Le cycle de conférences du festival d’Annecy comporte traditionnellement une présentation sur les nouveaux outils du secteur, et l’année 2014 n’a pas dérogé à la règle. Logiciels innovants, alternatives aux produits existants et techniques artistiques inédites étaient au menu de cette édition.
Redboard, outil de préproduction
Neil Marsden (directeur de la technologie) et Alexandros Gouvatsos (ingénieur de recherche) du studio Hibbert Ralph Animation ont entamé les hostilités avec une présentation des dernières avancées de Redboard, logiciel de préproduction/storyboarding 2D/3D développé par leur société.
Redboard permet de créer storyboards et animatiques, gère les EDL pour le timing des animations, et permet d’exporter les données (caméras, positions des personnages et timing) vers Maya, Max ou Softimage.
L’équipe à veut désormais aller au-delà du simple storyboarding 3D, et a cherché à développer un système de posing automatique des modèles 3D des personnages via une analyse du dessin 2D initial. En clair, Redboard pourrait déterminer que tel personnage lève le bras et fait face à la caméra sur un dessin, et poser le modèle 3D de ce personnage dans cette position.
Une méthode fonctionnelle a été développée, mais elle est bien trop coûteuse en temps de calcul pour être utilisable en production.
Les développeurs ont alors mis en place une alternative : PO-CAP (pose capture system).
Le principe : avec une kinect, un artiste peut se positionner de la même façon que les personnages sur le storyboard de Redboard (un retour visuel à l’écran lui fournit de l’aide). La pose est ensuite appliquée au modèle 3D, dans le logiciel 3D.
La démonstration qui nous a été proposée fut assez convaincante, d’autant plus qu’elle était réalisée avec une Kinect V1. Avec la Kinect nouvelle version, qui pourrait potentiellement fournir des informations sur la pose des mains, doigts ou encore du visage et plus seulement du corps, le résultat n’en sera que plus précis et utile.
A terme, Redboard devrait offrir le support de plusieurs personnages en parallèle, ce qui fera gagner un temps précieux. L’équipe indique aussi vouloir mêler l’approche Kinect à celle de l’analyse des dessins 2D. Un développement prometteur qu’il conviendra donc de suivre dans les mois et années à venir.
Démonstration du système de posing 3D : Alexandros Gouvatsos (à gauche) se met dans la position du personnage du storyboard, en bas à gauche de l’écran. Un retour vidéo (en haut à gauche de l’écran) l’aide à se calquer sur le modèle. A droite de l’écran, le modèle 3D sera posé en reprenant la posture de Gouvatsos.
Akeytsu, rigging et animation simplifiés
Aurélien Charrier a ensuite présenté Akeytsu, logiciel de rigging/animation que nous avons évoqué il y a quelques jours sur 3DVF. La conférence fut notamment l’occasion de revenir sur la philosophie du logiciel.
Aurélien charrier est parti du constat que certains outils ont transformé les artistes en techniciens, et que les logiciels 3D généralistes ne sont souvent pas pensés pour l’animation. Selon lui, les artistes passent une grande partie de leur temps à manipuler les logiciels et non à animer. Pour lui, Akeytsu va faire voler en éclat cette répartition du temps.
La société Nukeygara qu’il a cofondée se donne donc comme objectif de fournir un outil qui soit fonctionnel et ergonomique, rapide à prendre en main.
Bien évidemment, l’outil est encore jeune : Aurélien Charrier, manifestement passionné, indique que l’équipe se concentre pour le moment sur les bases. Support des muscles ou du cloth, par exemple, viendront plus tard.
Nous reviendrons très bientôt sur cet outil au travers d’une interview de la société Nukeygara qui sera l’occasion de présenter en détail le fonctionnement d’Akeytsu.
Unity et nouveaux usages
Andrew Touch (évangéliste chez Unity Technologies) et Akouvi Ahoomey (directrice business développement), de leur côté, on présenté les usages émergents du moteur de jeu Unity. L’objectif était surtout de présenter à un public issu du secteur de l’animation l’apport que peut avoir un moteur 3D temps réel : visualisation, prototypage, storytelling avec des BD interactives, nouveaux supports, etc.
Les exemples données étaient certes intéressants, mais la présentation n’aura pas surpris ceux qui suivent l’actualité des moteurs de jeux.
Impression 3D et stop-motion
Tom Box (cofondateur et directeur de Blue-Zoo Animation) et Grant Gilbert (fondateur et directeur de création chez DBLG) sont revenus sur la genèse de Bears on Stairs, vidéo qui eut beaucoup de succès lors de son lancement et qui met en scène une animation en stop-motion. La particularité du projet : chaque pose a été imprimée en 3D.
A l’origine de cette création, un projet destiné à la chaîne Animal Planet. L’agence créative DBLG et le studio d’animation Blue Zoo avaient alors mis au point une série de spots dans un style low-poly, en 3D.
Une fois le projet finalisé, l’équipe a voulu en garder un souvenir physique. D’essais en réflexions, de petits tests d’animation ont été réalisés. La vidéo finale a demandé trois à quatre semaines d’impression 3D (sur une imprimante Replicator 2). Un délai qui exclut a priori tout usage de la technique en production, mais cette contrainte est appréciée par l’équipe. Ceci étant dit, utiliser de multiples imprimantes pourrait être la solution, pour un studio désirant utiliser cette approche.
Bot & Dolly : des monstres mécaniques au service de l’art
La conférence s’est terminée de façon magistrale avec Tarik Abdel-Gawad de Bot & Dolly, société spécialisée dans l’utilisation de robots en tant qu’outil créatif. Leur performance la plus célèbre est leur participation au tournage de Gravity : c’est l’équipe du studio qui a fourni les outils nécessaires pour le tournage, avec un contrôle au millimètre près de la position des acteurs et des caméras.
Tarik Abdel-Gawad est revenu sur Box, court qu’il a réalisé avec les outils de la société. Au départ simple démo technologique, le projet a évolué en une véritable oeuvre d’art à couper le souffle : un mélange de robotique et projection mapping, le tout capturé directement in-camera (mais avec plusieurs prises).
Le travail accompli en coulisse demandait évidemment une haute précision, notamment pour calibrer le système. L’équipe a mis en place des outils permettant de travailler à la fois les graphismes et le ballet robotique dans Maya, et calibré précisément l’ensemble de la performance.
Les robots employés et leur maîtrise sont évidemment la clé : ils peuvent soulever 150 kgs sans broncher, et leur force permet à Tarik Abdel-Gawad (qui est également l’acteur visible dans la vidéo) de faire semblant de pousser ou tirer les panneaux sans fausser leur positionnement.
Pour filmer le tout, il fallait évidemment une caméra elle aussi précisément positionnée. Une prise de vue réalisée par un humain a donc été trackée, et les mouvements de caméra précisément reproduits ensuite par un troisième robot.
Puissance des machines, précision extrême, vision artistique novatrice : chaque élément du projet a compté. Comme aime à le précisé Tarik Abdel-Gawad, sa performance d’acteur était l’élément le moins précis de la séquence !