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Annecy 2017 : retour sur 30 années de Mac Guff

Dans le cadre des conférences du Festival d’Annecy et du MIFA, un retour sur Mac Guff nous était proposé. L’occasion de redécouvrir le passé d’un des pionniers du secteur 3D/VFX en France, lancé il y a plus de 30 ans.
Sur scène, trois des cofondateurs : Jacques Bled, Philippe Sonrier, Rodolphe Chabrier.

Un studio dans un appartement

Historiquement, Mac Guff a des origines modestes : l’entreprise a débuté dans l’appartement de Rodolphe Chabrier. Ce dernier indique ne pas « avoir créé l’entreprise pour créer une entreprise », mais principalement pour le plaisir et l’expérimentation. C’est d’ailleurs sous forme de collectif que l’aventure commence, avant le passage en SARL. Au passage, le fameux nom « Mac Guff » est une référence directe au MacGuffin cher à Hitchcock.
Côté matériel, l’équipe adopte des PC, matériel peu onéreux : les moyens limités de Mac Guff ne permettaient pas d’adopter des outils plus haut de gamme.

Rapidement, le studio trouve un écho positif dans la presse : pour Jacques Bled, même si les projets de l’époque étaient basiques, ils étaient novateurs.

A l’époque, tout reste à inventer. Les premiers projets « animés » de l’équipe mettent en scène des caméras mobiles mais des scènes figées : leurs outils ne géraient tout simplement pas l’animation.

Viennent alors les premiers projets célèbres, comme un clip pour les Rita Mitsouko fin 1986 : un simple décor avec rideau virtuel, qui est évidemment dépassé aujourd’hui mais sur lequel l’équipe avait passé des nuits entières.

Viennent ensuite d’autres concepts très divers : un projet inspiré de l’univers d’Hugo Pratt pour Pier Import en 1987, le clip Chic Planète de L’Affaire Louis Trio la même année, ou encore le générique de l’émission Panique sure le 16.
Côté technique, toujours pas de « vraie » animation mais de l’interpolation entre des jeux de données.

Ce marché de l’habillage a depuis totalement évolué : alors qu’à l’époque chaque émission veut son propre générique, la tendance actuelle est à l’habillage de chaîne, ainsi qu’à une chute des budgets.

A la même époque, le studio travaille également sur la série La Vie des Bêtes, diffusée sur Canal+ : plusieurs dizaines d’épisodes très courts (une trentaine de secondes) mettent en scène des animaux en vue subjective. Le but étant évidemment de deviner quel animal est mis en scène.

Techniquement, Mac Guff poursuit sa quête de compétentes : débuts de l’utilisation du morphing (Rodolphe Chabrier souligne qu’à quelques mois près, ils auraient été les précurseurs du domaine), développement d’un raytracer maison.

En 90-91, le studio embauche grâce à un contexte favorable (intermittence, aides du CNC, développement des écoles), mais doit faire face à la chute des projets publicitaires : la guerre du Golfe rend les marques frileuses.

En 1991, l’équipe travaille sur son premier long-métrage : Jusqu’au Bout du Monde, de Wim Wenders. Le studio est en charge d’un ours 3D affiché dans un téléviseur.
La même année, un clip pour Renaud mêle hommes et animaux : une performance pour l’époque.

Jacques Bled en a profité pour souligner qu’il arrivait que des créateurs viennent dans le studio pour avoir un aperçu des outils disponibles : une façon de se tenir au courant des dernières avancées et d’adapter leurs demandes en fonctions des nouvelles capacités de Mac Guff. Un détail loin d’être anodin puisque pour Jacques Bled, Mac Guff est avant tout une histoire de rencontres avec les créateurs : pour lui, ce sont les partenariats sur la durée qui ont permis à l’entreprise de poursuivre son activité sur une telle durée.
Ce sont d’ailleurs les clips qui ont permis de fidéliser certains partenaires (dont les réalisateurs), de quoi ensuite de s’attaquer à d’autres marchés comme la publicité.

Philippe Sonrier, de son côté, a ajouté qu’à l’époque, Mac Guff était autant un studio qu’un laboratoire. Les équipes étaient perçues, de l’extérieur, comme des gens qui allaient ajouter « de la magie » dans les images.

Cette magie se retrouvera par exemple en 1996 dans un spot pour Jungle de Kenzo : une comédienne filmée sur un tapis roulant est intégrée à une scène dans laquelle se trouvent des éléphants 3D. Un défi pour l’époque, notamment sur la rotoscopie.

