Digital Domain est à nouveau sous le feu des critiques, suite à des propos tenus par son CEO John Textor. Faire payer les élèves pour qu’ils puissent travailler gratuitement : exploitation ou opportunité ?
Le célèbre – mais néanmoins anonyme – blogueur VFX Soldier remet le couvert, dans un nouvel article consacré aux dérives des studios VFX. En ligne de mire : Digital Domain.
L’affaire a commencé par un simple tweet pointant vers un article publié sur Seeking Alpha, site d’investissement et bourse. Le site en question recommande d’investir dans Digital Domain, soulignant les possibilités d’extensions du studio, et en particulier via l’école Digital Domain Institute. Le site indique que l’expansion du studio se fera notamment au travers de programmes de Masters et Bachelors sponsorisés par le gouvernement, dans lesquels les étudiants paient pour travailler au sein de Digital Domain.
Un autre blogueur, OccupyVFX (qui comme son nom l’indique souhaite reprendre l’esprit du mouvement Occupy appliqué au secteur VFX, et indique chercher à améliorer la qualité de vie des artistes VFX du monde entier), lui a alors communiqué un enregistrement d’une présentation de John Textor, CEO de Digital Domain (l’audio étant disponible sur VFX Soldier).
Textor y tient des propos qui ne manqueront pas de faire bondir certains, à propos de leur nouvelle école de Floride :
[…]Ce qui est intéressant, ce sont les relations entre le studio numérique et l’école. Non seulement il s’agit d’une première […], mais 30% de la main-d’oeuvre de notre studio de Floride ne se contentera pas de travailler gratuitement, avec le travail étudiant : ils vont en fait nous payer pour avoir le privilège de travailler pour nous.
Evidemment il s’agissait du point controversé du système et du premier débat avec le Department of Education [agence de l’Etat en charge de l’éducation, NDLR], parce qu’on a l’impression que vous exploitez les étudiants. Mais nous avons su convaincre jusqu’à la communeauté académique que si nous ne faisions pas quelque chose pour réduire massivement les coûts de notre industrie […] alors nous perdrons ces emplois. Et notre secteur irait très rapidement en Inde et en Chine.
Alors, si 30% de la main d’oeuvre peut-être gratuite, et va en fait payer l’éductation, mais que durant vos années à l’école vous travaillez sur de vrais films […], et que lorsque vous sortez avec votre diplôme avec cinq grosses productions sur votre CV, votre nom dans les crédits, et plus qu’un simple niveau de stagiaire, alors c’est un très bon compromis.
En clair : le but est donc d’avoir 30% des employés de Digital Domain Floride qui seront des étudiants, qui vont payer (leur scolarité) pour travailler gratuitement.
Et le payer lourdement : comme l’indique le site de l’école, pour un élève qui ne réside pas en Floride, la scolarité s’élève à 105 000 dollars, un peu moins de 79 000 €.
Une somme qui ne prend évidemment pas en compte le logement, le transport ou l’alimentation.
Problème, Digital Domain bénéficie déjà en Floride d’aides conséquentes de l’Etat : plus de 130 millions de dollars d’aides et crédits d’impôts ont été attribués au studio pour qu’il installe une branche locale, ainsi que la fameuse école… Le tout, en théorie, pour favoriser l’emploi dans l’Etat.
VFX Soldier conclut bien évidemment qu’il avait raison sur toute la ligne depuis plusieurs années, et liste les dérives précédentes qu’il a déjà dénoncées : studios ne payant pas leurs employés malgré de grosses aides publiques, Gnomon qui en 2010 annonçait le lancement d’un studio dans lequel là aussi les étudiants paieraient pour travailler.
Il lance enfin, encore une fois, son appel aux artistes VFX sur la nécessité et l’urgence d’un syndicat. Les faits seraient-ils en train de lui donner raison ?