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Annecy 2015 : retour sur le studio Sergio Pablos Animation

Dans le cadre des conférences proposées au Festival d’Annecy 2015 et au MIFA, une présentation du studio Sergio Pablos Animation (SPA) était organisée. Une société qui mérite que l’on s’y intéresse, comme nous allons le voir.

SPA Studios a été créé en 2004 par Sergio Pablos, après son départ de Disney. L’entreprise a deux activités principales :
– d’une part, du service pour d’autres studios : Universal, Blue Sky, Warner ou Disney font partie des clients. Typiquement, il s’agira de character design, visual development, storyboarding.
C’est cette activité qui permet au studio de se maintenir à flot financièrement.

– d’autre part, le studio travaille sur ses propres projets. Une activité plus risquée et moins lucrative. On prendra ici comme exemple le teaser du projet Klaus, qui a beaucoup fait parler de lui il y a quelques semaines et a marqué les esprits, comme en témoignait la salle de conférence bondée.

La conférence a porté sur des projets passés, y compris les échecs, avant de revenir plus en profondeur sur Klaus.

De la difficulté de travailler sur ses propres idées

Sergio Pablos a présenté trois projets de longs-métrages, dont deux erreurs magistrales. Une attitude rare pour un studio ; il convient de la saluer, d’autant plus que Pablos en a profité pour expliquer les raisons de ces échecs.

– Développé au milieu des années 2000, Giacomo’s Secret était un projet de long-métrage en animation 2D à l’ancienne. Un projet auquel Sergio Pablos croyait profondément, mais totalement inadapté au marché de l’époque : la 3D prenait son envol, et les projets 2D ne séduisaient plus le public. Les studios ne l’ont donc pas pris au sérieux.
La leçon de cette expérience, selon Sergio Pablos : il faut savoir regarder son propre travail avec des yeux objectifs, et apprendre à abandonner un projet, aussi bon soit-il, lorsque l’on réalise que l’on n’aura pas d’autre public que soi.

– Autre projet voué à l’échec : Turtle Ops. Ici, Sergio Pablos avait eu la démarche opposée : il était parti du marché. A l’époque, les films d’animation qui fonctionnaient étaient ceux avec des des animaux comme personnages. Sergio Pablos avait alors créé un projet avec des tortues-soldats. Un concept, avoue-t-il, totalement creux. Il avait des concepts et des personnages, mais faute d’investissement personnel, aucun scénario n’était présent. Et malgré l’intérêt de certains studios, il a préféré torpiller le tout.

Turtle Ops

Seconde leçon, donc : s’il est indispensable d’écouter le marché, il faut également avoir un attachement personnel au projet. Les deux éléments sont indispensables.

– Le projet suivant sera le bon, car il remplira ces deux conditions. Titré Evil Me, il s’agissait du quotidien d’un méchant tout droit sorti d’un film de type James Bond. L’idée : s’intéresser à son quotidien, avec comme antagoniste un agent secret antipathique.
Le nom du personnage principal : Groo, qui deviendra plus tard… Gru.
Sergio Pablos revendra le concept, avec la suite que l’on connaît : Despicable Me (Moi, Moche et Méchant) était né.
Si le projet de départ était très différent visuellement du film sorti au cinéma, on y retrouve des éléments clés, comme les trois jeunes filles et l’humour décalé. Les minions, en revanche, n’étaient pas encore là.
Notons que Sergio Pablos est très satisfait du résultat : il a souligné que l’équipe du film a su mettre « du coeur » dans le projet. Il ne regrette donc pas de ne pas avoir réalisé lui-même le film (ce qu’on lui avait proposé).

Klaus

Klaus, le prochain projet du studio

La seconde partie de la présentation était centrée sur le fameux teaser du projet Klaus.
Le rendu si particulier du teaser a été obtenu après une R&D poussée. L’idée n’était pas d’imiter la 3D, mais d’utiliser des effets avancés, notamment sur l’éclairage. En clair, le studio a voulu mettre de côté la tentation du rendu type « nostalgie », et puiser dans les dernières avancées.
Le fameux « look 2D » n’existe pas, a enfoncé Sergio Pablos : il n’est que la conséquence des limitations techniques liées à l’âge d’or de l’animation 2D. Il n’y a donc aucune raison de ne pas le remettre en question.

L’équipe a donc passé en revue les nouveaux outils et approches disponibles, avec par exemple des techniques d’extraction de la géométrie à partir d’un dessin 2D. Une méthode qui n’a finalement pas été retenue.

Au final, c’est une approche en deux étapes qui a été retenue pour les personnages :
– après l’animation 2D classique, l’éclairage est géré en couches (base, AO, lumière principale, secondaire, etc) ;
– le texturing est ensuite mis en place avec le logiciel Mode of Expression des Films du Poisson Rouge. Un outil que nous avions déjà évoqué en 2012. Ce moteur permet de rajouter de la texture aux personnages 2D, et gère notamment leur rotation : ce détail fait que beaucoup ont cru que les personnages de Klaus étaient en 3D.

Pour les décors, un mélange de 2D/3D a été utilisé : le décor, dessiné en 2D, est projeté sur des formes géométriques très basiques. L’intérêt est de pouvoir faire des mouvements de caméra de faible amplitude, qui donneront un sentiment de profondeur à l’ensemble. Sans pour autant modéliser tous les décors en 3D.

Le teaser a donc atteint son but : le studio a pu valider la faisabilité de l’objectif graphique visé. Il reste toutefois encore de la R&D à accomplir, notamment pour automatiser une partie du processus sur le texturing.

Il faudra encore un peu de patience avant de voir Klaus sur grand écran : le teaser n’est pas une bande-annonce du film, mais un concept destiné à rassembler les fonds nécessaires. Nous ne manquerons pas de revenir sur le projet s’il se concrétise.

Sergio Pablos
Sergio Pablos, à Annecy.
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