Le studio poursuit ensuite son développement, travaille sur des rides (avec notamment la mise en scène de dinosaures en 1998). Le Japon devient le premier client de l’entreprise, pendant 5 ou 6 ans.

En 1998, Mac Guff travaille sur le fameux spot des bébés nageurs d’Evian : un projet dont le storyboard tournait depuis un certain temps en coulisses mais que personne ne savait comment mettre en images, nous a confié Mac Guff.

L’aventure du long-métrage

La fin des années 90 est aussi marquée par les vrais débuts dans le long-métrage : Doberman avec un générique animé et d’impressionnants effets de transition.

Au début des années 2000, Mac Guff poursuit son chemin : Pat & Stan rencontre un gros succès en ligne, et le documentaire L’Odyssée de l’espèce marque les esprits avec ses hominidés en motion capture et son travail sur le hair, l’animation faciale.

Ces différents projets permettent au studio d’acquérir une grande légitimité.

L’essor se poursuit : en 2004, une scène de transe pour le film Blueberry, suivie en 2005 par Azur et Asmar, de Michel Ocelot. Un film qui rencontrera le succès en France, mais ne trouvera pas sa place sur le marché international. Il permettra à Mac Guff de mettre en place un nouveau pipeline et un processus complet de fabrication pour l’animation.

Chasseurs de Dragons, en 2008, est le second film d’animation du studio. Il sera suivi en 2010 par le premier Moi, Moche et Méchant, film de commande par Universal/Illumination Entertainment.

2011, Mac Guff se divise

Après cette production, les dirigeants réalisent que la cohésion de l’entité devient délicate à gérer, du fait notamment de sa diversification. Et justement, Universal propose de scinder l’entreprise : c’est chose faite en 2011, et Illumination Mac Guff voit enfin le jour durant la production du Lorax.

Du côté de Mac Guff, le travail se poursuit dans les effets visuels : Astérix et Obélix – Au Service de sa Majesté, Le Transporteur, Largo Winch… Sans pour autant négliger des projets plus atypiques comme le documentaire Il Etait Une Forêt en 2013.

L’avenir

La conférence s’est achevée sur l’évocation de quelques projets en cours et en particulier Dilili à Paris, de Michel Ocelot. Ce film d’animation présentera le parcours d’une jeune kanake dans le Paris de la Belle Epoque. Un concept rejeté par certains financeurs potentiels comme Canal + ou France Télévisions, mais qui a finalement pu voir le jour. Jacques Bled, manifestement très investi dans le projet, a d’ailleurs indiqué que selon lui, les deux groupes regretteraient leur non-implication en voyant le résultat.

Nous avons pu découvrir quelques images encore non finalisées. Le film mêle le style de Michel Ocelot, inimitable, avec des images de Paris : un contraste étonnant, et un projet atypique que nous auront l’occasion d’évoquer à nouveau.

Philippe Sonrier a souligné l’importance pour le studio d’avoir des projets intéressants, qui créent un pouvoir attractif envers les artistes talentueux.

Le département Small a également été brièvement abordé : cette entité explore des projets en réalité virtuelle et augmentée.

Enfin, Rodolphe Chabrier a évoqué la question du pipeline : pour lui, les améliorations de ces 10 ou 15 dernières années ont été des évolutions, par des révolutions. Mac Guff s’appuie désormais sur Maya, et le moteur de rendu interne MGLR a été abandonné au profit de V-Ray en 2012 : il reste toutefois employé chez Illumination Mac Guff.
Ces  évolution ont été rendues nécessaires, entre autres, par la nécessité d’intégrer plus facilement les jeunes artistes, qui maîtrisent les outils du commerce.

Bilan

Outre son aspect nostalgique, cette conférence avait l’avantage énorme de réunir trois des cofondateurs de Mac Guff, avec chacun une vision propre de ce passé : Rodolphe Chabrier a par exemple insisté à plusieurs reprises sur la passion comme moteur majeur, tandis que Jacques Bled a souligné le lien avec les institutions : Plan Image dans les années 80, volonté du CNC (entre autres) de relocaliser les VFX plus récemment.

Passion, rencontres pérennes, institutions et talent : autant d’ingrédients qui ont permis au pionnier Mac Guff de perdurer durant plus de trois décennies.

Pour aller plus loin : les sites de Mac Guff et Illumination Mac Guff.

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