l’ensemble des heures supplémentaires, y compris celles non payées par les entreprises, les salaires se retrouvent parfois sous le minimum légal prévu par la loi.
IATSE - conditions de travail dans l'industrie VFX
IATSE - conditions de travail dans l'industrie VFX

La syndicalisation, une solution pour améliorer les conditions de travail ?

Certains points de l’enquête auraient mérité d’être étoffés pour apporter un éclairage plus complet sur les conditions de travail dans les VFX : par exemple, l’enquête ne porte pas sur les problèmes de discriminations, d’inégalités salariales.
Il n’en reste pas moins que l’étude est salutaire et permet de souligner l’importance du problème. Le simple fait que certaines personnes du secteur soient en pratique payées moins que le minimum légal montre un dysfonctionnement majeur.

Evidemment, ce problème ne date pas d’hier : il y a 10 ans déjà, le secteur des VFX était déjà secoué par une vague de protestations (voir un de nos articles de l’époque) dans le sillage du film L’Odyssée de Pi. Les salaires et heures supplémentaires impayés avaient fait parler d’eux en 2015 côté indien, en 2016 avec le cas Sausage Party. Et plus globalement, ces problèmes de fond reviennent régulièrement sur le devant de la scène. Plus récemment, ce sont les conditions de travail autour des projets Marvel qui ont fait parler d’elles, avec un écho dans les médias non spécialisés et donc auprès du grand public. Une évolution notable, puisque ce genre de problème est souvent resté inconnu hors de l’industrie.
Par ailleurs, la demande forte en main d’oeuvre génère des conditions plus favorables à une évolution des pratiques, notamment côté salaires. Reste à voir si les artistes parviendront à faire évoluer la situation.

L’IATSE souligne dans son étude que d’autres branches de l’industrie du divertissement disposent de conditions de travail bien plus douces que les VFX. Une différence que le syndicat attribue au fait que, justement, ces branches sont fortement syndiquées, ce qui a permis aux personnes employées d’imposer des améliorations notables et de conserver ces acquis sociaux.
L’IATSE appelle donc les artistes à se syndiquer, et propose d’ailleurs ouvertement aux personnes concernées de les contacter.

Nous ne saurions trop vous recommander la lecture de l’étude complète, disponible en français et anglais. On y trouvera plus de détails sur la méthodologie et les différents points évoqués plus haut.
De notre côté, nous continuerons évidemment à suivre les évolutions de l’industrie des effets visuels, de même que l’ensemble de la création numérique.

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